De part et d’autre de l’Atlantique : En Amérique uniquement…. Au Sénégal aussi (Par Dr Yoro Dia)

De part et d’autre de l’Atlantique : En Amérique uniquement…. Au Sénégal aussi (Par Dr Yoro Dia)
Lors d’un meeting avec son colistier en Pennsylvanie, Kamala Harris a déclaré que c’est en Amérique uniquement qu’on peut trouver deux candidats issus de la classe moyenne (elle et le gouverneur Walz) aux portes de la Maison. Quand j’ai entendu cette déclaration en direct sur CNN, comme dans les films policiers américains j’ai voulu lui dire objection Madame. Objection Madame, au Sénégal aussi nous l’avons et depuis l’indépendance. Il y a quelques mois, le 24 mars, le Sénégal a élu Président qui vient de Ndiaganiao prouvant encore une fois de plus contrairement à la monarchie, la République est le système politique qui abolit le hasard de la naissance pour le remplacer par le mérite. Avant le Président Diomaye Faye, c’était aussi le cas pour le cas pour Macky Sall (Fatick), Abdoulaye Wade ( Kebemer), Abdou Diouf ( Louga) et Senghor ( Joal). Depuis l’indépendance nous sommes donc gouvernés par des ruraux. Donc sur ce point nous sommes en avance sur les Etats Unis où la Présidence est devenue une affaire d’aristocrates et de dynasties (Les Bush, les Kennedy, les Rosevelts, les Clintons, et bientôt les Trumps sans oublier les Adams aux premières années de la République américaine). Le Sénégal en ce qui le concerne a rejeté avec une grande violence démocratique le premier projet dynastique : les Wade en 2012) parce que les Wade avaient confondu Dynastie et monarchie.

Est-ce que l’Amérique est prête à avoir un vice-président juif si jamais Kamala Harris avait choisi le très populaire Gouverneur Shapiro ? De ce côté de l’Atlantique, pendant quelques jours c’était le débat de la campagne. Une question qui ne se pose jamais à Dakar de l’autre côté de l’Atlantique qui a élu Barthelemy Dias à la mairie. Il y eut point de débat sur cette question et personne ne s’y arrête. C’était la même attitude avec Léopold Sedar Senghor, notre premier et plus grand Président qui a été à la tête de notre pays pendant 20 ans. Au moins sur ce point le Sénégal est en avance sur les Etats Unis, son voisin outre Atlantique. Le Sénégal est un si grand pays mais les Sénégalais aveuglés par le virus de haine de soi, du ressentiment, et le Sénégal bashing que Pastef leur a inoculés ne s’en rendent plus compte. Barthelemy Dias qui remplace Souham Wardini (une alternance entre deux minorités à la tête de la capitale. Qui peut faire mieux dans le monde ? Pour cette performance, ce symbole, cet exemple mondial que le Sénégal a réalisé sans s’en rendre compte tellement c’est naturel pour nous, il a fallu une visite d’Etat de Macky Sall au Portugal pour que le Président du Portugal et le maire de Lisbonne nous ouvrent les yeux sur cette exception sénégalaise. Les Portugais étaient fascinés que Dakar, la capitale d’un pays musulman à plus de 90% ait un maire qui s’appelle « Barthelomeo Diaz» comme le grand navigateur portugais qui a ouvert la route de l’Asie par l’extrême sud de l’Afrique notamment le cap de Bonne Esperance. Avec un Président catholique dès l’Independence et pour vingt ans alors que les Etats Unis se posent la question plus de deux siècles après leur indépendance s’ils sont prêts à avoir un vice-président juif, le Sénégal est largement en avance sur notre voisin outre-Atlantique. Dommage que le gouverneur Shapiro n’ait pas été choisi. Shapiro est une bonne synthèse entre l’art oratoire de Obama et le charisme de Kennedy. Si les démocrates ne gagnent pas cette élection il faudra compter avec Shapiro pour la prochaine Présidentielle et il sera probablement le Premier Président Juif des Etats Unis. Ils pourront venir s’inspirer du Sénégal qui a eu un Président catholique dès l’indépendance. Des deux côtes de l’Atlantique nous avons aussi des canards boiteux à la tête de l’Etat. Aux Etats Unis, le Président devient un canard boiteux à la fin de son second mandat. Cependant Biden est devenu un canard boiteux depuis qu’il a renoncé à briguer un second mandat alors que Diomaye est devenu un canard boiteux au début de son mandat puisqu’il a accepté de bonne volonté de se confiner à un rôle de Roi d’Angleterre laissant les coudées franches à son Premier Ministre qui continue son projet de négation du Sénégal et de ses valeurs. Ainsi après l’échec de sa tentative de détruire l’Etat de l’extérieur avec l’insurrection, il essaie de l’intérieur en ouvrant la boite de pandore de la Fitna avec la question du voile. Aussi bien de l’extérieur (insurrection) qu’à l’intérieur ( Fitna) il est condamné à l’échec car l’harmonie religieuse et confrérique au Sénégal a des racines sociologiques et historiques tellement profondes qu’elles transcendent la volonté politique. Le Ministre de l’Education obligé d’aller à Canossa chez l’archevêque de Dakar est la preuve de l’échec et la volonté de refermer la boite de pandore de la fitna. Avec un Président canard boiteux dès le premier jour, on attendra longtemps pour une pose de première pierre. Ce sera au rythme d’un canard boiteux mais il pourra meubler son temps en inaugurant les chantiers de son prédécesseur. De ce côté de l’Atlantique, le Président Biden exprime son inquiétude sur la transition pacifique du pouvoir en cas de défaite de Donald Trump. Ce qui n’a jamais été source d’inquiétude de l’autre côté de l’Atlantique (Sénégal) où le pouvoir passe d’un Président à un autre en une dizaine de de jours en moyenne. Une autre performance mondiale. Les inquiétudes de Biden s’expliquent par le douloureux assaut des partisans de Trump contre le Capitole le 06 janvier 2020. De ce côté de l’Atlantique, les auteurs de l’assaut contre les institutions notamment le Capitole sont considérés comme des terroristes et traités tels alors que l’autre côté de l’atlantique, ceux qui ont brulé l’Université, jeté des cocktails molotovs sur des bus, attaqué les institutions, incendié le TER et BRT osent se victimiser. Vérité en deca de l’Atlantique, erreur au-delà.

