Rapport Amnesty International 2024-2025 : Un État sénégalais toujours sous tension face aux droits humains

Ce mardi à Dakar, Amnesty International a présenté son rapport annuel 2024-2025. Un document accablant, qui dresse un tableau préoccupant des droits humains au Sénégal. Malgré l’alternance politique intervenue en mars 2024 avec l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, l’organisation note la persistance de pratiques répressives héritées du régime précédent. Le rapport aborde une large palette de thématiques : violences policières, liberté d’expression, impunité, conditions carcérales, droits des femmes, des enfants, des migrants et enjeux environnementaux.

L’un des éléments les plus marquants du rapport concerne les violences policières survenues en février 2024, dans un contexte de contestation du report de l’élection présidentielle. Amnesty déplore la mort d’au moins quatre personnes, dont un adolescent de 16 ans, tuées par les forces de sécurité, et l’arrestation de plus de 150 manifestants. Des journalistes ont également été ciblés. Mor Amar a été agressé, tandis qu’Absa Hane a été violemment battue et brièvement détenue.

Pour Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, ces violences traduisent une intolérance persistante à la critique. « Lorsqu’on exerce le pouvoir, on doit être tolérant envers la critique. Si ce n’est pas le cas, on remplit les prisons de personnes qui n’ont fait qu’exprimer une opinion », a-t-il déclaré, appelant à une rupture nette avec les pratiques du passé.

Autre point controversé, l’adoption en mars 2024 d’une loi d’amnistie couvrant les événements politiques survenus entre février 2021 et février 2024. Selon Amnesty, cette loi empêche toute poursuite judiciaire pour les décès d’au moins 65 personnes, tuées pour la plupart par les forces de sécurité.

« C’est une atteinte directe au droit à la justice pour les familles des victimes », a dénoncé Gassama. Il y voit une consécration de l’impunité, contraire aux obligations du Sénégal en matière de droits humains. L’organisation appelle à l’abrogation de cette loi et à l’ouverture de procès équitables pour établir les responsabilités.

Amnesty note une certaine amélioration avec la libération de figures politiques comme Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, mais souligne que la répression n’a pas totalement cessé. Des personnalités telles qu’Ameth Suzanne Camara ont été arrêtées pour « offense au chef de l’État », et Cheikhna Keita pour « diffusion de fausses nouvelles ».

« Même si on n’emprisonne plus pour un like sur Facebook, les poursuites judiciaires se poursuivent », a regretté Gassama, appelant à la décriminalisation des infractions liées à la liberté d’expression. Pour lui, la liberté de parole ne doit jamais conduire à l’emprisonnement.

Les conditions de détention restent alarmantes. En janvier 2025, une épidémie de tuberculose a éclaté à la prison de Rebeuss, mettant en lumière la surpopulation carcérale et l’insuffisance des soins de santé. Amnesty appelle à des investissements urgents dans le système pénitentiaire et à une réforme globale de la justice.

Le rapport pointe également le retard dans la réforme du Code de la famille, qui maintient l’âge légal du mariage des filles à 16 ans et le principe d’« autorité paternelle ». Amnesty soutient les recommandations issues des Assises de la justice, qui préconisent un relèvement à 18 ans.

Le sort des enfants talibés reste également préoccupant. Forcés à mendier dans la rue, ils sont exposés à la traite et aux violences. Amnesty dénonce l’inaction du gouvernement, qui tarde à adopter un Code de l’enfant et à mettre en place des politiques de protection efficaces.

Sur le plan environnemental, l’organisation salue la suspension des activités minières sur la Falémé jusqu’en 2027, soulignant les risques liés à l’orpaillage et à l’utilisation de produits chimiques comme le mercure. L’audit sur l’exploitation du phosphate à Ndendory (Matam) est également une mesure positive, mais jugée insuffisante.

« La Falémé est une source vitale d’eau potable. Il faut la protéger contre les pollutions », a plaidé Gassama.

La migration irrégulière reste un défi majeur. Le Sénégal est toujours un point de départ important vers les îles Canaries. Selon Caminando Fronteras, 959 personnes sont mortes en mer entre janvier et mai 2024. Pour Amnesty, ces départs s’expliquent par le chômage, l’effondrement du secteur de la pêche et l’absence de perspectives économiques pour la jeunesse.

