Débat sur l’interprétation de la loi d’amnistie : L’Assemblée nationale en session cruciale

L’Assemblée nationale du Sénégal se réunit ce mercredi 2 avril 2025 pour examiner la proposition de loi n°05/2025, portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024. Cette session plénière, convoquée par le président de l’Assemblée, El Malick Ndiaye, pourrait avoir un impact significatif sur l’application de la loi d’amnistie et les poursuites judiciaires liées aux événements politiques récents.

Le texte soumis au débat a été initié par le député Amadou Bâ (Pastef/Les Patriotes), qui souhaite préciser la portée de la loi adoptée en mars 2024. Il affirme que son initiative vise à amnistier de plein droit tous les faits susceptibles d’être qualifiés d’infractions criminelles ou correctionnelles, à condition qu’ils soient exclusivement motivés par des considérations politiques.

Cette proposition couvre notamment les actes commis entre le 1ᵉʳ février 2021 et le 25 février 2024, qu’ils aient été perpétrés au Sénégal ou à l’étranger. L’un des points sensibles du texte concerne les manifestations publiques. Elles ne seraient couvertes par l’amnistie que si elles sont explicitement reconnues comme ayant une motivation politique. Cette disposition pourrait relancer les débats sur les événements qui ont secoué le pays ces dernières années et sur le sort des détenus politiques.

Le député Amadou Bâ a procédé à d’importantes modifications de son texte initial. À l’origine, il présentait simplement une nouvelle « loi d’amnistie ». Mais dans sa version amendée, il précise qu’il s’agit désormais d’une proposition de loi portant interprétation de la loi n°2024-09. Cette distinction est essentielle, car elle limite le champ d’application du nouveau texte à l’interprétation des articles 1 et 3 de la loi initiale.

Cet amendement vise à lever toute ambiguïté juridique qui pourrait exister sur l’application de la loi d’amnistie de mars 2024, notamment en ce qui concerne la nature des actes couverts et les personnes éligibles à cette mesure.

Cette séance plénière se tient dans un climat politique chargé, où l’interprétation de la loi d’amnistie pourrait avoir des conséquences majeures sur plusieurs dossiers judiciaires en cours. Certains analystes estiment que la clarification apportée par cette proposition de loi pourrait permettre la libération de plusieurs détenus politiques, tandis que d’autres craignent qu’elle ne crée un précédent en matière de justice et d’immunité pour les acteurs politiques.

Les débats s’annoncent houleux à l’Assemblée nationale, tant les enjeux sont cruciaux pour l’avenir politique et judiciaire du Sénégal. L’opposition, la majorité et la société civile suivront de près l’issue de cette session, qui pourrait redessiner le paysage juridique des affaires politiques de ces dernières années.

Interprétation de la loi d’amnistie : La société civile exige des concertations avant le vote

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner une proposition de loi interprétative de la loi d’amnistie, vingt organisations de la société civile sénégalaise montent au créneau pour réclamer des concertations inclusives. Elles estiment que cette loi ne doit pas devenir un instrument de blanchiment juridique au détriment des droits des victimes et de la lutte contre l’impunité.

Adoptée le 13 mars 2024 sous la présidence de Macky Sall, la loi d’amnistie vise à effacer les faits criminels ou correctionnels liés aux événements politiques ayant secoué le Sénégal entre le 1ᵉʳ février 2021 et le 25 février 2024. Aujourd’hui, une proposition de loi déposée par le député Amadou Ba, membre du parti au pouvoir, entend préciser certaines dispositions du texte initial. Cependant, cette initiative suscite de vives inquiétudes chez de nombreuses organisations de défense des droits humains.

Dans un communiqué commun, des structures telles que le COSCE, Y en a marre, AfrikaJom Center, la Ligue Sénégalaise des Droits Humains, l’ONG 3D et la RADDHO dénoncent une démarche précipitée et appellent à une concertation plus large. « L’amnistie ne doit pas être un moyen d’enterrer la vérité et d’absoudre certains responsables sans que justice ne soit rendue aux victimes », préviennent-elles.

Ces organisations soulignent la nécessité de garantir une justice équitable et formulent plusieurs exigences. Elles réclament la recherche de la vérité sur les événements survenus entre 2021 et 2023, la lutte contre l’impunité, l’indemnisation des victimes et l’adoption de réformes structurelles pour prévenir la répétition de telles crises. De plus, elles demandent la suspension de l’examen de la proposition de loi afin de permettre un débat national inclusif sur ses implications.

Les signataires interpellent le gouvernement, les parlementaires et l’ensemble des acteurs politiques pour qu’un dialogue transparent et accessible soit organisé. « Cette loi concerne toute la nation et ne peut être adoptée sans une réelle consultation des citoyens et des parties prenantes », insistent-ils.

À l’approche du vote, la pression monte sur les autorités. Si leurs revendications ne sont pas prises en compte, ces organisations pourraient accentuer leur mobilisation pour éviter ce qu’elles considèrent comme une manipulation législative risquant de compromettre la réconciliation nationale.

Interprétation de la loi d’amnistie : le Pastef justifie sa démarche

En conférence de presse ce jeudi, le groupe parlementaire Pastef, conduit par son président Ayib Daffé et le vice-président Amadou Ba, a défendu la proposition d’interprétation de la loi d’amnistie. Un sujet qui suscite d’intenses débats depuis son introduction dans l’agenda parlementaire.

Alors que l’opposition critique une démarche jugée inopportune et potentiellement dangereuse, les députés du parti au pouvoir estiment nécessaire d’apporter des clarifications juridiques à cette loi pour assurer une application conforme aux normes internationales. Amadou Ba a insisté sur l’importance de cette initiative, affirmant que « cette interprétation vise à lever toute ambiguïté et à garantir une justice équitable pour tous ».

