Massacre de Thiaroye : la mémoire des tirailleurs sénégalais divise au sommet de l’État

Le Sénégal a célébré, le 1ᵉʳ décembre 2024, le 80ᵉ anniversaire du massacre de Thiaroye, une tragédie survenue en 1944, où des tirailleurs sénégalais furent massacrés par l’armée coloniale française pour avoir réclamé leurs droits après leur retour du front. Cette commémoration, présidée par le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a été marquée par des annonces historiques visant à honorer la mémoire des victimes et réhabiliter cette page sombre de l’histoire coloniale. Pourtant, ces initiatives présidentielles viennent d’être ébranlées par des propos controversés d’un proche collaborateur : Cheikh Omar Diagne, ministre conseiller et Directeur des moyens généraux à la présidence.

Lors de la cérémonie, le président Bassirou Diomaye Faye a prononcé un discours émouvant, dans lequel il a dévoilé une série de mesures ambitieuses pour restaurer l’honneur des tirailleurs sénégalais. Parmi ces annonces figurent l’érection d’un mémorial à Thiaroye, la revalorisation des pensions des descendants des victimes et le lancement d’une campagne nationale de sensibilisation sur cet épisode tragique. Le président a également appelé les Sénégalais à se souvenir de ces soldats souvent enrôlés sous contrainte et à reconnaître leur sacrifice.

Ces annonces ont été largement saluées, tant par la société civile que par les historiens. Beaucoup y voient un geste fort pour renforcer la conscience nationale et faire face aux blessures laissées par la colonisation. « C’est une initiative qui montre que l’État prend enfin ses responsabilités envers ceux qui ont été abandonnés à leur sort pendant des décennies », a déclaré l’historien Mamadou Diop, spécialiste de la période coloniale.

Cependant, cette démarche présidentielle a été éclipsée par une polémique déclenchée par Cheikh Omar Diagne. Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, ce ministre conseiller a tenu des propos jugés révisionnistes et offensants. Il a qualifié les tirailleurs sénégalais de « traîtres » et estimé qu’ils « ne méritent pas d’être célébrés ». Selon lui, bien que ces soldats aient été enrôlés sous contrainte, ils auraient participé à l’oppression de leurs propres compatriotes au service de l’armée coloniale française.

« Ils ont combattu pour une cause qui n’était pas la leur. Ils ont porté l’uniforme de l’oppresseur et se sont retournés contre leurs propres frères africains. Comment pouvons-nous les honorer aujourd’hui ? », aurait-il déclaré dans cette vidéo, dont l’origine et la date d’enregistrement restent incertaines.

Ces propos ont suscité une vive indignation au sein de l’opinion publique et de la classe politique. Plusieurs organisations de défense des droits humains et de la mémoire historique ont dénoncé des « déclarations irresponsables » et exigé des clarifications de la part du gouvernement. Pour Sokhna Ndiaye, présidente de l’Association des descendants des tirailleurs sénégalais, ces propos « trahissent l’engagement de l’État à rétablir la vérité et à rendre justice à ceux qui ont été injustement sacrifiés ».

Dans les cercles politiques, la position de Cheikh Omar Diagne crée un malaise. Certains estiment que ces déclarations ternissent l’image du gouvernement et mettent en péril les efforts du président Faye pour réconcilier les Sénégalais avec leur histoire. « Ces propos sont inacceptables, d’autant plus qu’ils viennent de quelqu’un qui occupe une position influente dans l’entourage présidentiel », a réagi un député de l’opposition.

Face à la controverse, la présidence n’a pour l’instant publié aucun communiqué officiel. Toutefois, des sources proches de l’entourage présidentiel affirment que le chef de l’État serait profondément contrarié par les propos de son conseiller. Certains observateurs estiment qu’une sanction ou un rappel à l’ordre pourrait être envisagé pour dissiper les tensions et rassurer l’opinion publique.

Cette controverse illustre les tensions persistantes autour de la mémoire des tirailleurs sénégalais, symboles à la fois du sacrifice et des injustices de l’époque coloniale. Elle pose également des questions plus larges sur la manière dont le Sénégal souhaite se réapproprier son histoire et en tirer les leçons pour l’avenir.


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