Face à l’ensemble de ces défis, Amnesty appelle le gouvernement à engager de profondes réformes. L’organisation exhorte notamment à garantir les libertés fondamentales, à mettre fin à l’impunité, à renforcer l’indépendance de la justice et à adopter une politique de développement équitable et durable.

« Lorsque les citoyens ont peur de parler, c’est la démocratie elle-même qui est en danger », conclut Seydi Gassama. Le Sénégal est à un tournant : l’espoir d’un changement réel existe, mais il repose sur la volonté politique de rompre avec les pratiques du passé.

« Libérer les voies de nos voix » : les défenseurs des droits humains mobilisés pour sauvegarder l’espace civique au Sénégal

À Dakar, ce mardi, Article 19 Sénégal et Afrique de l’Ouest a réuni plusieurs organisations de défense des droits humains autour d’un atelier de capitalisation du projet « Libérer les voies de nos voix : Contrer la répression de l’espace civique au Sénégal ». Lancé en réponse aux nombreuses atteintes aux libertés enregistrées entre mars 2021 et février 2024, ce projet visait à raviver l’engagement citoyen et à restaurer un climat propice à l’exercice des droits fondamentaux au Sénégal.

Financé à hauteur de 150 000 dollars par Open Society Africa (OSA-Sénégal), ce projet s’est déroulé sur une période de 19 mois. Il a permis de renforcer les capacités des acteurs de la société civile, des médias, et des défenseurs des droits humains, tout en documentant les violations de l’espace civique et en menant des actions de plaidoyer ciblées.

Lors de l’ouverture de l’atelier, Alfred Bulakali, directeur régional d’Article 19, a insisté sur la nécessité de faire le point avec les acteurs ayant porté le projet sur le terrain. Selon lui, cette rencontre permet de revenir sur les réussites, de tirer des leçons des défis rencontrés et de tracer les lignes d’action pour l’avenir. Il a salué l’implication d’organisations comme Amnesty Sénégal, la Raddho, Afriktiviste, la Ligue sénégalaise des droits humains, ainsi que plusieurs partenaires médiatiques.

Mateuw Mbaye, point focal du projet au sein d’Article 19, a quant à lui souligné l’impact du projet sur la résilience des forces vives de la démocratie. Il a rappelé que l’un des objectifs essentiels était de sauvegarder la démocratie et la culture du droit au Sénégal, dans un contexte marqué par des tensions politiques, des violences et des restrictions aux libertés.

Selon lui, les résultats enregistrés sont significatifs. Le projet a permis de renforcer le monitoring des droits humains, notamment en matière de liberté d’expression et de violence politique. Quatorze points focaux, formés dans différentes localités du pays, ont documenté les événements survenus, contribuant à la publication d’un rapport détaillé. Huit organisations de la société civile et des médias, dont Appel et Cored, ont bénéficié d’un appui direct, tout comme trente-quatre acteurs qui ont reçu des financements pour mener des actions de terrain.

Des rencontres avec les autorités, dont le ministre de la Justice, ont aussi permis d’aborder les aspects juridiques liés à la répression de l’espace civique. Ce dialogue, selon les organisateurs, a ouvert la voie à une meilleure compréhension des préoccupations des défenseurs des droits humains.

Parmi les leçons apprises de ce projet, les acteurs ont mis en avant la nécessité de concevoir des activités capables de s’adapter aux transitions politiques et aux situations d’urgence. L’approche a également été axée sur une réponse directe aux besoins des bénéficiaires, ce qui a renforcé l’ancrage des actions sur le terrain.

Enfin, les plateformes d’Article 19 et d’Amnesty International/Section Sénégal ont servi de relais puissants pour des campagnes de sensibilisation sur les droits humains. À travers des activités médiatiques, des formations et des actions de communication ciblées, ces campagnes ont permis d’élargir la portée du message et de mobiliser un large public.

Le Dakarois Quotidien & Le Dakarois Sports N°344 – du 11/12/2024

🔴 RECOUVREMENT DES CRÉANCES : UN CASSE-TÊTE POUR LES ENTREPRISES SÉNÉGALAISES
🔴 MORT DE BASSIROU DIOP, 82 PERSONNES DU CONVOI DE BARTH’ DÉTENUES, VIOLENCES POLITIQUES : LE RESPECT DES DROITS HUMAINS EST-IL EN RECUL ?

