Depuis des années, la distribution de l’aide à la presse est un sujet de controverse au Sénégal, alimenté par le manque de transparence et l’opacité entourant ce processus. Récemment, la publication de la liste des bénéficiaires et les déclarations du ministre de la Communication ont levé le voile sur des pratiques surprenantes, voire choquantes, qui révèlent des disparités flagrantes dans la répartition des fonds alloués aux organes de presse.
La répartition des montants attribués aux différents médias a suscité de nombreuses interrogations. Comment expliquer qu’un journal historique comme Le Témoin, fondé dans les années 1980, ne reçoive que 8 millions de francs CFA, alors que des quotidiens plus récents comme Source A et Bes-bi perçoivent respectivement 12 millions et 10 millions ? Cette disparité soulève des questions sur les critères utilisés pour l’attribution de ces aides. Le contenu, l’audience ou l’ancienneté semblent avoir été ignorés dans ce processus, laissant place à une logique difficilement compréhensible.
Le secteur de la presse en ligne n’échappe pas non plus à ces inégalités. Des sites comme Senego, malgré une audience conséquente, n’ont reçu qu’un maigre million de francs CFA, tandis que d’autres plateformes comme Leral et PressAfrikont bénéficié de 12 millions et 16 millions respectivement. Plus intrigant encore est le cas du site almassirah.sn qui, bien qu’inconnu du paysage médiatique sénégalais, a reçu 10 millions de francs CFA. Ce site, introuvable sur les moteurs de recherche locaux et semblant être basé au Yémen, interroge sur la rigueur et la transparence des vérifications effectuées par les autorités.
La baisse drastique des fonds alloués à Walf, qui passe de 70 millions en 2022 à 20 millions en 2023, a également fait couler beaucoup d’encre. Selon l’ancien ministre de la Communication, Moussa Bocar Thiam, cette réduction serait due aux sanctions infligées par le CNRA pour certains programmes de Walf jugés non conformes. Ce cas illustre comment l’aide à la presse peut être utilisée comme un levier pour sanctionner ou récompenser certains médias, en fonction de leur ligne éditoriale ou de leur couverture des événements politiques.
Face à ces révélations, il devient impératif de revoir le mécanisme de distribution de l’aide à la presse au Sénégal. Les critères d’attribution doivent être clarifiés et rendus publics pour éviter toute suspicion de favoritisme ou de règlement de comptes politiques. De plus, la publication annuelle et systématique de l’arrêté de répartition, demandée depuis longtemps par des figures comme Mamadou Ibra Kane, s’impose comme une nécessité pour garantir une meilleure transparence.
En somme, la récente divulgation des montants alloués aux organes de presse met en lumière des pratiques qui soulignent l’urgence d’une réforme profonde du système d’aide à la presse au Sénégal. Seule une distribution équitable et transparente pourra renforcer la liberté et la diversité de la presse, piliers essentiels de toute démocratie.
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