L’organisation de défense des droits humains, Human Rights Watch (HRW), a émis de vives inquiétudes concernant le projet de loi d’amnistie actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale du Sénégal. Selon HRW, ce projet de loi « ouvre la voie à l’impunité pour des crimes graves » et risque de garantir une immunité aux agents publics responsables de violations des droits humains.
Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch, a exprimé son opposition à toute amnistie qui accorderait l’impunité aux fonctionnaires gouvernementaux et aux membres des forces de sécurité pour des violations graves des droits humains. Elle a souligné que cela serait incompatible avec les obligations nationales et internationales du Sénégal, faisant référence à des traités internationaux tels que la Convention contre la torture et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Le projet de loi, présenté par le président sortant Macky Sall, vise à promouvoir la réconciliation nationale dans le contexte de la crise politique résultant du report de l’élection présidentielle. Il couvrira tous les actes criminels ou délictueux commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, en lien avec des manifestations ou ayant des motivations politiques, au Sénégal et à l’étranger.
HRW a souligné que cette amnistie serait en contradiction avec les principes fondamentaux de l’Union africaine et de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples. Allegrozzi a déclaré que « tenter de parvenir à une réconciliation générale ne devrait pas être un moyen de se soustraire à l’obligation de rendre des comptes. »
L’organisation a précédemment documenté le recours excessif à la force par les forces de sécurité sénégalaises lors de manifestations, avec des tirs à balles réelles et l’utilisation inappropriée de gaz lacrymogènes. Au moins 40 personnes ont été tuées lors de ces affrontements depuis mars 2021, sans qu’aucune responsabilité ne soit établie. HRW a également signalé des arrestations massives, des conditions de détention précaires et des violations du droit à un procès équitable pour les personnes détenues en lien avec les manifestations de l’opposition depuis 2021.
La ministre de la Justice Aïssata Tall Sall a annoncé la libération de certains détenus, mais les inquiétudes persistent quant à l’absence de responsabilité pour les violations des droits humains et au risque d’impunité inhérent au projet de loi d’amnistie actuel.