L’affaire des Dépôts à Terme (DAT) non reversés au Trésor public prend une nouvelle ampleur. Après les premières révélations fracassantes du rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques entre 2019 et mars 2024, c’est désormais l’ancien ministre délégué chargé du Budget, Birima Mangara, qui se retrouve au centre d’une tourmente judiciaire pour un montant de 10,5 milliards FCFA.
Selon des informations exclusives rapportées par L’Observateur, deux courriers signés de Birima Mangara ont mis le feu aux poudres. Le premier, référencé N°004459 MEFP/DGCPT/TG, autorise le placement de 10,5 milliards FCFA en dépôt à terme à la banque Crédit du Sénégal. Le second, daté du 12 juillet 2017 (N°7056 MEFP/DGB), ordonne un virement de 10 milliards FCFA à la Conciliation foncière de l’UEMOA — sans qu’aucune justification légale ne soit avancée.
Ce double mouvement financier, effectué en toute discrétion, suscite aujourd’hui des interrogations graves sur l’usage réel de ces fonds publics et sur les chaînes de contrôle internes à l’administration budgétaire de l’époque.
Mais ce cas n’est que la face visible d’un iceberg plus vaste. Toujours selon L’Observateur, 141 milliards de FCFA de Dépôts à Terme auraient été cassés avant leur échéance sans être réinjectés dans les caisses de l’État. Une perte colossale, synonyme d’un manque à gagner majeur pour les finances publiques, que la Cour des comptes qualifie d’opération “hors cadre légal”.
Le schéma présumé repose sur un système opaque : de gros placements dans des établissements bancaires, puis des retraits anticipés, dans des zones grises échappant à la traçabilité du Trésor public. Une “privatisation rampante” des fonds publics, selon certains experts, qui dénonce une gestion parallèle de l’argent de l’État.
Aujourd’hui député à l’Assemblée nationale, Birima Mangara bénéficie de l’immunité parlementaire. Pour que les enquêteurs puissent l’auditionner, cette immunité devra être levée, à moins que l’ancien ministre ne décide de se présenter volontairement devant les autorités judiciaires.
La pression est d’autant plus forte que d’autres hauts responsables sont cités dans ce dossier explosif. Il s’agit notamment d’Amadou Bâ, ex-ministre des Finances et ancien Premier ministre, ainsi que Cheikh Tidiane Diop, ex-secrétaire général du ministère des Finances devenu plus tard directeur du Trésor.
La balle est désormais dans le camp du Parquet financier, qui pourrait donner son feu vert à des convocations devant la Division des investigations criminelles (DIC). Si l’affaire suit son cours, elle pourrait devenir l’un des plus grands scandales de détournement de fonds publics de la décennie au Sénégal.