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Sahel : l’autoritarisme reprend le désert , au Mali, la démocratie vacille, mais la rue se réveille

Le vent du Sahel ne charrie plus les graines de la démocratie, mais les échos d’un autoritarisme qui s’enracine. À Bamako, Ouagadougou et Conakry, les régimes militaires ont troqué le langage de la transition contre celui du pouvoir absolu. Au Mali, cette dérive s’incarne aujourd’hui dans une décision brutale : la suspension pure et simple des partis politiques. Mais alors que la démocratie semble vaciller, la rue, elle, commence à se relever.

Le 10 avril 2024, la junte malienne a signé un décret glaçant : toutes les activités politiques sont suspendues “jusqu’à nouvel ordre”. Officiellement pour préserver l’ordre public. Officieusement ? Pour bâillonner toute opposition, neutraliser le pluralisme et étouffer le débat. La démocratie malienne, encore convalescente, a été brutalement poussée dans le coma.

Mais le 1er mai, Bamako a vu ce que le régime ne voulait pas voir : des centaines de citoyens dans les rues, pancartes levées, voix hautes, exigeant le retour du politique et de la parole libre. Le décret a peut-être suspendu les partis, mais il n’a pas désactivé la conscience collective. Le peuple a compris qu’en s’attaquant aux partis, le régime s’attaquait à sa propre capacité à choisir, à critiquer, à espérer.

Depuis 2020, le colonel Assimi Goïta s’est installé dans une logique de consolidation autoritaire. Le Mali n’a plus d’opposition officielle, plus de presse réellement indépendante, et un calendrier électoral devenu fiction. L’argument sécuritaire est omniprésent. Mais la guerre contre le terrorisme est désormais aussi une guerre contre le pluralisme.

Le pouvoir en place ne gouverne plus par légitimité, mais par la peur du chaos. Un chaos qu’il entretient habilement pour justifier l’exception permanente. L’autorité n’est plus transitoire, elle devient système. Et ce système a un nom : l’autoritarisme de survie.

Plus de 120 partis politiques sont aujourd’hui menacés de dissolution. Certes, certains n’existent que sur le papier. Mais la junte n’a pas engagé une réforme structurelle du champ politique — elle a enclenché une épuration politique déguisée, ciblée, calculée.

Seuls resteront les dociles. Ceux qui chantent les louanges du colonel-président, et regardent ailleurs quand la liberté recule.

Le danger est là : un paysage politique transformé en désert idéologique, où la pensée critique est remplacée par l’allégeance, et le débat public par des monologues officiels.

La manifestation du 1er mai n’est pas une marée humaine, mais une digue qui se fissure. C’est la première brèche visible dans le mur de silence que le régime tente d’imposer. Des militants, des syndicalistes, des anonymes ont crié leur refus d’un retour au parti unique, d’un pouvoir militaire sans contrepoids.

Ils savent qu’au Mali, le prix de la parole peut être élevé. Mais ils savent aussi qu’un peuple qui ne parle plus est un peuple qui abdique.

Le Mali est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le choix est simple, presque brutal :

  • L’ordre imposé par le sabre, où l’on gouverne sans être élu, et où le peuple est un spectateur.
  • Ou la démocratie rugueuse, imparfaite mais libre, où le débat fait loi, et où l’État rend des comptes.

La communauté internationale, engluée dans le réalisme sécuritaire, se contente d’observer. Mais un silence diplomatique face à une régression démocratique reste une complicité passive.

Assimi Goïta veut écrire l’histoire à coups de décrets et de drapeaux brandis. Mais l’histoire ne se décrète pas. Elle se construit avec la voix des peuples. Et celle du peuple malien, ce 1er mai, a crié qu’il n’est pas encore prêt à s’agenouiller.

Dans le désert que prépare la junte, chaque cri est une graine de résistance.

Mamadou Cissé journaliste


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