ÉDITORIAL Par Abdoul Aziz DIOP : Le mérite expliqué aux ministres de Diomaye

Pris en flagrant délit de népotisme – favoritisme outrancier profitant aux proches en général (enfants, neveux, cousins, épouses, maris, beaux-parents, gendres, amis, etc.) – les membres du gouvernement épinglés gardent le silence pendant que les inconditionnels dont le nombre diminue montent au créneau, invoquant le mérite des nouvelles recrues. Quid du mérite ? Son usage inapproprié vaut un détour qu’on ne ferait pas aisément sans l’aide de ceux dont le métier à plein temps est de démêler les catégories philosophiques comme le mérite dans ses rapports avec l’égalité, les capacités, la chance, le groupe humain, etc.
L’universitaire français Yves Michaud – auteur de l’essai Qu’est-ce que le mérite ? (Bourin Editeur, 2009) – est un des rares philosophes contemporains à avoir consacré un sérieux travail de réflexion au mérite. Nous en avons eu vent pour la première fois en écoutant l’émission «Idées» sur RFI en novembre 2009. Un mois auparavant, le spécialiste de philosophie politique, s’adressant à des lycéens à Bordeaux, fit l’économie de ses intéressantes trouvailles sur le sujet. Au commencement, la notion de mérite, indissociable de la valeur d’égalité, est opposée au régime des castes dans le but de promouvoir le bien commun. La récompense de ceux qui pouvaient se prévaloir de vraies compétences prenait alors la forme d’une estime collective. Lorsqu’elle se matérialise par une rétribution, celle-ci, limitée, ne creuse pas les écarts de revenus déjà modérés. Il n’est plus possible d’en dire autant depuis que l’individualisme, l’égoïsme et le matérialisme sont devenus les traits dominants d’une époque – la nôtre – qui trouve dans les «excès de l’État-providence» (protecteur) les causes du dépérissement de la motivation et du dynamisme de chacun.
Quand, dans la nouvelle acception du mérite, on s’interroge sur son rapport avec les capacités de l’individu, il y eut un véritable écueil : comment identifier les capacités intellectuelles et cognitives de chacun et mesurer les aptitudes physiques et morales sur lesquelles gager toute idée de mérite ? L’incapacité pour les évaluateurs à faire le tour de la question maintint de larges franges de la société hors course. Ce fut notamment le cas pour les professions autres que militaires, scientifiques et industrielles. Plus grave encore : les capacités issues de «l’héritage social» restaurent la société des héritiers et des castes de l’Ancien régime. On pourrait en même temps rétorquer plusieurs choses à la fois à ceux qui seraient fondés d’invoquer la chance des héritiers. Quelles seraient leurs chances s’ils ne venaient pas de telle ou telle famille ou s’ils étaient nés à une époque différente de celle dont ils tirent leurs dividendes ? Il n’y a, aux yeux de Michaud, qu’une manière de faire l’impasse sur autant de difficultés à promouvoir quelques-uns seulement au détriment de plusieurs autres prétendants : «la reconnaissance truquée». Tout le problème du mérite est là. Les critères de la reconnaissance ne dépendent que des intérêts de celui qui les définit. Deux passages, tirés des bonnes feuilles (Le Quotidien, 15 juillet 2010) du livre L’intruse du Palais, témoignent de la bonne foi de son auteure – Amy Diouf – en même temps qu’ils éclairent la controverse sur le mérite. «Nous existions (…) de par une signature, celle du président de la République qui nous a sortis du néant par un décret (…)», écrit-elle en parlant de l’équipe resserrée autour du président du conseil de surveillance de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (ANOCI). Plus loin, Amy écrit que l’ancien maire de Dakar, Pape Diop, «nous a reçus dans la salle d’apparat et même poussé l’hospitalité jusqu’à offrir la présidence de séance à Karim». Pape Diop venait-il de perdre son fauteuil de maire de la capitale du Sénégal pour cause de «reconnaissance truquée» considérée comme une reconnaissance méritée ? On connaît la suite : aucun des deux – l’ancien maire et le jeune prétendant embusqué – ne fut élu maire à l’issue des locales de mars 2009. C’est que le pouvoir ne se mérite pas ; il se conquiert au terme d’un acte de légitimation dont les règles – égales pour tous – récusent l’idée d’un mérite de type nouveau qui justifie la mésestime pathologique des autres par l’estime démesurée de soi.
Yves Michaud ne récuse pas pour autant toute idée de mérite. Faute de vertu, le mérite serait même un passage obligé. Mais le philosophe ne manque pas de perspicacité lorsqu’il présente le sens moral ou religieux du concept polysémique. «Mériter, c’est avoir fait volontairement quelque chose de méritoire ou déméritoire qui vous vaut une récompense ou un châtiment», écrit-il. Amy Diouf réussirait son pari si son «satisfecit total» suffisait à maquiller les comptes déméritoires du héros de son livre. Aujourd’hui encore, on peut se demander pourquoi l’ancienne «directrice adjointe de la filiale sénégalaise d’un grand groupe français» ne se reconnaissait que la dignité d’une intruse. Michaud répond : le mérite (truqué) n’est pas celui du groupe humain dévoué mais celui d’un seul individu au sein du groupe.
Et si le mérite (non truqué bien sûr) était celui du groupe humain dévoué, aucun des ministres épinglés par les journaux et l’opinion pour népotisme ne pourrait se prévaloir du mérite des proches promus au détriment du groupe de méritants. Reste à savoir ce qu’il y a lieu de faire pour être quitte avec tous les membres d’un groupe de prétendants méritoires. Dans l’opposition, Diomaye et Sonko trouvèrent une bonne réponse connue de tous : «l’appel à candidatures». Ils y renoncèrent tous les deux au pouvoir, préférant le mérite truqué et téléphoné dont tout un gouvernement est passé maître. La rupture unilatérale du contrat avec tout le corps social ne fait plus aucun doute.


