Le Sénégal traverse une crise sociale majeure avec une vague de licenciements qui touche plusieurs entreprises et institutions publiques. Plus de 3 000 travailleurs ont été remerciés ces derniers mois, une situation dénoncée par le Rassemblement des Travailleurs Licenciés du Sénégal (RTLS), qui regroupe ces employés mis à l’écart. Lors d’une conférence de presse tenue ce lundi, les responsables du collectif ont exprimé leur indignation et annoncé des actions judiciaires pour contester ces décisions qu’ils qualifient d’ »abusives ».
Selon Boubacar Fall, coordinateur du RTLS, ces licenciements concernent plusieurs secteurs stratégiques de l’économie sénégalaise. Parmi les structures les plus touchées figurent le Port autonome de Dakar, où 781 travailleurs ont perdu leur emploi, la Loterie nationale du Sénégal (Lonase) avec 173 licenciements, Saf Industrie avec 161, et la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco) qui enregistre 85 départs forcés. D’autres entités publiques comme le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip), Dakar Dem Dikk, l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) et la Direction de l’Emploi sont également concernées. L’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) est l’une des structures les plus impactées, avec 500 licenciements justifiés par des motifs économiques.
Face à cette vague de suppressions de postes, le RTLS dénonce ce qu’il considère comme une stratégie de démantèlement de l’emploi au sein de l’administration publique. Les travailleurs licenciés estiment que les justifications avancées, principalement liées à des contraintes budgétaires, ne tiennent pas la route. Selon eux, certaines entreprises qui invoquent des difficultés économiques continuent d’engager de nouvelles dépenses jugées excessives, notamment en matière de location de nouveaux locaux et de recrutements ciblés.
Le collectif entend mener la bataille sur le terrain judiciaire. Plusieurs ex-employés ont déjà saisi l’Inspection du travail et obtenu des décisions favorables, tandis que d’autres procédures sont en cours devant les tribunaux. Boubacar Fall a insisté sur la nécessité de rétablir les travailleurs dans leurs droits et de réexaminer ces décisions de licenciement qu’il considère comme arbitraires. Il a également dénoncé la précarisation de l’emploi dans le secteur public, notamment avec la tendance à remplacer les contrats à durée indéterminée par des stagiaires ou des travailleurs sous contrat précaire.
L’affaire prend également une tournure politique. Certains membres du RTLS soupçonnent ces licenciements d’être motivés par des considérations partisanes. Pape Mama Fall, représentant des agents licenciés de CDC Habitat, a évoqué le cas de son institution, affirmant que la réduction des effectifs aurait été décidée sans justification claire. Il a notamment pointé du doigt le paradoxe d’un directeur général évoquant des difficultés économiques tout en engageant des dépenses importantes pour la location d’un nouveau siège à Point E.
Présent lors de la conférence de presse, l’activiste Karim Xrum Xax a vivement critiqué ces décisions, affirmant que certains travailleurs licenciés faisaient partie de ceux qui avaient combattu pour l’alternance politique lors de la dernière présidentielle. Il a dénoncé une gestion qui, selon lui, ne tient pas compte des engagements pris par le régime actuel en faveur de l’emploi et de la justice sociale. L’activiste a également soulevé le problème du remplacement des agents sous CDI par des stagiaires au Fongip, une situation qu’il considère comme un recul en matière de protection de l’emploi.
Face à cette situation, le RTLS prévoit de mener une mobilisation d’envergure. Le collectif a annoncé l’organisation d’une grande manifestation le 1er mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, pour dénoncer ces licenciements massifs et exiger la réintégration des employés concernés. Des demandes de marches seront déposées auprès des autorités compétentes dans les jours à venir.
Cette crise sociale place le gouvernement face à une contestation grandissante. Alors que l’État invoque des impératifs budgétaires pour justifier ces décisions, les travailleurs licenciés et leurs soutiens estiment qu’il s’agit d’un véritable plan de démantèlement de l’emploi dans le secteur public. Si aucune solution n’est trouvée rapidement, ce bras de fer pourrait s’intensifier et conduire à un climat social plus tendu dans les mois à venir.
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