Près de 80 ans après l’un des épisodes les plus sombres de la colonisation française en Afrique de l’Ouest, des squelettes humains porteurs de balles ont été exhumés dans le cimetière militaire de Thiaroye, près de Dakar. Cette découverte, révélée par l’AFP mercredi 4 juin, survient dans le cadre de fouilles archéologiques inédites, initiées par le gouvernement sénégalais pour faire toute la lumière sur le massacre des tirailleurs africains perpétré le 1er décembre 1944.
Les travaux, entamés début mai, ont permis de localiser des restes humains dans une section du cimetière où reposeraient des victimes de la tuerie. Certaines des balles retrouvées dans les corps sont logées au niveau de la poitrine, et présentent des calibres différents, selon une source proche du dossier. Une expertise balistique est en cours pour identifier les armes utilisées, tandis que des analyses ADN pourraient contribuer à l’identification des victimes.
Le massacre de Thiaroye reste à ce jour l’un des plus grands tabous de la mémoire coloniale française. Les tirailleurs, majoritairement ouest-africains, venaient d’être rapatriés des combats en Europe. Ils réclamaient le paiement de leurs arriérés de solde. En réponse, l’armée française avait ouvert le feu sur eux, sur ordre de sa hiérarchie.
Les autorités coloniales avaient officiellement reconnu 35 morts, mais plusieurs historiens estiment que plus de 300 à 400 soldats africains ont été tués. Le lieu exact des inhumations, tout comme l’identité précise des victimes, reste largement inconnu.
Depuis des années, des chercheurs africains réclamaient la conduite de fouilles sur les lieux, notamment au camp militaire de Thiaroye et dans le cimetière adjacent. Ce n’est qu’en février 2025 que le gouvernement sénégalais a franchi le pas, affirmant vouloir « la manifestation de toute la vérité », face au silence persistant des autorités françaises.
En novembre 2024, la France a reconnu officiellement le massacre, la veille du 80e anniversaire de la tragédie. Une commémoration à grande échelle avait alors été organisée à Dakar par le gouvernement sénégalais, mettant en lumière les enjeux mémoriels et historiques autour de cette tuerie.
En avril 2024, un comité de chercheurs sénégalais a été mis en place pour rédiger un rapport historique. Sa remise au gouvernement, initialement prévue pour le 3 avril, a été reportée sans explication officielle.
Cette campagne de fouilles représente une étape cruciale dans le travail de mémoire et pourrait enfin apporter des preuves matérielles irréfutables du massacre. Elle constitue également un acte de souveraineté mémorielle, dans un contexte où le Sénégal, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, affirme sa volonté de reprendre le contrôle sur les récits historiques qui ont longtemps été occultés ou minimisés.
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