🔴 BILAN DES CASSES APRÈS LE MATCH JARAAF VS USM ALGER : LES DÉGÂTS ESTIMÉS À 5 MILLIONS F CFA
🔴 PRÈS DE 500 ATHLÈTES DISPARUS À CAUSE DES FRAPPES ISRAÉLIENNES : LA GUERRE DÉCIME LE SPORT PALESTINIEN

Garde à vue de Moustapha Diakhaté et Adama Gaye : la Ligue sénégalaise des droits humains appelle à la responsabilité et à la sérénité

La garde à vue de Moustapha Diakhaté et d’Adama Gaye, deux figures publiques récemment placées sous enquête, a suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique sénégalaise. Parmi les voix qui se sont élevées, celle d’Alassane Seck, président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH), qui, lors de sa participation à l’émission « Jury du dimanche » (JDD) sur I-radio le 24 novembre 2024, a appelé à la responsabilité et à la sérénité face à cette situation.

Alassane Seck a insisté sur le besoin crucial pour les leaders d’opinion de « assumer leurs propos ». Selon lui, l’affaire Diakhaté-Gaye met en lumière l’importance de la responsabilité, particulièrement en ce qui concerne la liberté d’expression. Le président de la LSDH a souligné qu’il était « très grave » de tenir des propos péremptoires concernant des accusations aussi sérieuses que la mort de personnes, en particulier lorsqu’il s’agit de figures publiques telles qu’un ministre de la République. Il a précisé que de telles déclarations doivent être abordées avec une grande prudence et responsabilité.

Seck a également évoqué la question du respect des électeurs, s’interrogeant sur l’opportunité pour une personne ayant une expérience politique de tenir des propos insultants à l’égard de ses concitoyens. Il a affirmé que de telles attitudes étaient « irresponsables » et contraires à l’éthique d’un véritable responsable politique.

Le président de la LSDH a rappelé que la liberté d’expression est un droit fondamental, mais que celui-ci doit être exercé avec une conscience aiguë de ses implications. « Nous, défenseurs des droits humains, n’avons jamais été convoqués pour des accusations aussi graves », a-t-il déclaré, soulignant l’importance de « réfléchir avant de dire n’importe quoi ». Pour lui, chaque mot prononcé en public doit être pris avec sérieux et responsabilité, d’autant plus lorsqu’il peut nuire à des individus ou perturber l’ordre public.

Concernant les aspects juridiques de l’affaire, M. Seck a évoqué le fait que le code pénal sénégalais, qui date de 1960, reste inchangé et nécessite des réformes profondes. Toutefois, il a précisé qu’en attendant que ces réformes soient mises en œuvre, il est impératif d’accepter le cadre juridique actuel, même si celui-ci présente des imperfections. « Il faudra que les gens acceptent l’existant », a insisté Seck, appelant à une certaine sérénité dans le traitement des affaires judiciaires en cours.

Alassane Seck a pris position pour une gestion calme et responsable de cette affaire, tout en réaffirmant que les leaders d’opinion doivent être conscients de la portée de leurs déclarations et de l’impact qu’elles peuvent avoir sur la société.

Université Assane Seck : la Ligue sénégalaise des droits humains demande une enquête sur les violences

La crise à l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) continue de faire des vagues. En grève illimitée pour dénoncer les conditions précaires d’hébergement et de restauration, les étudiants ont mis le feu à plusieurs véhicules lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Un acte fermement condamné par Alassane Seck, président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH), qui demande l’ouverture d’une enquête.

Invité dans l’émission « Jury du dimanche » sur iRadio, Alassane Seck a déploré les violences qui ont marqué cette première journée de grève. Selon les rapports, trois véhicules, dont celui du directeur de l’UASZ, ont été incendiés, et des biens publics ont été saccagés.

« Il est compréhensible que les étudiants revendiquent leurs droits, surtout dans un contexte où l’État tarde à respecter ses engagements. Mais brûler des voitures ou saccager des biens publics est totalement inacceptable », a-t-il déclaré.

Pour lui, bien que les mouvements étudiants soient récurrents depuis les années 68, certains comportements dépassent les limites acceptables. « Une foule est par définition incontrôlable, et il arrive que certains profitent de ces moments pour se défouler. Mais cela n’excuse pas ces actes de vandalisme », a-t-il ajouté.

Alassane Seck a insisté sur la nécessité de mener une enquête pour identifier les responsables des débordements. « L’État doit enquêter sur ces violences et sanctionner les coupables à la hauteur de leurs actes. Ces comportements ne doivent pas être tolérés », a-t-il martelé.

