Au Sénégal, le secteur de la presse traverse une période de tension vive alors que le ministère de la Communication, des télécommunications et de l’économie numérique a annoncé la mise en place d’une nouvelle réglementation controversée. Cette mesure, visant à établir une liste officielle des médias « reconnus » d’ici le 30 novembre 2024, suscite une vague de protestations de la part des acteurs du secteur. Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), qualifie cette initiative de « forfaiture » et d’« atteinte grave à la liberté d’expression ».
L’arrêté ministériel du 1er octobre 2024 impose un processus d’enregistrement et de validation des entreprises de presse. Si l’enregistrement peut être perçu comme une démarche administrative légale, la validation, selon Mamadou Ibra Kane, constitue une entorse à la Constitution sénégalaise de 2000 et au Code de la presse. « Au Sénégal, la création d’un média est libre et ne nécessite aucune autorisation préalable de l’État », rappelle le président du Cdeps, dénonçant ainsi une tentative de régulation qu’il juge « illégale » et « sans fondement ».
Le droit à la liberté de la presse est en effet garanti par la Constitution sénégalaise, qui consacre le principe de libre création des entreprises de médias. Pour Mamadou Ibra Kane, cette nouvelle réglementation remet en question cette liberté fondamentale et constitue une tentative déguisée de contrôle étatique du secteur.
L’un des points les plus critiqués par le Cdeps est l’absence de concertation préalable avec les acteurs de la presse. La plateforme numérique d’enregistrement, introduite par le ministère, devait initialement faire l’objet de discussions avec les représentants du secteur. Cependant, selon M. Kane, ces consultations n’ont jamais eu lieu, et la mise en place de cette plateforme est perçue comme une décision unilatérale imposée par l’autorité publique. « Au lieu d’un outil au service de la presse, nous faisons face à une structure imposée qui se substitue au libre droit de création des médias », s’insurge le président du Cdeps.
L’arrêté ministériel impose aux entreprises de presse de nouvelles conditions, dont la possession d’un capital social, l’obtention d’un numéro d’identification national (Ninea) et une inscription au Registre du commerce. Ces exigences sont jugées inadaptées par les acteurs du secteur, qui les considèrent contraires aux dispositions en vigueur dans le Code de la presse. Pour Mamadou Ibra Kane, ces mesures risquent d’exclure de nombreuses petites structures médiatiques et de restreindre la diversité du paysage médiatique sénégalais.
Le Cdeps n’entend pas rester inactif face à cette réglementation qu’il qualifie de « liberticide ». Mamadou Ibra Kane promet une lutte acharnée sur le terrain juridique et politique pour faire annuler l’arrêté ministériel. « Nous n’allons pas nous laisser faire », affirme-t-il, soulignant que cette initiative menace non seulement la liberté de la presse, mais également la liberté d’expression, considérée comme une conquête essentielle du peuple sénégalais.
Cette crise survient dans un contexte déjà tendu pour la presse sénégalaise, marquée par des défis économiques et des pressions croissantes. Le spectre d’une mise sous tutelle du secteur inquiète les acteurs, qui redoutent une réduction de l’indépendance éditoriale et un contrôle accru des autorités sur les contenus médiatiques. L’initiative du ministère de la Communication est perçue par beaucoup comme une tentative de régulation excessive qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour la liberté d’informer et le pluralisme des opinions.
L’avenir de la presse indépendante au Sénégal apparaît donc incertain. Alors que le Cdeps prépare une riposte juridique, l’issue de ce bras de fer pourrait bien déterminer l’évolution des relations entre l’État et les médias dans les années à venir. Pour l’instant, c’est tout un secteur qui reste mobilisé, déterminé à défendre ses droits et à préserver les acquis de la liberté de la presse.
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