Loi d’amnistie : l’Assemblée nationale rejette la proposition d’abrogation mais valide une loi interprétative

Le débat sur la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024 prend un tournant décisif à l’Assemblée nationale. Réuni ce mercredi 26 février 2025, le Bureau de l’Assemblée a examiné deux propositions majeures : l’abrogation pure et simple de cette loi, proposée par le député Thierno Alassane Sall, et son interprétation restrictive, portée par le député Amadou Ba n°2. Si la première a été rejetée, la seconde a été jugée recevable et poursuivra le processus législatif.

La proposition d’abrogation de la loi d’amnistie a été déclarée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée nationale, au motif qu’elle entraînerait une aggravation d’une charge publique. Selon l’article 82 de la Constitution, toute proposition de loi susceptible de créer une charge financière doit être assortie de propositions de compensation, ce que le député Thierno Alassane Sall n’a pas fourni. Ce rejet a immédiatement provoqué une réaction du groupe parlementaire Pastef Les Patriotes, qui a dénoncé une tentative de manipulation et d’opportunisme politique. Selon eux, l’initiative du député Thierno Alassane Sall n’est qu’une manœuvre visant à devancer la proposition de loi annoncée par Pastef, sans tenir compte des impératifs constitutionnels et réglementaires.

En revanche, la proposition de loi interprétative du député Amadou Ba n°2 a été validée par le Bureau de l’Assemblée. Son objectif est d’exclure les crimes de sang du champ d’application de la loi d’amnistie, limitant ainsi son effet aux infractions à motivation politique. Cette clarification législative vise à empêcher que des actes graves, tels que les meurtres et la torture, ne soient couverts par l’amnistie. En s’alignant sur les engagements internationaux du Sénégal, notamment la Convention contre la torture et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, cette initiative permet d’éviter un conflit juridique et de garantir une protection aux victimes.

Avec l’adoption de cette proposition, le Sénégal cherche à concilier apaisement politique et exigence de justice. La loi interprétative sera soumise au Président de la République avant d’être débattue en plénière à l’Assemblée nationale. L’enjeu est de taille : préserver la paix sociale tout en évitant une remise en cause de l’État de droit.

Loi d’amnistie des événements de 2021 et 2024 : La Rapporteuse spéciale des Nations Unies demande son abrogation

Lors de sa visite officielle au Sénégal, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la torture, Alice Jill Edwards, a formulé un appel ferme à l’attention du gouvernement sénégalais : l’abrogation de la loi d’amnistie relative aux événements des manifestations de mars 2021 à février 2024. Cette loi, qui accorde une immunité de poursuites aux personnes impliquées dans des actes de violence et des violations des droits de l’homme lors de ces manifestations, est désormais un point de friction majeur.

La Rapporteuse spéciale a vivement critiqué cette loi, soulignant qu’elle ne permettait pas de faire toute la lumière sur les événements ni de rendre justice aux victimes des violences policières et des violations des droits de l’homme qui ont marqué ces manifestations. « Je demande instamment au Sénégal d’abroger la loi d’amnistie qui accorde une immunité de poursuites aux personnes impliquées dans le recours à une force excessive et dans d’autres violations des droits de l’homme », a-t-elle déclaré.

Elle a expliqué que cette amnistie crée une impunité qui empêche de juger et de tenir responsables les auteurs de ces actes de violence, et prive ainsi les victimes de leurs droits à la justice. Selon elle, cette législation empêche le pays de répondre à ses obligations internationales en matière de droits de l’homme et d’assurer la justice pour les victimes de ces événements tragiques.

Alice Jill Edwards a insisté sur la nécessité pour le gouvernement sénégalais d’établir la vérité sur ces événements, de traduire les responsables devant la justice et de garantir des réparations aux victimes. Elle a également mis en avant l’importance de cette démarche pour la réconciliation nationale et le respect des principes de droit.

La Rapporteuse a ajouté que le Sénégal, en tant que signataire de nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l’homme, a l’obligation de respecter ces engagements et de garantir à chaque citoyen le droit à la justice. En maintenant la loi d’amnistie, selon elle, le gouvernement prive non seulement les victimes de justice, mais entrave également les processus démocratiques du pays.

En conclusion, la Rapporteuse spéciale a appelé le Sénégal à revoir sa position sur la loi d’amnistie et à prendre des mesures pour s’assurer que la justice soit rendue de manière équitable et transparente. Elle a souligné que des réformes législatives étaient essentielles pour garantir que les autorités et les responsables des actes violents soient tenus responsables de leurs actes, dans le respect des normes internationales en matière de droits de l’homme.

Contestation du projet de loi sur l’abrogation du CESE et du HCCT : Une riposte en préparation

Suite à l’adoption du projet de loi portant abrogation de la loi organique n° 2012-28 relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et de la loi organique n° 2016-24 régissant le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), les membres de ces institutions, notamment ceux du HCCT, prévoient une série d’actions pour contester cette décision.

Des sources fiables rapportent que des avocats ont déjà été mandatés pour engager des recours judiciaires. Parmi les démarches envisagées, une lettre de dénonciation et une plainte seront déposées auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO ainsi que de l’Union Africaine.

Au-delà des instances africaines, les membres des institutions visées comptent alerter l’Union Européenne, les ONG collaborant avec les collectivités territoriales, et les organisations de défense des droits humains. L’objectif est de mener une campagne internationale de sensibilisation pour dénoncer la suppression de ces structures, perçues comme essentielles dans le système institutionnel sénégalais.

Cette campagne sera renforcée par une stratégie de communication active, alternant interventions médiatiques et rencontres avec des figures influentes du Sénégal, notamment les chefs religieux. Ces démarches visent à démontrer, avec des arguments solides, l’importance et l’impact des deux institutions dans le développement local et national.

Cette levée de boucliers illustre les tensions croissantes autour de la suppression du CESE et du HCCT. Pour les membres de ces entités, cette décision risque de porter atteinte à la représentativité des collectivités territoriales et de fragiliser des mécanismes de dialogue institutionnel cruciaux pour la gouvernance du pays.

Alors que la controverse s’intensifie, cette affaire pourrait rapidement devenir un enjeu politique majeur, avec des répercussions à la fois nationales et internationales. Affaire à suivre…

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