Dans le même temps, il a appelé les autorités à assumer leurs responsabilités en répondant aux revendications des étudiants.

Les étudiants de l’UASZ réclament notamment la réception de nouveaux pavillons pouvant accueillir 1 000 lits. Actuellement, seuls 10 % des étudiants sont logés sur le campus, les 90 % restants devant trouver des solutions hors du campus, souvent dans des conditions précaires.

« Le manque de salles de cours est également un problème majeur. Chaque année, le nombre d’étudiants augmente sans que les infrastructures ne suivent », a dénoncé un porte-parole des grévistes.

Alors que la situation reste tendue à l’UASZ, les appels au calme se multiplient. La LSDH insiste sur l’urgence de dialoguer avec les étudiants pour éviter que la situation ne dégénère davantage.

Cette crise met en lumière les défis structurels auxquels l’enseignement supérieur au Sénégal est confronté : insuffisance d’infrastructures, surpopulation estudiantine et tensions sociales exacerbées. L’issue de cette crise pourrait poser un précédent pour la gestion des universités publiques dans le pays.

Amnesty International alerte sur la situation des droits humains au Sénégal : Me Amadou Aly Kane appelle à la vigilance

Me Amadou Aly Kane, intervenant sur iRadio devant le « Jury du dimanche », a relayé les préoccupations soulevées par le rapport annuel d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde, mettant en lumière les entraves à la liberté d’expression et de réunion, les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que le recours excessif à la force au Sénégal. Selon l’ONG, ces violations persistent, notamment avec une stagnation des droits des femmes, des filles et des enfants.

Le juriste a souligné que ces constatations sont corroborées par les événements survenus entre 2021 et février 2024, marqués par une répression accrue, des violences policières et une vague d’arrestations massives. Il a fait référence à une estimation de plus de 1 500 personnes détenues dans ce contexte, dénonçant une situation où l’État semble se trouver en conflit avec ses propres citoyens.

Cependant, Me Kane a rappelé que ces défis sont inhérents à la démocratie, caractérisée par des hauts et des bas, des flux et des reflux. Il a comparé la situation au Sénégal avec d’autres pays démocratiques, soulignant que même dans des nations comme les États-Unis, des violations des droits humains peuvent survenir, comme illustré par le cas de George Floyd.

Par ailleurs, l’avocat a exprimé ses inquiétudes quant au caractère systématique des abus et des violences perpétrés au Sénégal, dénonçant une « démocratie malade » où la liberté d’expression est réprimée et les droits fondamentaux bafoués. Il a néanmoins exprimé un certain optimisme, soulignant que les dirigeants actuels ont eux-mêmes été victimes de ces abus et devraient donc être sensibles à cette problématique.

Me Kane a appelé les autorités à tirer des leçons de ces événements passés et à œuvrer pour la consolidation de la démocratie et le respect des droits humains au Sénégal. Il a souligné l’importance d’éviter toute forme de répression et de favoriser un climat de dialogue et de respect mutuel entre le gouvernement et la société civile.

Sénégal à l’ONU : Amnesty international critique le bilan des droits humains

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a examiné la situation du Sénégal lors du Groupe de travail sur l’Examen Périodique Universel (EPU). Seydi Gassama, le directeur de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix (IDHP), ainsi que des membres du corps professoral, des étudiants, Amnesty International, et Oxfam au Sénégal ont suivi cette séance.

Selon Seydi Gassama, le bilan présenté par l’État du Sénégal lors de l’EPU ne reflète pas la réalité des droits humains dans le pays. Il estime que des efforts importants doivent être déployés pour que le Sénégal retrouve son statut de champion de la démocratie et des droits humains en Afrique.

Critiques sur le Droit de Manifester et la Liberté de la Presse :

Le ministre des Affaires Étrangères du Sénégal, Aissata Tall Sall, a répondu aux critiques concernant le droit de manifester. Elle a affirmé que la majorité des manifestations ont été acceptées, précisant que seules 1,5% ont été refusées en raison de troubles à l’ordre public. Concernant la liberté de la presse, elle a déclaré qu’aucun journaliste n’a été poursuivi pour ses opinions, mais plutôt pour des délits de droits communs.

Rapport de Human Right Watch :

Amnesty International rejoint Human Right Watch dans ses appels aux autorités sénégalaises pour qu’elles respectent le droit de manifester et la liberté d’expression des journalistes. Les critiques internationales mettent en lumière des préoccupations persistantes concernant les droits humains au Sénégal.

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