A.A.DIOP

EDITO : De Senghor à Diomaye, toujours combattue, la Presse reste debout !

Les relations entre les politiques et la presse sénégalaise survivent le temps d’une rose. Courtisée par tous les opposants, elle devient infréquentable par tout politique qui accède au pouvoir. De Senghor, qui plongea la presse dans la clandestinité, à Abdou Diouf, qui permit de se déclarer et de paraître plus souvent, de Abdoulaye Wade, le père de la libération des médias, à Macky Sall, qui vécut l’ère des médias 2.0, aucun régime ne s’est fait l’économie de conduire des journalistes à la case prison. Aujourd’hui, le plus jeune des présidents élus du Sénégal souhaite son asphyxie fiscale.

Que n’a-t-on pas vu et subi, dans les épreuves imposées par l’État et les présidents de cette République ? À quand que le président de la République, son chef de gouvernement et ses ministres publient leurs fiches de paie pour nous faire savoir le montant de leurs impôts, on verrait qui contribue le plus en impôt sur le revenu. Surtout le premier ministre qui avait dénoncé avec vigueur l’impôt prélevé aux députés et resté muet devant le montant inscrit sur son bulletin de salaire.

Alors que ce soit Senghor, Diouf, Wade, Macky ou Diomaye, aucun pouvoir n’a jamais pu remporter un combat contre la presse et, au bout du compte, c’est toujours la presse qui gange. Car les présidents passent, cette presse demeure. Les geôles qui en ont tant accueillis, des journalistes emprisonnés par tous les régimes sont inscrits au tableau des héros de nos luttes contre les pouvoirs. Ils se nomment Mame Less Dia,feu Boubacar Diop, feu Sidy Lamine Niasse, Madiambal Diagne, Pape Alé Niang, Pape Ndiaye…………………………………..

La presse sénégalaise incarne la résilience. Elle a survécu aux attaques, aux tentatives de musellement et aux défis imposés par chaque régime. La relation entre le pouvoir et la presse a connu des tensions majeures sur la liberté d’informer et de dénoncer. Que ce soit pour limiter la couverture médiatique de la crise en Casamance, ou pour voter des lois d’amnistie après l’assassinat d’un haut magistrat, ou encore pour « reporter » des élections qu’elles soient législatives sous Wade et Présidentielle sous Macky, chaque tentative de restreindre la presse a été un échec.

Inspirée par les recommandations du vénéré Serigne Mountakha Mbacké, la presse sénégalaise a appris la résilience. Car, au bout de la résilience se trouve le bonheur absolu dans une liberté méritée. La presse est et restera le phare de la démocratie sénégalaise. Malgré les pressions, elle continue de se tenir debout, fidèle à sa mission d’informer et de dénoncer les abus de pouvoir.

Restons vigilants et soutenons cette presse qui, malgré tout, continue de se tenir debout pour tous, pour la vérité, pour le Sénégal. Les présidents passent, mais la presse demeure. Aujourd’hui plus que jamais, la Presse mérite respect et solidarité.

Pape Diogaye Faye

Éditorial : Les défis du Président Faye et de sa coalition « paella »

L’enthousiasme suite à la victoire écrasante du nouveau Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, est tempéré par les défis de la gestion d’une coalition aux sensibilités diverses, comparée ici à une paella. Cette métaphore culinaire met en lumière la variété des composantes de cette coalition, allant des islamistes aux anciens membres du régime précédent.

La victoire écrasante du Président Faye est principalement attribuée aux Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), bien que certains ralliements aient contribué à renforcer la crédibilité de son projet politique. Cependant, la coalition formée autour de lui est un mélange éclectique où les divergences idéologiques et les intérêts individuels sont évidents.

La question clé qui se pose maintenant est de savoir comment le Président Faye parviendra à maintenir la cohésion au sein de cette coalition hétérogène. Son engagement à ne pas se laisser influencer par les considérations de partage de pouvoir et à s’appuyer largement sur le projet de PASTEF est un signal fort. Cependant, le choix des membres de son gouvernement sera crucial pour déterminer ses orientations politiques réelles.

Malgré les défis, les premiers pas du Président Faye et son discours inaugural sont perçus comme encourageants. Sa volonté de renforcer l’intégration régionale tout en restant conscient de la nécessité de réformer et de moderniser certaines politiques nationales démontre une vision progressiste et avant-gardiste pour le Sénégal.

En résumé, la tâche qui attend le Président Faye et sa coalition « paella » est complexe, mais l’espoir réside dans leur capacité à naviguer habilement à travers les diverses sensibilités et à travailler ensemble pour le bien-être et le progrès du Sénégal.

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