Dr Yoro Dia, Politologue, ancien Ministre

Et si on se préparait à la cohabitation (Dr Yoro Dia, Politologue)

Le refus du Premier Ministre de se soumettre à une déclaration de politique générale qu’il a pourtant abordée plusieurs fois en conseil des ministres confirme le Projet Nakhebaye de Pastef. Comme son nom l’indique la DPG exige une vision, une ambition et des orientations claires que notre Premier Ministre n’a jamais eues. Sonko joue la montre en attendant que les hauts fonctionnaires qu’il appelle, par ignorance ou mauvaise foi, le Système, rédigent le projet. Un projet que Pastef , par indigence intellectuelle, a mis dix ans pour lui trouver un nom. Comme pour le PSE, ce seront nos brillants hauts fonctionnaires qui vont rédiger le Projet qui s’appelle Vision 2050 et va s’inscrire inévitablement dans la continuité du PSE. Si le Premier Ministre, comme le disent ses proches attend la nouvelle assemblée qui sera installée après les élections issues de la dissolution, il est de bon aloi de lui rappeler deux choses. Premièrement, il n’appartient au Premier Ministre de choisir son « assemblée » parce que même s’il en a les instincts et les réflexes, Monsieur Sonko n’est pas Caligula qui méprisait tellement le Senat qu’il y avait nommé son cheval ou François 1er dont le bon plaisir devenait la loi. Secundo, qu’est ce qui fait croire à Monsieur Sonko qu’il sera encore en poste après les législatives anticipées ? Le charme de la démocratie réside dans l’incertitude des élections et l’exercice du pouvoir est le plus grand ennemi du populisme. C’est pourquoi le bilan des 100 jours de Pastef se résument à deux mots chers à Talleyrand : « excès » et « insignifiance ». Excès quand Sonko menace la presse et les juges et qualifie nommément et publiquement le Président du Conseil constitutionnel de corrompu…Insignifiance quand il rabaisse sa fonction et la réduit au petit privilège du tapis rouge confirmant Talleyrand qui disait « Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite. »  De quoi a peur le Premier Ministre ? D’une motion de censure ? Aucun Premier du Sénégal n’a jamais été renversé par une motion de censure lors d’une DPG même si la motion de censure reste un moyen de créer un débat devant l’opinion sur la vision et les orientations.  La révolte, si elle n’est pas parlementaire, sera populaire et démocratique.La révolte démocratique viendra des législatives. Pastef n’a pu prospérer que dans la tension permanente ; l’accalmie et la clarté brutale de l’exercice du pouvoir ont montré que le fameux projet n’était qu’un deep fake et donc, en réalité, Pastef n’a pas de vision, encore moins une ambition pour le pays. La meilleure façon de sanctionner de ce deep fake qu’incarne Sonko est de sanctionner démocratiquement Pastef aux législatives en imposant au Président de la République une cohabitation en l’aidant démocratiquement à se débarrasser de son encombrant et incompétent Premier Ministre. De toute façon en cas de cohabitation, rien va changer pour le Président de la République car comme aujourd’hui à l’image du Roi d’Angleterre, il va continuer à régner mais ne pas gouverner. Aujourd’hui avec Sonko, il est plus le « Résident de la République » que Président de la République. Avec la cohabitation, il le sera moins et sera plus Président de la République. Naturellement, on nous dira que notre constitution et nos institutions ne prévoient pas la cohabitation. La constitution et les institutions de la Ve République en France n’ont jamais prévu la cohabitation parce que De Gaule a toujours pensé qu’un Président désavoué devait s’en aller comme il le fit quand le Non l’emporta au referendum de 1969. En 1986, malgré le désaveu aux législatives Mitterrand qui n’était pas De Gaule choisit de rester et les institutions s’adaptèrent à la cohabitation. Et la France n’a jamais été aussi bien gouvernée que pendant la cohabitation Chirac- Jospin (1997-2002). Nos institutions qui ont fait la preuve de leur solidité et notre Etat qui, comme le roseau, plie mais ne rompt pas, sont prêts à gérer cette cohabitation. Comme l’alternance devenue la respiration de notre démocratie, la cohabitation qui s’annonce sera soluble dans nos institutions comme l’alternance.

