Le 5 novembre 2024, Lanssana DIANDY, directeur de publication du journal Point Actu, a été entendu pendant plusieurs heures par la Direction de la Cybercriminalité (DSC), à la suite de la plainte déposée par le Ministère de la Santé, en rapport avec des articles publiés sur l’attribution d’un marché de 71 milliards de francs CFA à la société ACD.
Les articles publiés par Point Actu se sont intéressés à l’attribution d’un marché juteux par le Ministère de la Santé à une société privée, ACD, dans des conditions qui, selon le journal, méritaient un éclairage plus approfondi. Dans le cadre de ses fonctions, M. DIANDY a fait un travail journalistique de vérification des faits, en se basant sur des sources judiciaires et des décisions de justice déjà publiques. Cela est d’autant plus important dans le cadre de la liberté de la presse, où les journalistes ont la responsabilité de tenir l’information publique sur des sujets d’intérêt général, notamment ceux relatifs à la gestion des finances publiques.
Cependant, après la publication de ces articles, le ministre de la Santé a déposé une plainte, conduisant à l’audition du journaliste par la DSC, une institution chargée de traiter les infractions liées à l’usage de l’internet, la cybercriminalité, et les atteintes à l’image des institutions publiques.
L’audition de M. DIANDY, sans la présence de son avocat, suscite des interrogations sur la manière dont l’État peut réagir face à des articles qu’il considère comme nuisibles ou diffamatoires. Bien que le journaliste se soit présenté en toute coopération, respectant les procédures établies, il est légitime de se demander si cette situation n’est pas une forme de pression sur le journalisme d’investigation au Sénégal.
Le rôle de la presse est de s’assurer que les décisions prises par les autorités, qu’elles soient politiques ou économiques, soient non seulement légales, mais aussi transparentes et dans le meilleur intérêt du public. L’éventuelle utilisation de la justice à des fins de pression sur les journalistes pourrait avoir des conséquences graves sur l’indépendance et la liberté de la presse dans le pays.
Dans le cadre de ce dossier, Point Actu a pris soin de solliciter à plusieurs reprises la version de la partie plaignante avant la publication des articles. Ces demandes sont restées sans réponse, ce qui soulève la question du manque de dialogue entre les journalistes et les institutions publiques sur des sujets sensibles. Cette absence de communication n’est pas rare, et elle montre parfois une réticence des autorités à répondre aux questions des médias, surtout lorsqu’il s’agit de questions financières ou de gestion publique.
La décision de Point Actu d’ouvrir ses colonnes à la plaignante, malgré la plainte, est un geste de transparence et de volonté de maintenir un espace de dialogue. Toutefois, il est essentiel de noter que la responsabilité d’un journaliste ne se limite pas à obtenir une version officielle, mais à rendre compte des faits dans leur totalité, surtout lorsque ceux-ci ont un impact sur l’intérêt public.
Cet incident soulève également la question de la protection des journalistes dans l’exercice de leur profession. La pression judiciaire, lorsqu’elle est utilisée pour contraindre les journalistes à se conformer aux intérêts politiques ou économiques, peut sérieusement compromettre la liberté de la presse et de l’expression. Les journalistes doivent pouvoir enquêter et rapporter des faits sans crainte de représailles judiciaires ou de pressions extérieures.
Le cas de Lanssana DIANDY doit inciter à une réflexion plus large sur la place de la presse dans le contrôle de l’action publique. Il ne doit pas non plus être considéré comme un précédent qui pourrait intimider d’autres journalistes dans leur démarche d’investigation.
L’audition de Lanssana DIANDY par la Direction de la cybercriminalité, suite à une plainte émanant du Ministère de la Santé, met en lumière un dilemme qui touche à la liberté d’expression, à la transparence et à la responsabilité de l’État envers ses citoyens. Si la presse doit veiller à l’équilibre entre son rôle de dénonciation et de respect de la loi, elle doit aussi pouvoir opérer dans un environnement où elle est protégée contre toute forme de pression ou de censure.
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