Khadim Bâ, l’arme du rapport secret : ce document explosif qui pourrait tout changer

Le feuilleton judiciaire autour de l’homme d’affaires Khadim Bâ connaît un tournant inattendu avec l’émergence d’un rapport d’expertise qualifié d’« explosif ». Ce document confidentiel, remis au Parquet financier, pourrait bouleverser l’orientation de la procédure en cours. Incarcéré depuis le 4 octobre 2024, Khadim Bâ fait face à de multiples chefs d’accusation : faux et usage de faux, importation illicite, infraction au code des changes, escroquerie sur fonds publics, association de malfaiteurs et blanchiment aggravé.

Révélé par le quotidien L’Observateur, ce rapport de plus de soixante pages est le fruit de plusieurs mois d’enquête menés par le cabinet d’expertise Cecogex, dirigé par l’expert judiciaire Gory Ndiaye. Mandaté par le Pool judiciaire financier (PJF), ce dernier avait pour mission de passer au crible les opérations financières et commerciales de Dermond Oil, la société dirigée par Khadim Bâ. Le rapport retrace les flux de transactions entre Dermond Oil et l’Administration douanière sénégalaise entre 2017 et 2023. Il examine également les importations d’hydrocarbures, les commissions perçues, les contrats signés avec des partenaires étrangers, ainsi que les avantages économiques issus de ces opérations.

Mais ce sont surtout les conclusions du rapport qui pourraient rebattre les cartes. Sur la question des droits d’importation, l’expert affirme que Khadim Bâ n’était pas personnellement redevable, car sa société ne jouait pas le rôle d’importateur direct. Cette responsabilité incomberait plutôt, selon les documents et témoignages examinés, à des entités comme la Société Africaine de Raffinage (SAR), Total et Touba Oil. Le rapport s’appuie notamment sur les déclarations d’un cadre des Douanes, Birahim Souna Fall, qui précise que Dermond Oil n’avait ni le statut ni les obligations d’un importateur officiel. En conséquence, l’accusation de fraude douanière perdrait de sa consistance.

Autre volet capital de l’affaire : l’accusation de non-rapatriement de 45 milliards de francs CFA. Là aussi, le rapport remet en cause la thèse du Parquet. Selon Me Djiby Diallo, l’un des avocats de Khadim Bâ, son client aurait agi sur instruction expresse de l’État du Sénégal, dans un contexte de crise énergétique marquée par la rareté de l’offre mondiale. Khadim Bâ aurait alors accepté d’intervenir sur le marché international pour assurer l’approvisionnement du pays en produits pétroliers, en collaboration avec la SAR. L’avocat affirme que non seulement ces opérations ont été validées par les autorités, mais qu’elles ont aussi été réalisées à perte pour soutenir l’intérêt général. En outre, les transactions financières étaient centralisées à travers la BCEAO, les banques commerciales sénégalaises ne disposant pas des devises nécessaires pour les couvrir. Toujours selon Me Diallo, un montant global de 382 milliards de francs CFA aurait été dûment rapatrié au Sénégal entre 2017 et 2023, soit bien plus que ce qui est reproché à l’accusé.

Fort de ces nouvelles données, le pool d’avocats de Khadim Bâ envisage de relancer une demande de mise en liberté provisoire. Ce rapport constitue désormais le pilier central de leur stratégie de défense. Ils espèrent qu’il permettra de réévaluer la pertinence des poursuites en cours, voire d’ouvrir la voie à une révision substantielle du dossier.

Cependant, l’issue reste incertaine. Le Parquet financier, bien que saisi du document, ne s’est pas encore prononcé publiquement sur son impact potentiel. Car malgré les éclairages apportés par le rapport Cecogex, les accusations restent lourdes et englobent des faits d’une complexité juridique et financière indéniable. Des soupçons de blanchiment de capitaux, de falsification de documents et de détournement de fonds publics continuent de planer.

L’affaire Khadim Bâ, qui mobilise l’opinion et les médias depuis plusieurs mois, semble donc entrer dans une nouvelle phase. Si les conclusions de l’expert judiciaire venaient à être reconnues par les autorités judiciaires, le dossier pourrait connaître un tournant radical. Dans le cas contraire, ce rapport pourrait être relégué au rang de simple pièce à conviction parmi tant d’autres, sans réelle influence sur la suite des événements.

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