Dans une affaire qui continue de secouer l’opinion publique sénégalaise, la décision de mise en liberté provisoire de Nabou Lèye, l’une des personnes inculpées dans le cadre de l’enquête sur le double meurtre de Pikine Technopole, suscite incompréhension et colère. Rappelons que les danseurs Abdou Aziz Ba, connu sous le nom de scène « Aziz Dabala », et Boubacar Gano, alias « Waly », ont été retrouvés morts, poignardés, dans leur appartement en août dernier. Parmi les sept individus mis en cause, Nabou Lèye bénéficie désormais d’une liberté sous contrôle judiciaire, une décision rendue publique le 21 octobre.
Pour les familles des victimes, cette libération provisoire est un véritable coup de tonnerre. Leur avocat, Me Cheikh Khoureyssi Bâ, a exprimé leur indignation, soulignant une décision précipitée alors que l’enquête est encore loin d’être close. Selon l’Observateur, cette liberté reste cependant conditionnée : une absence de signature dans le registre de contrôle judiciaire pourrait entraîner une révocation immédiate de l’ordonnance.
Me Babacar Niang, agrégé des Facultés de droit et expert en matière judiciaire, a émis des réserves quant à la légitimité de cette décision. Il a rappelé que « le juge intérimaire ne prend généralement pas de décisions importantes afin de ne pas compromettre le bon déroulement de l’enquête ». Il a également souligné le contexte de bouleversements au sein de la magistrature, avec la récente mutation du juge du cabinet d’instruction n°1, laissant momentanément le poste vacant. « C’est une décision risquée, car le juge suppléant agit souvent sous les directives du juge titulaire », a déclaré Me Niang, ajoutant que l’absence de ce dernier pourrait engendrer une confusion procédurale.
Autre point de friction : l’audition sur le fond de Nabou Lèye n’a pas encore eu lieu. Selon Me Niang, cette étape est cruciale avant toute décision de mise en liberté provisoire. Le retard dans l’audition serait dû à un surplus de travail au niveau du tribunal de Pikine-Guédiawaye, où les cabinets d’instruction sont submergés de dossiers en attente. L’Observateur a indiqué qu’une convocation imminente est prévue pour auditionner Nabou Lèye sur le fond, suggérant que cette étape pourrait éclaircir plusieurs zones d’ombre de l’enquête.
Pour les familles des victimes, cette libération provisoire est une nouvelle épreuve, perçue comme un manque de considération pour la gravité des faits. Elles craignent que cette décision n’entrave le processus judiciaire et qu’elle ne donne l’impression d’un relâchement dans la quête de justice. « La douleur de perdre un être cher est amplifiée par l’impression que la justice n’a pas encore pris la pleine mesure de l’atrocité du crime », a déclaré un proche des victimes.
Cette affaire met en lumière des failles potentielles dans le système judiciaire, notamment en période de transition au sein de la magistrature. La complexité du dossier, combinée aux lourdeurs administratives et au manque de ressources, pourrait retarder davantage le processus judiciaire. Pourtant, comme le rappelle un cadre du parquet : « Tout juge peut gérer tout dossier », laissant espérer une accélération prochaine de la procédure.
Pour l’heure, la libération provisoire de Nabou Lèye reste conditionnée, et l’audition sur le fond s’annonce déterminante pour la suite de l’enquête. L’opinion publique, tout comme les familles des victimes, attend avec impatience que justice soit rendue dans cette affaire douloureuse qui a bouleversé le Sénégal.
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