Les horreurs du trafic d’êtres humains en Libye refont surface avec la découverte, dimanche 9 février, d’une fosse commune contenant 28 corps de migrants originaires d’Afrique subsaharienne dans la région de Koufra, au sud-est du pays. Cette macabre trouvaille a été annoncée par le bureau du procureur général libyen, qui a également révélé l’arrestation de trois individus, dont deux étrangers, soupçonnés d’être impliqués dans ce réseau criminel.
C’est une opération des Forces de sécurité qui a conduit à la découverte de ces corps, enterrés non loin d’un centre de détention illégal tenu par un réseau de trafiquants. Selon les premières investigations, ce groupe criminel torturait et soumettait les migrants à des traitements inhumains et dégradants. Lors du raid, 76 migrants subsahariens ont été retrouvés séquestrés dans des conditions insoutenables.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux témoignent des sévices infligés à ces migrants : plusieurs d’entre eux portent des cicatrices profondes sur le visage et le corps. Ces actes de torture sont une pratique courante dans ces centres clandestins, comme l’a expliqué Jalel Harchaoui, chercheur spécialisé sur la Libye.
D’après Jalel Harchaoui, ces tortures servent à faire pression sur les familles des migrants, restées dans leur pays d’origine. Les trafiquants leur imposent de verser de l’argent en échange de la libération de leurs proches. Lorsque les familles refusent ou tardent à envoyer la somme exigée, les migrants sont soumis à des violences extrêmes.
« On oblige les migrants à contacter leurs familles et on exige de l’argent. Si la famille n’obtempère pas, ils sont torturés. Mais si on les torture sans jamais aller plus loin, cette méthode perd de sa crédibilité. Alors, pour maintenir un climat de peur et d’intimidation, certains sont exécutés. »
En plus de ces actes de barbarie, une autre hypothèse pourrait expliquer la mort de ces migrants : un manque de coordination ou une négligence des geôliers due aux tensions internes au sein des forces de l’Est libyen. Le camp de Khalifa Haftar, qui contrôle cette région, est divisé entre différentes brigades rivales, et certains conflits internes peuvent mener à l’oubli de prisonniers laissés à l’abandon.
« Ces centres de détention sont parfois sous le contrôle de groupes en compétition avec les principales brigades de Haftar. Des affrontements éclatent, et dans le chaos, il arrive que des entrepôts de migrants soient laissés à l’abandon, menant à leur mort par famine ou par asphyxie. »
Ce drame n’est malheureusement pas un cas isolé. Fin janvier, le bureau du procureur général de Tripoli avait déjà ordonné l’arrestation de deux membres d’un gang criminel accusés de torture sur plus de 263 migrants africains en situation irrégulière.
La Libye reste l’un des principaux hubs du trafic d’êtres humains, où des milliers de migrants tentent chaque année de rejoindre l’Europe en passant par la Méditerranée. Mais avant de pouvoir embarquer sur ces dangereuses embarcations de fortune, beaucoup sont capturés, emprisonnés, torturés et rançonnés par des réseaux criminels qui prospèrent dans ce climat d’anarchie.