Sonko à Ouaga : la fraternité des fusils ou l’enterrement de la démocratie ?

Quand Ousmane Sonko atterrit à Ouagadougou, ce n’est pas juste un avion qui touche le tarmac. C’est toute une vision diplomatique qui s’écrase sur les principes démocratiques que Dakar brandissait jadis comme une bannière. « Le Sénégal soutiendra le peuple burkinabè et son gouvernement dans sa lutte pour la souveraineté et la sécurité », clame-t-il, verbe martial, bras ouverts, regard complice vers un Ibrahim Traoré à la posture de guerrier idéologue.
Mais soutenir qui, au juste ? Le peuple ou le putsch ? La nuance est fine, mais vitale.
Depuis son putsch de septembre 2022, le capitaine Traoré mène le Burkina Faso au pas de charge. Institutions suspendues, presse muselée, voix dissidentes étouffées : un cocktail explosif, servi avec un zeste d’anti-impérialisme et une rasade de propagande. Certains le voient en nouveau Sankara. D’autres, en version sahélienne de Loukachenko.
Il a rompu avec Paris, flirté avec Moscou, et adopté une posture de cow-boy du Faso. Sauf qu’entre l’uniforme et la gouvernance, il y a un monde. Et ce monde-là est en train de basculer dans l’ombre.
Sonko, de son côté, ne fait plus dans la demi-mesure. Lui, l’ancien trublion du système, aujourd’hui Premier ministre, semble décidé à redistribuer les cartes géopolitiques comme on secoue un jeu de tarot. Et avec sa visite à Ouagadougou, il donne clairement l’impression de vouloir rejoindre le club très fermé des gouvernants en mode “règlement de comptes avec la démocratie”.
Soutenir Traoré, c’est faire un bras d’honneur à la CEDEAO, à l’Union africaine, à tous ceux qui pensent encore que les urnes valent mieux que les armes. C’est surtout jouer avec le feu… dans une région déjà noyée sous la poudre.
Oui, le terrorisme ravage le Sahel. Oui, les populations sont prises en otage entre djihadistes et militaires. Mais non, la démocratie n’est pas un luxe qu’on suspend comme un abonnement Netflix en temps de crise.
La sécurité sans justice, c’est la dictature qui avance masquée. Et les drones turcs ou les blindés russes ne rebâtiront ni les écoles brûlées ni les hôpitaux abandonnés.

Bamako, Niamey, Ouagadougou : les trois capitales d’une nouvelle alliance de fait, que Sonko semble vouloir rejoindre. Une alliance née dans les cendres des coups d’État, nourrie par une rhétorique souverainiste à géométrie variable, et dopée à l’hostilité envers tout ce qui ressemble de près ou de loin à une ONG ou à une élection libre.
Mais bâtir l’avenir sur la défiance, c’est comme construire une maison sur le sable en saison des pluies. L’union des régimes militaires est fragile. Aujourd’hui copains, demain concurrents.
Le Sénégal a longtemps été l’exception ouest-africaine : stabilité, alternance, société civile forte. Aujourd’hui, il vacille entre héritage républicain et tentation populiste. Et Sonko, qui aurait pu incarner un souffle nouveau, risque de devenir le parrain politique d’un conglomérat autoritaire en expansion.
Mais la Teranga ne se partage pas avec des bottes, elle s’offre avec des urnes.
Le Burkina Faso mérite mieux qu’un théâtre d’ombres où la souveraineté sert de paravent à la répression. Ce pays courageux, qui a vu naître Sankara, ne peut pas se contenter de slogans creux et de drapeaux agités au vent de l’orgueil. Les Burkinabè n’ont pas besoin de héros en treillis. Ils ont besoin d’État, d’éducation, de justice, de paix.
Sonko est à la croisée des chemins : être l’éclaireur d’un renouveau africain… ou l’idiot utile d’une dérive autoritaire. L’histoire, elle, n’attend pas. Elle tranche. Et elle n’épargne ni les aventuriers, ni les complices.


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