Analyse de la Loi de Finances Rectificative 2024 : Questions sur la transparence et la régularité des pratiques administratives

La Loi de Finances Rectificative (LFR) de décembre 2024 a suscité des débats passionnés sur sa pertinence, son timing et surtout sa conformité aux principes de transparence et de régularité financière. Ces questions, soulevées notamment par l’Honorable député Aïssata Tall Sall et amplifiées par l’analyse de nombreux observateurs, révèlent des zones d’ombre dans la gestion des finances publiques et l’exercice du pouvoir budgétaire.

1. La question du timing : une précipitation législative ?

Adoptée le 24 décembre, une semaine avant la clôture de l’exercice budgétaire, la LFR 2024 a modifié de manière significative les autorisations en matière de dépenses et d’endettement, portant le plafond d’endettement à 4 573,9 milliards de FCFA, soit une hausse de près de 2 500 milliards par rapport à la Loi de Finances Initiale (LFI) 2024. Cette situation soulève une question fondamentale : comment mobiliser de tels fonds en si peu de temps ?

Selon l’article 27 de la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF), “les emprunts à moyen et long terme sont autorisés par une loi de finances, et la variation nette de l’encours des emprunts est plafonnée annuellement”. Si ces emprunts n’ont pu être négociés avant le vote de la LFR, la mobilisation de 800 milliards pour financer le déficit supplémentaire dans une période d’une semaine semble techniquement improbable.

2. Transparence et régularité dans la gestion des emprunts

Plusieurs interrogations émergent :

• Mobilisation rapide des fonds : Comment l’État a-t-il pu négocier, obtenir et mobiliser près de 800 milliards en une semaine, compte tenu des délais administratifs et bancaires nécessaires à de telles transactions ?

• Conditions des emprunts : L’urgence a-t-elle contraint l’État à accepter des taux d’intérêt plus élevés ou des conditions défavorables ?

• Réactions des créanciers : Quels créanciers ou institutions ont répondu à cette demande express ? Les conditions ont-elles été rendues publiques pour garantir la transparence ?

Si ces questions restent sans réponse, on pourrait envisager que ces opérations aient été anticipées, ce qui mène à une problématique juridique majeure : une potentielle violation des règles budgétaires.

3. Anticipation des emprunts : entre légalité et opacité

Si des emprunts ont été négociés avant le vote de la LFR, ils auraient été réalisés en dehors du cadre légal fixé par la LOLF. Cela pose un problème de conformité aux principes de régularité et de transparence financière.

Conséquences possibles :

• Rétroactivité législative : La LFR aurait alors servi à régulariser des opérations déjà engagées, ce qui remet en cause le rôle du Parlement dans l’autorisation préalable des emprunts.

• Endettement non déclaré : Une telle pratique s’apparenterait à des emprunts cachés, portant atteinte à la crédibilité des institutions publiques et à la confiance des citoyens.

4. Une administration prisonnière du “système” ?

Dans un contexte où les pratiques administratives manquent de transparence, ces événements donnent du poids à la critique formulée par Ousmane Sonko : “Le système, ce n’est pas simplement des hommes, ce sont aussi des pratiques administratives aux antipodes de la transparence.”

Si les pratiques actuelles perpétuent des approches opaques et non conformes, il devient difficile de distinguer le régime actuel des précédents, souvent accusés d’opacité dans la gestion des finances publiques.

5. Pour un débat juridique et économique transparent

Ces questions méritent des réponses claires pour rétablir la confiance dans la gestion des finances publiques. Les décideurs doivent s’engager à :

• Publier les détails des emprunts (conditions, créanciers, taux d’intérêt).

• Justifier les choix effectués dans un délai aussi court.

• Garantir que les lois de finances ne soient plus utilisées pour régulariser des pratiques non conformes à la LOLF.

Le débat autour de la LFR 2024 dépasse les simples chiffres. Il s’agit d’une opportunité pour repenser les pratiques administratives et budgétaires en faveur de la transparence et de la responsabilité. Les réponses à ces questions ne sont pas qu’un exercice académique, mais un impératif démocratique pour un État soucieux de crédibilité et de justice financière.

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