Derrière des conventions complexes, un possible détournement massif de fonds publics : l’État, La Banque Agricole, et une dizaine de sociétés privées dans le viseur.
Un nouveau scandale à tiroirs ébranle la gouvernance financière de l’État sénégalais. Dans son édition du jour, L’Observateur révèle les contours d’un montage financier estimé à 17,495 milliards de francs CFA, impliquant l’État du Sénégal et La Banque Agricole (LBA). En toile de fond : des conventions de substitution de débiteurs d’une rare opacité, aujourd’hui dénoncées par la Cour des comptes dans un référé explosif adressé au ministère de la Justice.
Sous couvert de mécanismes juridiques apparemment classiques, le schéma consiste en une substitution de débiteurs, où l’État prend à sa charge des dettes initialement contractées par des entreprises privées. Mais là où le bât blesse, c’est que ni le fondement économique, ni le cadre contractuel ne justifient une telle opération, selon les magistrats de la Cour des comptes.
« La relation entre l’État, en tant que substituant, et les débiteurs substitués n’est pas établie dans les documents », note la Cour, pointant du doigt une gestion hasardeuse, voire délibérément obscure, des finances publiques.
L’affaire ne s’arrête pas à l’irrégularité de la procédure. Le référé évoque un objectif non avoué : sauver certaines institutions financières, notamment La Banque Agricole, des sanctions prévues par la réglementation bancaire, liées aux exigences de fonds propres. En injectant artificiellement des garanties publiques sur des dettes privées, ces structures pouvaient continuer à bénéficier de ressources auprès de la BCEAO et de bailleurs internationaux, au mépris des règles de transparence budgétaire.
Les regards se tournent désormais vers les sociétés bénéficiaires de cette opération. La Cour cite nommément une dizaine d’entre elles : Tracto Services Equipements Afrique, Agripo TV, Ja-maries SA, Senteer, Complexe Seutou Indou, Etablissement Moussa Gaye, Falilou Mbacké, Bio Énergie Green, Fadema Sau, et Yanawa.
À ce stade, aucun lien formel n’est établi entre ces structures et l’État sénégalais, ce qui renforce les soupçons de paravents utilisés pour une captation illégale de fonds publics.
Le dossier, désormais entre les mains du ministère de la Justice, pourrait déboucher sur des poursuites judiciaires. Le référé de la Cour des comptes, rarement aussi tranché, plaide pour une enquête approfondie afin d’identifier les responsabilités et d’éventuels complices au sein de l’administration.
Alors que les institutions financières internationales exigent toujours plus de rigueur et de clarté, ce dossier tombe au plus mauvais moment pour les autorités. Il pourrait bien devenir un test grandeur nature pour la volonté politique de lutter contre la corruption et les dérives dans la gestion des deniers publics.
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