Justice : Mansour Faye placé sous mandat de dépôt dans une affaire de surfacturation

Dakar, 25 mai 2025 – L’ancien ministre et ex-maire de Saint-Louis, Amadou Mansour Faye, a été placé sous mandat de dépôt ce matin, à l’issue de sa comparution devant la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice. Cette décision fait suite à une enquête portant sur une affaire de surfacturation estimée à environ trois milliards de FCFA dans le cadre d’un marché public de riz, destiné à l’aide alimentaire d’urgence pendant la pandémie de Covid-19.

Le dossier, ouvert il y a plusieurs mois, met en cause l’ancien responsable pour des irrégularités financières jugées graves par les enquêteurs. Il est reproché à Mansour Faye d’avoir dirigé une opération d’achat de riz à des prix anormalement élevés, suscitant des soupçons de détournement et de favoritisme dans l’attribution des marchés.

Cette mise sous mandat de dépôt marque une étape importante dans les poursuites engagées contre d’anciens membres du régime de Macky Sall. Elle survient dans un contexte où les nouvelles autorités, dirigées par le président Bassirou Diomaye Faye, affirment leur volonté de faire de la reddition des comptes un pilier central de leur gouvernance.

L’affaire suscite d’autant plus d’attention qu’Amadou Mansour Faye est également le beau-frère de l’ancien président Macky Sall, ce qui confère à cette procédure une dimension politique non négligeable. Si certains y voient une instrumentalisation de la justice, d’autres saluent une volonté assumée de rompre avec une culture d’impunité.

L’ouverture de cette procédure devant la Haute Cour de Justice, juridiction compétente pour juger les anciens ministres, confirme le durcissement des mécanismes de contrôle de la gestion publique. Le signal envoyé est clair : aucun dignitaire, aussi proche soit-il du pouvoir passé, ne sera à l’abri d’éventuelles poursuites en cas de faute présumée.

Gestion des finances publiques (2019-2024) : 63 comptes bancaires opaques dans le viseur de la DIC

Le scandale prend de l’ampleur. Soixante-trois (63) comptes bancaires hors budget, ouverts sans autorisation légale dans diverses banques sénégalaises entre 2019 et 2024, sont désormais dans le collimateur de la Division des investigations criminelles (DIC).

L’affaire a été déclenchée à la suite d’un référé de la Cour des comptes, signé par son premier président Mamadou Faye et adressé au Garde des sceaux, Ousmane Diagne, ministre de la Justice. Ce dernier a immédiatement transmis le dossier au Parquet général, qui l’a confié au Parquet financier. Ce dernier a autorisé la DIC à ouvrir une enquête approfondie.

L’enquête, désormais en cours, cible 63 comptes ouverts en dehors des circuits budgétaires officiels, souvent sans traçabilité claire, et logés dans plus de 15 établissements bancaires. Selon les premiers éléments révélés par L’Observateur, ces comptes sont liés à des opérations budgétaires floues, à des appuis Covid, à des rachats de créances ou encore à des initiatives de relance économique.

Banque Atlantique du Sénégal (BASN) : 6 comptes, dont un intitulé « rachat créances Sofico ». BGFI Bank : 8 comptes ouverts par l’entité Epas/État du Sénégal. Banque Islamique du Sénégal (BIS) : 4 comptes, avec des libellés évocateurs comme « relance de l’économie » ou « reprofilage ». NSIA, Ecobank, Société Générale Sénégal (SGS), BOA, BDK, BICIS, Bridge Bank, BRM, BSIC, CBÁO, Crédit du Sénégal (CDS), Coris Bank, FBNBank, UBA, La Banque Outarde (LBO) : tous hébergent un ou plusieurs de ces comptes suspects.

La DIC a commencé les auditions. Aminata Faye Seck, directrice générale de la Banque islamique du Sénégal, a été la première convoquée. Elle a dû s’expliquer sur les flux financiers jugés « opaques » transitant par les comptes de sa banque. Les autres directeurs généraux, responsables financiers et cadres supérieurs des banques concernées seront prochainement entendus.

Le rapport de la Cour des comptes évoque une gestion parallèle de fonds publics, potentiellement en marge de toute traçabilité budgétaire. Cette affaire pourrait déboucher sur des poursuites pénales, si des faits de détournement, de malversation ou de gestion frauduleuse sont avérés.

