Sénégal : plaidoyer pour une réforme du code de la presse et une meilleure protection des journalistes

Le rôle de la presse dans une démocratie est fondamental, et au Sénégal, ce principe fait l’objet d’un débat de plus en plus pressant. Lors de l’émission « Plateau spécial », diffusée vendredi sur PressAfrikTVHD, plusieurs défenseurs des droits humains ont tiré la sonnette d’alarme sur les restrictions des libertés et les menaces qui pèsent sur la presse. Ils ont plaidé pour une réforme du code de la presse afin de garantir une meilleure protection des journalistes, assurer une information plus accessible et renforcer l’indépendance des médias.

Parmi les voix les plus engagées, Alfred Bulakali, directeur régional de Article 19, a dénoncé les nombreuses agressions subies par les journalistes dans l’exercice de leur métier. Selon lui, les professionnels de l’information doivent bénéficier d’une protection totale de la part des forces de l’ordre et des organisateurs d’événements, afin qu’ils puissent exercer leur mission en toute sécurité.

« Nous avons, pour cela, les lignes directrices de l’UNESCO sur la sécurité et la protection des journalistes. L’État doit veiller à leur intégration dans l’arsenal juridique qui régit la presse au Sénégal », a-t-il affirmé.

Il a aussi mis en avant l’urgence d’une réforme en profondeur du secteur médiatique. Le code de la presse, adopté en 2017, contient encore des dispositions obsolètes qui méritent une évaluation minutieuse.

« Le chantier est vaste. La viabilité économique des médias, la répartition équitable des financements publics et la transparence du secteur sont autant de points à améliorer. Les citoyens ont le droit de savoir comment les médias sont financés », a-t-il insisté.

Malgré tout, Alfred Bulakali a reconnu certains efforts récents, notamment l’ouverture progressive de la RTS (Radiodiffusion Télévision Sénégalaise) aux voix de l’opposition. Mais selon lui, cela reste insuffisant.

« Nous devons aller plus loin. Il faut transformer les médias publics en véritables médias de service public, au service de tous les citoyens, et non d’une seule partie de la classe politique. »

Me Abibatou Samb, vice-présidente de l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), a rappelé que la presse sénégalaise doit jouer pleinement son rôle de quatrième pouvoir et ne pas être perçue comme une menace par les autorités.

« Une démocratie forte repose sur une presse libre et indépendante. Plutôt que d’être réprimée, elle devrait être considérée comme un allié dans l’éveil des citoyens », a-t-elle soutenu.

Dans ce contexte, Denis Ndour, de la Ligue sénégalaise des droits humains, a insisté sur l’absence de loi sur le droit à l’information, qui constitue un frein à l’accès des journalistes aux données publiques.

« La Constitution garantit le pluralisme des médias, mais nous n’avons toujours pas de loi sur le droit à l’information. Cette législation permettrait aux journalistes d’accéder plus facilement aux informations et de garantir aux citoyens un accès fiable à des données précises et vérifiées », a-t-il déclaré.

Si l’appel à une réforme du code de la presse est légitime, plusieurs défis se posent. L’indépendance des médias face aux pressions politiques et économiques reste une problématique majeure. Certains patrons de presse dépendent des publicités étatiques et d’un financement incertain, ce qui rend difficile une totale liberté éditoriale.

Par ailleurs, le cadre juridique actuel inclut encore des sanctions pénales contre les journalistes, notamment en cas de diffamation, ce qui peut être utilisé pour restreindre leur liberté d’expression. Les organisations de défense des droits humains plaident pour la dépénalisation des délits de presse, afin d’éviter que des journalistes soient incarcérés pour leurs écrits.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : Application de l’article 94 du Code de la presse : L’APPEL invite à une mise à jour du CNRA d’abord

L’Association des Éditeurs et Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL) a appris à travers un communiqué que «le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) rappelle aux éditeurs, distributeurs et diffuseurs que selon l’article 94 de la loi n°2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la presse : « L’exercice de toute activité d’édition, de distribution et de diffusion de services de communication audiovisuelle quelle que soit la technologie utilisée, est subordonné à une autorisation délivrée par le Ministre chargé de la Communication, après avis conforme de l’organe de régulation, dans les conditions définies par le présent Code». Elle est surprise que le CNRA attende maintenant pour rappeler cette importante disposition. Et pourtant, il a eu le temps d’organiser des concertations avec les radios et télévisions traditionnelles en février 2021 jusqu’à signer des conventions et cahiers de charges avec leurs directions. Pourquoi les éditeurs de la presse en ligne notamment des WebTV et WebRadio n’étaient pas conviés dans ces pourparlers ?

APPEL a, toujours, eu cette position de principe qui consiste à rappeler aux autorités compétente que le CNRA est caduque et qu’il ne peut plus assurer la régulation d’un secteur où le numérique a fini par s’imposer. Elle la réitère et demande ainsi à tous ses membres et acteurs de l’écosystème digital média à ne pas donner suite à cette injonction du CNRA.

L’article 94 du Code de la presse parle de « communication audiovisuelle quelle que soit la technologie utilisée ». Or, le CNRA est créé par la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006. A l’époque la presse en ligne était à ses balbutiements et les médias sociaux pas encore aussi développés en Afrique. Jusqu’à présent, ces textes n’ont pas fait l’objet de mise à jour malgré les prescriptions du Code de la presse. De plus, cette disposition énonce, mais il n’y a aucun encadrement prévu par les dispositions légales du CNRA qui précisent et fixent les conditions ainsi que les modalités d’application. Au-delà des normes, APPEL estime que ce communiqué de l’autorité de régulation devrait être précédé par des discussions afin d’étudier avec les acteurs les pièces et modalités de mise en œuvre de l’article 94 du Code.

Le Code de la presse qui est fortement en avance sur les textes du CNRA propose la création d’un nouvel organe de régulation adapté au contexte et aux enjeux de l’heure. L’avant-projet de loi instituant la Haute Autorité de Régulation des Communications Audiovisuelles (HARCA) a été adopté par consensus par les acteurs du secteur, le ministère de la communication, des membres du CNRA qui ont tous convenu qu’il faut désormais une régulation transversale, une autorité qui coiffe tous les types de médias avec des prérogatives étendues qui permettent de mettre de l’ordre durablement dans la profession.

Cette conviction est davantage motivée par l’article 229 dudit Code qui dispose : « le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, organe de régulation au moment de l’adoption du présent Code, poursuit SA mission, jusqu’à l’installation du nouvel organe de régulation de la chaîne de valeur audiovisuelle».

Aussi, il serait surprenant que nos entreprises de presse soient soumis à la fois aux dispositions qui concernent la presse en ligne et à celles qui concernent la presse audiovisuelle. La presse en ligne, faut-il le rappeler, agrège plusieurs contenus : l’écrit, la photo et la vidéo. Et les autres supports utilisés (Facebook, X, youtube) ne sont que des réseaux sociaux affiliés au médias en ligne pour lui permettre de disséminer son contenu. D’où la nécessité de mettre en place un régulateur qui comprenne les enjeux et les spécificités de chaque type de médias.

Les Editeurs de la presse en ligne souhaitent se conformer à la loi. Ils n’ont de cesse de le clamer. Toutefois, ils appellent les nouvelles autorités à rouvrir les discussions sur l’avant-projet de la HARCA qui est au secrétariat général du gouvernement pour opérer les mises à jour nécessaires. C’est le moment d’engager ces travaux qui seront d’un grand apport dans la normalisation du secteur des médias.
Le Bureau Exécutif National de l’APPEL

Quitter la version mobile