Et si l’impact moyen de la Stratégie Nationale de Développement était non significatif sur la croissance économique du Sénégal entre 2025 et 2029 ?

Le lundi 14 octobre 2024, le président de la République et son équipe gouvernementale ont présenté leur vision pour bâtir un Sénégal souverain, prospère et juste d’ici 2025. Cette vision se décline en Stratégies Nationales de Développement (SND), qui établissent des objectifs généraux à atteindre sur des périodes quinquennales. Afin de discuter des projections des indicateurs économiques, en particulier du taux de croissance moyen attendu entre 2025 et 2029, nous posons deux hypothèses alternatives.

Hypothèse 1 : Sous-déclaration des chiffres de la dette et du déficit publics

Le 26 septembre dernier, le nouveau gouvernement a révélé que les chiffres relatifs à la dette et au déficit public pour la période 2019-2023 ont été sous-déclarés par l’ancien régime. En effet, au lieu d’un déficit moyen de 5,5 % du PIB, celui-ci s’élèverait en réalité à 10,4 %, soit presque le double. Sur la base de cette hypothèse, le professeur Amath Ndiaye de l’Université Cheikh Anta Diop a évalué le montant du potentiel déficit non déclaré et a identifié plusieurs incohérences et contradictions (voir son article sur Financial Afrik).

L’une des contradictions majeures réside dans le fait que le cadrage macro-budgétaire de la SND 2025-2029 repose nonseulement sur les données dites « sous-déclarées », mais maintient également l’objectif du gouvernement précédent de réaliser un déficit budgétaire de 3 % en 2025, après 3,9 % en 2024 (voir rapport annuel d’activités de 2022 du ministère des Finances et du Budget). Dès lors, nous pouvons douter du réalisme de cet objectif de la SND, que nous pouvons qualifier de saut périlleux, c’est-à-dire passer d’un déficit de 10,4 % en moyenne entre 2019 et 2023 à 3,0 % en 2025. D’autant plus que le FMI a indiqué dans sa dernière revue économique que « en l’absence de mesures budgétaires supplémentaires, le déficit devrait dépasser 7,5 % du PIB, bien au-delà des 3,9 % prévus dans le budget initial … » en 2024. Notons de plus que même la France peine à revenir à un déficit de 3 % depuis 2007, malgré son déficit moyen de 4,9 % sur la période2007-2023. Si l’hypothèse 1 est vérifiée, il sera alors extrêmement difficile que les indicateurs économiques atteignent les niveaux visés dans la SND, et par conséquent, la vision Sénégal 2050 aurait du mal à décoller.

Hypothèse 2 : Déclaration pleine des chiffres de la dette et du déficit publics

Si les chiffres de la dette et du déficit sont correctement déclarés sur la période 2019-2023, nous pouvons considérer que la SND 2025-2029 s’appuie sur des indicateurs budgétaires non biaisés, reflétant une situation économique plus positive et rendant ainsi les objectifs attendus plus réalistes et réalisables.

Depuis 2014, dans un contexte socio-économique relativement stable, la croissance économique du Sénégal a été en moyenne supérieure à 5,3 %, comme annoncé dans la SND. Toutefois, cette moyenne inclut des années marquées par des aléas économiques, tels que le COVID-19 (2020) et le conflit russo-ukrainien (2022 et 2023), qui ont significativement affecté la croissance. Intégrer ces trois années, caractérisées par des crises, biaise l’évaluation du niveau moyen de croissance. Une approche plus rigoureuse consisterait à exclure ces années de crise pour mieux refléter le potentiel économique du Sénégal. En effet, en excluant 2020, 2022 et 2023, l’économie sénégalaise aurait enregistré une croissance de 7,3% entre 2014 et 2023 (données disponibles sur le site de l’ANSD). En n’excluant que 2020 l’année la plus critique où le taux de croissance était estimé à 1,3%, la moyenne des taux sur la période 2014-2023 s’établit à 6,5%.

Partant de ces deux taux moyens, nous pourrions conclure, ceteris paribus, que l’impact moyen de la mise en œuvre de la SND sur le taux de croissance économique pourrait être négligeable entre 2025 et 2029. En effet, le référentiel prévoit que « l’exécution du portefeuille de projets de la nouvelle stratégie ainsi que les réformes à mettre en œuvre permettront de réaliser un taux de croissance économique moyen de 6,5 %sur cette période », un niveau que le Sénégal aurait pu atteindre voire dépasser sans les crises mentionnées. Pour argument, le taux de croissance était de 6,5% en 2021 (année de sortie de crise) avant de baisser à 4,2 % en 2022 (année de crises) ; il est donc probable que sans la SND et dans un contexte stable la dynamique actuelle permettrait d’atteindre au moins un taux de croissance moyen de 6,5 % sur la période 2025-2029.

Projection de la croissance économiques et interrogations

En outre, la prévision d’une baisse de la croissance de 4,7 points en 2026, un phénomène sans précédent pourl’Economie sénégalaise depuis 2014 (la baisse la plus significative auparavant étant de 3,3 points en 2020), après un pic de 9,7 % en 2025, soulève des interrogations non éclairées par le référentiel, du moins à notre connaissance. Parmi ces questions :

1. Quelles sont les raisons précises de cette projection de baisse ?

2. Quels facteurs économiques, politiques ou sociaux pourraient influencer cette baisse ?

3. Quelles seront les conséquences sur les secteurs clés de l’économie ?

4. Existe-t-il des mesures prévues pour atténuer cette diminution ?

5. Comment cette situation pourrait-elle affecter la vie quotidienne des populations ?

6. Quelles mesures sont envisagées pour limiter cet impact ?

7. Quels risques sont associés à une telle fluctuation de la croissance à long terme ?

 

 

 

 

Balla KHOUMA

Docteur en Sciences Economiques

Statisticien Economiste


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