Intelligence artificielle : les dirigeants des banques centrales appellent à une approche prudente et collaborative

Réunis à Dakar pour une journée de réflexion organisée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), plusieurs dirigeants d’institutions financières africaines ont débattu des opportunités et des défis que pose l’émergence rapide de l’intelligence artificielle (IA). Placée sous l’autorité du gouverneur Jean-Claude Kassi Brou, cette rencontre internationale s’est tenue dans un contexte de mutations technologiques profondes, incitant les autorités monétaires à repenser leurs modes de régulation, d’analyse et de supervision.

Selon les intervenants, l’IA est désormais incontournable. « Il faut s’adapter, car on ne peut pas rester à l’orée d’une révolution », ont déclaré plusieurs participants, appelant à ne pas rater le virage technologique en cours. Pour Badanam Patoki, président de l’Autorité des Marchés Financiers de l’Union Monétaire Ouest Africaine (AMF-UMOA), l’IA constitue une opportunité d’analyse pédagogique et de réduction des coûts, mais elle implique également des risques qu’il ne faut pas négliger, notamment en matière de surveillance et de stabilité des marchés. Il plaide ainsi pour un dialogue approfondi avec les acteurs du secteur afin de comprendre leurs besoins et d’élaborer ensemble des mécanismes de déploiement responsables, soutenus par un cadre réglementaire rigoureux et évolutif.

M. Patoki a également alerté sur la nécessité de renforcer les ressources humaines des organes de supervision. Selon lui, il est essentiel de former les équipes et de doter les institutions des moyens technologiques nécessaires pour utiliser l’IA tout en protégeant l’équilibre du marché. Il insiste sur une approche qui permette à tous les acteurs de bénéficier équitablement des apports de l’IA, sans provoquer de déséquilibres.

Younoussa Imani, gouverneur de la Banque centrale des Comores, a pour sa part souligné l’urgence de former le personnel des banques centrales à ces nouveaux outils technologiques. Il a également mis en avant l’importance de la coopération régionale et internationale, en vue d’assurer un transfert de compétences et une mutualisation des expériences. Il reconnaît que l’IA permet de gagner en rapidité dans l’atteinte des objectifs, mais insiste sur la prudence dans son intégration : tout processus de mise en œuvre doit prendre en compte la confidentialité des données, la protection de la vie privée et la mise en place de réglementations adaptées.

De son côté, Yvon Sana Bangui, gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), a tenu à rappeler que l’IA doit être au service de la stabilité financière. Il a identifié quatre grands défis liés à l’usage de cette technologie au sein des banques centrales : la gouvernance des données, le contrôle des flux macroéconomiques et financiers, la sécurisation des transactions et la fiabilité des algorithmes. Pour lui, la qualité des données traitées est un enjeu fondamental. Il appelle à la centralisation, au stockage sécurisé et à l’harmonisation des normes d’utilisation afin de garantir la transparence et la robustesse des systèmes.

Yvon Sana Bangui a par ailleurs souligné que l’Afrique accuse déjà un certain retard dans l’appropriation des technologies d’intelligence artificielle. Il estime que le continent n’a pas suffisamment contribué à la conception de cette technologie, et que s’il ne prend pas rapidement part à son développement, il risquera encore une fois de subir plutôt que de maîtriser les évolutions futures. Il a conclu en insistant sur le lien entre chaque avancée technologique et l’innovation suivante, appelant à un engagement proactif et stratégique.

En somme, tous les intervenants ont exprimé un consensus sur la nécessité d’intégrer l’IA dans les pratiques des banques centrales, mais en prenant soin de ne pas brûler les étapes. Il s’agit d’un processus à encadrer avec rigueur, éthique et collaboration. L’objectif est clair : mettre l’intelligence artificielle au service de l’innovation, de la performance institutionnelle et de la stabilité du système financier africain.

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