En dépit des annonces faites vendredi par le Premier ministre, Gabriel Attal, pour tenter d’apaiser la colère des agriculteurs, ces derniers restaient largement mobilisés samedi, malgré la levée de certains barrages routiers. Ils s’interrogent maintenant sur la suite de leur mouvement, mais des agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du grand bassin parisien ont d’ores et déjà annoncé qu’ils entameraient « un siège » de Paris dès lundi et « pour une durée indéterminée ».
À mesure que certains barrages sont levés, samedi 27 janvier, la circulation reprend sur certaines autoroutes, tandis que les agriculteurs, loin d’être tous satisfaits des annonces du gouvernement, s’interrogent sur la suite de leur mouvement.
Dans le sud, l’autoroute A9 « a été rouverte sur la majeure partie de son tracé », a indiqué Vinci Autoroutes dans un communiqué. Mais elle reste coupée dans le Gard.
Du côté de l’autoroute A64 au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), premier barrage d’agriculteurs à avoir été installé il y a dix jours, le blocage a été totalement levé. Cet axe reliant Toulouse à Bayonne a été rouvert à la circulation à 15 h 25, a annoncé la préfecture dans un communiqué.
« On a été entendu, on a eu quelques réponses » même si « tout ne sera pas parfait de suite », a jugé Joël Tournier, l’un des porte-parole du mouvement à Carbonne, avec l’éleveur Jérôme Bayle.
Selon la gendarmerie, le nombre de blocages et de départements touchés diminue fortement. Samedi à 6 h, il y avait moins de 40 actions touchant 28 départements.
Mais le mouvement reste diffus, avec des situations qui varient localement à travers la France et des agriculteurs partagés entre ceux qui estiment avoir obtenu satisfaction et d’autres qui souhaitent relancer le mouvement après une pause.
« Siège de la capitale »
Des agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du grand bassin parisien entameront lundi un « siège de la capitale », ont annoncé samedi soir les deux syndicats, qui représentent la majorité de la profession au niveau national.
« Dès lundi 29 janvier à 14 h les agriculteurs des départements de l’Aisne, l’Aube, l’Eure, l’Eure & Loir, l’lle-de-France, la Marne, le Nord, l’Oise, le Pas-de-Calais, la Seine et Marne, la Seine-Maritime et la Somme, membres du réseau FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin Parisien entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée », écrivent-ils dans un communiqué.
« Tous les axes lourds menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs », ajoutent-ils dans le bref texte.
Les agriculteurs de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, l’un des points chauds de la mobilisation en France, avaient un peu plus tôt annoncé leur intention de « monter à Paris » à partir de lundi pour aller bloquer le marché d’intérêt national de Rungis (Val-de-Marne).
Un administrateur national des JA, Maxime Buizard, avait un peu plus tôt annoncé sur BFMTV avoir « décidé de changer de méthode et d’organiser le blocus de Paris et de la petite couronne ».
« Pour l’heure, ce n’est pas tranché », temporisait Pierrick Horel. « Il y a des discussions, il y en a qui tempèrent, il y en a qui décident de tout bloquer », explique David Sève, de la FDSEA du Gard.
« On ne vous lâchera pas »
Mardi, la mobilisation a été endeuillée par la mort accidentelle d’une agricultrice et de sa fille sur un barrage à Pamiers (Ariège). Samedi, plusieurs milliers de personnes participaient dans cette ville à une marche blanche organisée en leur mémoire. « Il y a une foule considérable […], la solidarité et l’émotion ont dépassé l’Ariège et le monde de l’agriculture », a déclaré Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège.
Pour tenter d’éteindre la révolte montée de campagnes, où beaucoup ne parviennent plus à vivre de leur métier, le Premier ministre, Gabriel Attal, a dévoilé vendredi des mesures d’urgence en Occitanie, berceau de la contestation. « On ne vous lâchera pas », a-t-il lancé.
Il a ainsi accédé à quelques-unes des demandes les plus pressantes des manifestants, comme l’abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), le gonflement des indemnités pour les éleveurs touchés par la maladie des bovins MHE et des sanctions lourdes contre trois industriels de l’agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix.
Les mesures « sont appelées à se décliner sur d’autres sujets » a promis le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau.
« Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère »
« Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin », a affirmé vendredi le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. La Confédération paysanne veut pour sa part vouloir « continuer la mobilisation » pour obtenir « des mesures structurelles ».
« Les gens sont excédés par le fait que ce n’est pas les annonces qu’on attendait », a déclaré samedi Lucie Delbarre, secrétaire générale de la FDSEA du Pas-de-Calais. « On a un État qui se moque de ses agriculteurs. On le voit bien, c’est une cocotte-minute prête à exploser ».
À Narbonne, c’est un bâtiment de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui avait été incendié vendredi après-midi en marge d’une manifestation d’agriculteurs, tandis qu’à Nîmes, un bureau des Douanes et huit véhicules ont été brûlés.
Partout à travers la France – première puissance agricole de l’Union européenne – s’est exprimé un mélange de passion et de désespoir, les cortèges exhibant ici un pendu de paille, là affichant le slogan « Enfant on en rêve, adulte on en crève ».
À Matignon, l’accueil des mesures est observé avec attention, et l’entourage de Gabriel Attal promet « de continuer à apporter un certain nombre de mesures d’ici le Salon de l’agriculture » fin février.
« Il faut donner un cap à l’agriculture française. Il faut lui dire ce qu’elle doit faire : son objectif est d’être concurrentielle avec les fermes-usines du Brésil ou d’Ukraine, ou son but est de nourrir comme il faut les Français ? », a demandé le député LFI de la Somme François Ruffin.