Selon Amadou Ba, la proposition d’interprétation de la loi d’amnistie ne vise pas à modifier son essence mais à en préciser la portée, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires et les actes couverts. « L’objectif est de s’assurer que cette loi ne laisse place à aucune injustice et qu’elle ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques », a-t-il déclaré.

Toutefois, l’opposition considère cette initiative comme une tentative du pouvoir de redéfinir à son avantage les effets de la loi d’amnistie. Des figures politiques et des observateurs juridiques alertent sur le risque de manipulation de la justice pour écarter certains adversaires ou, au contraire, protéger des alliés.

Amadou Ba a par ailleurs souligné que l’interprétation de la loi vise à l’aligner avec les principes du droit international, en particulier ceux relatifs aux droits de l’homme et à la justice transitionnelle. « Nous devons nous assurer que l’application de cette loi respecte les engagements internationaux du Sénégal », a-t-il ajouté.

Si le Pastef plaide pour une clarification juridique, les opposants au projet y voient une tentative de consolidation du pouvoir et une entrave à une amnistie jugée déjà suffisante dans son cadre initial. L’Assemblée nationale devra débattre dans les prochains jours de cette proposition, qui pourrait avoir des conséquences majeures sur la scène politique sénégalaise.

Abdoul Mbaye sur l’interprétation de la loi d’amnistie : « Quand on est contre une loi, on l’abroge dès que possible… »

Dans le cadre de la polémique en cours sur l’abrogation totale ou partielle de la loi d’amnistie de 2024, Abdoul Mbaye, leader de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT), a exprimé son point de vue avec fermeté. Selon l’ancien Premier ministre, la position du gouvernement devrait être claire : « Quand on est contre une loi, on l’abroge dès que possible. »

Mbaye a souligné que maintenir la loi d’amnistie en facilitant son interprétation revient à en accepter le principe, ce qui semble contradictoire si l’intention est véritablement de la remettre en question. « Maintenir la loi en facilitant son interprétation signifie que l’on y tient », a-t-il expliqué, insistant sur le fait que l’interprétation de la loi ne doit pas se substituer à son abrogation si le gouvernement souhaite réellement s’en dissocier.

Le leader de l’ACT a également conseillé au régime actuel de prendre les mesures nécessaires pour clarifier la situation, en votant une nouvelle loi d’amnistie qui serait plus conforme à ses objectifs. « Abrogez la loi d’amnistie de 2024 et votez-en une autre conforme à vos objectifs. Ne pas oublier de se faire conseiller par les institutions compétentes », a ajouté Abdoul Mbaye sur sa page Facebook, suggérant ainsi que l’exécutif devrait agir avec prudence et dans le respect des procédures légales.

Cette déclaration intervient dans un contexte de vives discussions politiques concernant les implications de la loi d’amnistie de 2024 et ses conséquences sur la situation politique actuelle. La position d’Abdoul Mbaye reflète un appel à la transparence et à l’action claire du gouvernement face à cette question juridique complexe.

Interprétation de la loi d’amnistie : Badara Gadiaga dénonce une “injustice” et un “aveu de culpabilité”

La proposition de loi n°2024-09 du 13 mars 2024, visant à interpréter la portée de la loi d’amnistie, suscite un vif débat au sein de l’espace politique et médiatique sénégalais. Portée par le député de Pastef, Amadou Bâ, cette initiative vise à clarifier les infractions bénéficiant de l’amnistie en précisant que seuls les faits “exclusivement motivés par des raisons politiques” seraient concernés, notamment ceux liés aux manifestations et aux actes de communication.

Toutefois, cette interprétation suscite des critiques acerbes, notamment de la part du chroniqueur Badara Gadiaga, qui dénonce une volonté de “légaliser l’injustice” et de protéger certains acteurs au détriment d’autres.

Invité sur le plateau de Jakaarlo Bi ce vendredi, Badara Gadiaga n’a pas mâché ses mots. Selon lui, cette loi pose un grave problème d’équité et pourrait renforcer un sentiment d’impunité :

« J’ai toujours décrié cette loi qui ne fait qu’encourager l’injustice. Je ne peux comprendre que des gens soient fautifs, causent beaucoup de dégâts et portent préjudice à des familles, et que la justice ne puisse pas être rendue. C’est totalement injuste. »

Pour le chroniqueur, l’exposé des motifs de la proposition de loi trahit une volonté de protéger un groupe spécifique de personnes tout en écartant d’autres :

« C’est extrêmement grave de dire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi : ‘des faits ayant exclusivement des motivations politiques’. Cela ressemble plutôt à un aveu de culpabilité. »

En d’autres termes, il estime que cette interprétation pourrait être utilisée pour exonérer certains individus tout en maintenant d’autres sous le coup de poursuites judiciaires.

Badara Gadiaga est allé plus loin dans son analyse en mettant en cause le rôle joué par Ousmane Sonko dans les événements ayant conduit à l’amnistie. Pour lui, l’actuel Premier ministre ne peut pas se dédouaner de sa responsabilité politique dans la situation actuelle.

« Ousmane Sonko est le premier qui doit répondre de cette situation à travers ses discours politiques. »

Le chroniqueur estime qu’au lieu de chercher à interpréter la loi pour protéger certains acteurs, il serait plus juste d’abroger purement et simplement la loi d’amnistie afin de permettre à la justice de faire son travail.

Depuis son adoption, la loi d’amnistie a toujours divisé l’opinion publique. Certains y voient un moyen d’apaiser les tensions politiques et de favoriser la réconciliation nationale, tandis que d’autres dénoncent une tentative d’effacement de faits graves, notamment les violences ayant marqué les manifestations de 2021 à 2024.

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