Saint-Louis : des pêcheurs artisanaux dénoncent l’arraisonnement de douze pirogues en pleine campagne du projet gazier GTA

Les tensions montent à Saint-Louis, où les pêcheurs artisanaux de la Langue de Barbarie dénoncent une série d’incidents maritimes survenus dans le cadre de l’exécution du projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA). Dans un communiqué rendu public ce mercredi 16 avril 2025, l’Association des pêcheurs artisanaux de la ligne de Saint-Louis alerte les autorités sur ce qu’elle qualifie de « situation préoccupante », évoquant une menace grave sur la paix sociale et les moyens de subsistance de centaines de familles vivant de la pêche.

Selon les responsables de l’association, les faits remontent au 5 avril dernier. Ce jour-là, douze pirogues appartenant à des pêcheurs originaires de Guet Ndar et de Santiaba ont été arraisonnées en mer par des agents de sécurité opérant autour du périmètre du projet gazier. Ce que les pêcheurs dénoncent avec vigueur, c’est que les embarcations se trouvaient, selon eux, à près de deux kilomètres en dehors de la zone d’exclusion maritime définie et balisée autour du site GTA. Ils estiment que ces arraisonnements sont non seulement injustifiés, mais ont également été accompagnés d’actes de sabotage. Filets endommagés, cordages coupés, matériel inutilisable : les dégâts sont importants, et à ce jour, aucune explication officielle ne leur a été fournie.

Dans leur lettre adressée au gouverneur de la région de Saint-Louis, les pêcheurs affirment avoir tenté, sans succès, d’obtenir des réponses de l’Inspecteur régional des pêches, de la Direction de la surveillance des pêches (DPS) et du Conseil local de pêche artisanale (CLPA). Ce silence institutionnel ne fait, selon eux, qu’aggraver le sentiment d’injustice ressenti par les communautés touchées, déjà éprouvées par la réduction progressive de leurs zones d’activité depuis le début des travaux du projet gazier.

La colère est d’autant plus vive que ces incidents surviennent à un moment particulièrement crucial de l’année. Les mois d’avril, mai et juin constituent une période appelée localement « Thiorone », pendant laquelle la pêche devient intense dans la zone de DJATARA, un espace maritime riche en ressources halieutiques. Pour les pêcheurs artisanaux, c’est une phase décisive, car elle leur permet de sécuriser l’essentiel de leurs revenus annuels et de garantir la sécurité alimentaire de leurs familles. La perte de matériel en pleine saison pourrait ainsi avoir des conséquences dramatiques sur leur survie économique.

Dans leur communiqué, l’Association des pêcheurs artisanaux exprime une vive inquiétude face à l’absence de mesures de prévention et de concertation. Elle appelle les autorités à ne pas sous-estimer les risques d’explosion sociale dans une zone déjà sensible, où les frustrations liées à l’accès à la mer se multiplient. Les pêcheurs redoutent que, sans intervention rapide, la situation ne dégénère en affrontements ouverts, voire en blocages des opérations du projet GTA.

Face à cette crise naissante, ils demandent l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante sur les événements du 5 avril, afin d’établir les responsabilités et d’apporter des réparations aux pêcheurs lésés. Ils exigent également la mise en place d’un dispositif d’alerte rapide impliquant les forces de sécurité maritime, les autorités locales et les représentants des pêcheurs, pour prévenir de nouveaux incidents. Enfin, ils appellent à la convocation urgente du Comité Régional de Concertation sur le projet GTA, afin d’examiner ces faits à la lumière de la tension actuelle et de proposer des mesures correctives avant l’intensification des activités en mer.

Alors que le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim est présenté comme un symbole du décollage économique du Sénégal, les communautés côtières de Saint-Louis réclament aujourd’hui un traitement équitable et une reconnaissance de leurs droits historiques sur la mer. Si leurs doléances ne sont pas entendues, elles avertissent que le prix à payer pourrait être lourd, non seulement pour leur survie, mais aussi pour la stabilité sociale de toute la région nord.

Champ Gazier GTA : Contestations et sombres prédictions sur le projet Sénégalo-Mauritanien

Des révélations récentes du ministre mauritanien du Pétrole, des Mines et des Énergies, Nani Ould Chrougha, lors de sa visite au Sénégal, ont semé le doute sur le calendrier de production de gaz du champ GTA (Grand Tortue Ahmeyin). Alors que le ministre a repoussé la production à 2024, Pr Momar Samb, enseignant à l’École nationale supérieure des mines et de la géologie de l’UCAD, exprime des réserves sérieuses sur cette annonce.

Dans une interview accordée à L’Observateur, Pr Samb affirme que la production de gaz ne débutera pas en 2024 comme annoncé par le ministre mauritanien. Il souligne que l’audit des coûts du projet s’annonce comme une tâche chronophage, remettant en question la possibilité de démarrer l’exploitation du champ GTA dès cette année. «Un audit des coûts pétroliers ne se fait pas en un, deux, trois ou quatre mois. Donc ce n’est pas possible de démarrer l’exploitation de GTA en 2024», déclare-t-il de manière catégorique.

L’expert en géologie souligne également que des obstacles logistiques se dressent devant le projet. Le Floating liquefied natural gas (FLNG), unité flottante de gaz naturel liquéfié, n’est pas encore arrivé, et le Floating Production Storage and Offloading (FPSO), unité flottante de production, de stockage et de déchargement, est en cours de réparation en Espagne.

Pr Samb pointe également du doigt les défis économiques actuels, soulignant la chute des prix du gaz en Europe et aux États-Unis. Il interroge sur les perspectives de vente du gaz dans un contexte de récession économique mondiale. «Les prix du gaz s’effondrent en Europe et aux États-Unis. La Chine est en crise, les stocks sont pleins, c’est la récession économique dans le monde. Alors, où est-ce qu’on va vendre notre gaz ?» questionne-t-il, mettant en évidence la complexité du contexte mondial actuel.

Le professeur estime que le Sénégal a commis des erreurs stratégiques dans son exploitation des ressources d’hydrocarbures. Il conteste l’idée selon laquelle GTA est un projet aux réserves de dimension mondiale, soulignant des incohérences dans la gestion du développement simultané de deux projets d’une telle envergure, à savoir Sangomar et GTA avec la Mauritanie. L’analyse de Pr Samb soulève des préoccupations quant à la réalisation effective et opportune du projet, appelant à une réévaluation approfondie de la stratégie énergétique du pays.

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