Alors que les scandales liés à la gestion des fonds Covid-19 sont encore frais dans les mémoires, cette nouvelle affaire renforce les interrogations sur la transparence dans l’administration des finances publiques.

Fonds Covid-19 : l’Unacois Jappo alerte sur les dérives dans la gestion du dossier

L’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois Jappo) tiendra une conférence de presse ce jeudi à 16 heures, dans un contexte tendu marqué par les retombées judiciaires de la gestion des fonds force Covid-19. L’organisation entend livrer sa lecture sur les irrégularités révélées dans l’utilisation de ces fonds, mais aussi tirer la sonnette d’alarme sur la situation économique nationale, qu’elle juge préoccupante.

Cette sortie intervient au moment où l’enquête judiciaire s’accélère avec plusieurs interpellations dans le cadre de l’importation de riz financée par lesdits fonds, dont celles de Rayan Hachem et Moustapha Ndiaye. Selon l’Unacois Jappo, le traitement de cette affaire souffre d’un manque d’équité, et pourrait engendrer de graves répercussions sur le secteur privé.

Dans un communiqué préliminaire, l’organisation avertit contre les « dégâts collatéraux » susceptibles de compromettre la stabilité des circuits de distribution, menaçant d’affecter les commerçants, les opérateurs économiques, mais aussi les consommateurs. L’Unacois met en garde contre un climat de suspicion généralisée qui pourrait dissuader les investissements et freiner la relance économique post-Covid.

Tout en réaffirmant son attachement à la transparence, l’organisation commerciale réclame une gestion responsable et équilibrée de cette crise. Elle souhaite à travers cette conférence clarifier sa position, rectifier certains faits et préserver la confiance dans l’économie nationale.

Fonds de soutien aux artistes : Léonce Nzally se dédouane et charge la hiérarchie

Auditionné par la DIC, l’ancien Dage du ministère de la Culture rejette toute responsabilité sur l’absence de justificatifs pour plus d’un milliard de francs CFA.

L’affaire des fonds non justifiés au ministère de la Culture continue de faire des vagues. Devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC), Léonce Nzally, ancien Directeur de l’administration générale et de l’équipement (Dage), a tenté de se laver de tout soupçon concernant la non-production de justificatifs pour une enveloppe de 1,120 milliard de francs CFA, dont 530 millions destinés, selon lui, aux « ténors de la musique sénégalaise ».

D’après les informations relayées par le journal Libération, Léonce Nzally soutient que la Cour des comptes s’est trompée sur certains éléments. Il affirme que l’argent a été réparti entre plusieurs bénéficiaires : la Sodav (1 milliard), le Réseau national des communicateurs traditionnels (50 millions), le sous-secteur Mode et Stylisme (50 millions), et le Patrimoine historique (20 millions).

Toujours selon ses déclarations, la Sodav aurait reversé 470 millions de F CFA aux ayants droit, et remis au ministère les pièces justificatives ainsi qu’un chèque de 530 millions, représentant la somme non utilisée.

Mais c’est sur cette dernière somme que l’affaire se corse. Léonce Nzally explique que le ministre de la Culture d’alors, Abdoulaye Diop, aurait informé le président Macky Sall de la situation par courrier, précisant qu’un reliquat de 530 millions n’avait pas été distribué. Ce dernier aurait ensuite répondu par l’envoi d’une liste de « ténors » de la musique sénégalaise à qui redistribuer l’argent, chaque nom étant associé à un montant spécifique.

L’ancien Dage affirme n’avoir joué aucun rôle dans cette opération. Il dit n’avoir reçu ni la liste complète ni les pièces justificatives. Toutefois, il déclare avoir pu retracer 308 millions de francs CFA répartis entre 18 artistes et la Mutuelle de santé des artistes.

Face à la disparité de 222 millions, il a indiqué que la liste dont il dispose n’est pas exhaustive et a invité les enquêteurs à se rapprocher de la Direction des arts pour obtenir des informations complètes.

L’affaire met en lumière une gestion pour le moins floue des fonds publics censés soutenir la culture. Si les investigations se poursuivent, cette audition soulève une question centrale : qui sont les véritables bénéficiaires des fonds, et où sont passées les pièces justificatives manquantes ?

Une affaire à suivre, au croisement de la culture, de la politique et de la reddition des comptes.

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