La levée de l’immunité parlementaire de deux anciens ministres sous Macky Sall, aujourd’hui députés, agite la scène politique sénégalaise. Ndèye Saly Diop et Moustapha Diop ont vu leur immunité levée par l’Assemblée nationale, ouvrant la voie à une éventuelle poursuite judiciaire devant la Haute Cour de Justice, dans le cadre de l’enquête sur la gestion controversée des fonds Covid-19.
Cette décision intervient dans un contexte marqué par des accusations de malversations financières visant plusieurs figures de l’ancien régime. Trois autres ex-ministres seraient également dans le viseur de la justice.
Invité ce dimanche 4 mai sur PressAfrik TV HD, Ayib Daffé, président du groupe parlementaire Pastef-Les Patriotes, a apporté un éclairage précieux sur cette procédure souvent mal comprise du grand public. Membre de la commission ad hoc chargée de statuer sur les demandes de levée d’immunité, il a tenu à rappeler que cette démarche ne constitue ni une condamnation, ni même une mise en examen automatique.
« Lever l’immunité parlementaire ne signifie pas que le député est coupable. C’est simplement un acte permettant à la justice d’enquêter librement sur des faits présumés. »
Ayib Daffé a souligné les limites du règlement intérieur actuel, notamment en ce qui concerne le formalisme entourant la demande. Selon lui, rien n’oblige aujourd’hui les autorités à joindre des pièces justificatives solides, comme les procès-verbaux d’enquête préliminaire, aux lettres adressées à l’Assemblée.
« Il faut préciser clairement dans le règlement les documents qui doivent accompagner une demande. Aujourd’hui, ce vide juridique peut ouvrir la porte à des procédures hâtives ou mal préparées. »
Il plaide donc pour une révision complète du règlement intérieur, actuellement en cours, afin de garantir un meilleur encadrement et d’éviter les dérives potentielles. Cette réforme viserait à instaurer davantage de rigueur, à assurer les droits de la défense et à prévenir toute instrumentalisation politique de la justice.
L’un des points majeurs soulevés par Ayib Daffé est le manque d’équilibre dans la procédure. À l’heure actuelle, seul le député concerné est entendu par la commission. Selon lui, les personnes ou structures à l’origine de la plainte devraient également être convoquées pour que la commission puisse se forger une opinion objective.
« Dans toute procédure équitable, il faut entendre les deux parties. Le contradictoire ne peut être à sens unique. »
Cette proposition, si elle est intégrée à la réforme, pourrait renforcer la crédibilité de la commission ad hoc et consolider l’indépendance du Parlement dans l’exercice de ses fonctions.
Pour Pastef et ses alliés, cette levée d’immunité s’inscrit dans une logique de transparence et de redevabilité promise pendant la campagne présidentielle. Toutefois, l’opposition y voit une manœuvre politique visant à affaiblir les anciens dirigeants.
La Haute Cour de Justice, juridiction rarement convoquée dans l’histoire politique sénégalaise, pourrait être amenée à jouer un rôle plus actif dans les mois à venir, à condition que les procédures soient rigoureusement encadrées.
« Nous voulons une justice sereine, juste et respectueuse des droits de tous, même de ceux qui ont exercé le pouvoir hier », a conclu Ayib Daffé.
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