Sonko, les putschistes et Mélenchon : le choix de l’arrière-garde (Par Dr Yoro Dia)

En matière de politique extérieure, le duo Diomaye-Sonko danse la tango, c’est-à-dire un pas en avant deux pas en arrière. Autant le Président Faye a fait un pas en avant en réservant sa première sortie à l’étranger à la Mauritanie, signe d’avant-garde car avec le pétrole et le gaz, le Sénégal peut accélérer sa marche vers l’Emergence. Donc être à l’avant-garde économique après avoir été à l’avant-garde politique ( exception démocratique). Autant Sonko, avec sa tournée pompeusement annoncée dans l’alliance des Etats putschistes  (Guinée et  l’Alliance des Etats du Sahel à savoir le Mali, le Burkina et le Niger),  fait deux pas en arrière en réservant sa première sortie aux pays de l’arrière garde démocratique. Même s’ils sont sensiblement de la même génération, il  y a un fossé  politique entre le Président Faye et ces Présidents de l’alliance des Etats putschistes. Diomaye a été élu démocratiquement alors les autres ne sont que des putschistes qui cherchent à légitimer leur forfaiture par la manipulation idéologique  d’un souverainisme désuet et anachronique. 
Heureusement qu’au Sénégal, nous avons un Etat solide et des forces de défense et de sécurité qui ont été à la hauteur pour vaincre l’insurrection avant que nos frères égarés n’en reviennent à l’opposition légale pour prendre le pouvoir par les urnes. Si le General Moussa Fall et ses hommes n’avaient pas été à la hauteur pour mater l’insurrection, aujourd’hui le Sénégal aurait perdu son statut d’exception et serait membre de l’alliance des Etats putschistes où nul ne sait quand est-ce qu’auront lieu les élections.
L’avant-garde est souvent une illusion de l’arrière garde. C’est valable pour Ousmane Sonko s’il croit que l’avant-garde ce sont l’alliance des Etats putschistes et son gourou Mélenchon, un dinosaure idéologiquement fossilisé. Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es. Si Sonko suit son gourou Mélenchon, le Sénégal pétrolier sera un futur Venezuela, la référence de Mélenchon et non pas un futur Dubaï comme nous en rêvons. Le souverainisme est aujourd’hui dans l’économie comme l’ont compris l’Inde et la Malaisie qui se glorifient d’avoir un PNB qui a dépassé celui de l’ancien colonisateur et la Chine qui est passée du péril jaune à empire du milieu sur le plan économique en cherchant à le devenir sur le plan politique. Le souverainisme est dans l’économie et la croissance et non pas dans le fait de passer de supplétif français à supplétif russe comme l’alliance des Etats du Sahel ou être un supplétif idéologique de Monsieur Mélenchon. Quand Branco n’avait plus aucune crédibilité en France, il était venu se recycler en Afrique (au fait où en est-on avec sa fanfaronnade de poursuite à la CPI ? La presse s’honorerait en s’intéressant à la suite donnée à cette farce). Mélenchon aussi vient se recycler chez Sonko son supplétif idéologique car probablement durant toute sa  carrière politique ce sera la première fois qu’il est annoncé à l’étranger comme un chef d’Etat et sera reçu probablement comme tel.

Le complexe d’infériorité a encore de beaux jours devant lui. La rupture ce n’est pas simplement de changer de maître blanc. Les Sénégalais ont opéré la rupture et réglé la question du souverainisme  depuis 2000 et comme dans leur habitude de façon démocratique en élisant Wade alors que tout le monde savait que Diouf était le choix de la France. L’élection de Diomaye le confirme. Le débat sur le souverainisme est, soit de la manipulation pour légitimer la forfaiture politique des coups d’Etat, soit du Don Quichotisme politique au Sénégal. Le souverainisme est la bataille économique pour l’émergence, le seul combat qui vaille au Sénégal. Tout le reste est perte de temps et le « temps ne chôme pas ». Nous sommes tous des panafricanistes mais nous préférons le panafricanisme démocratique à celui putschiste de nos voisins qui instrumentalisent le panafricanisme comme arme de diversion politique pour masquer leur forfaiture politique. Ce n’est pas un hasard si les élites et les peuples de l’alliance des états putschistes rêvent du modèle démocratique sénégalais alors que notre Premier Ministre prend leurs dirigeants pour modèles. Quelle négation du Sénégal, de ses valeurs et surtout de son rang. Chez Sonko, l’avant-garde est toujours une illusion de l’arrière-garde !

Dr Yoro Dia, politologue

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