Les jihadistes du Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda, ont mené une attaque d’envergure, mardi après-midi 12 décembre, à Farabougou, région de Ségou, dans le centre du Mali. Au moins une quarantaine de soldats maliens et de chasseurs traditionnels dozos auraient été tués dans ce village devenu symbole à la fois des souffrances de la population malienne et des efforts des autorités de transition pour tenter de restaurer la sécurité.
Ils sont arrivés en nombre entre 14 et 15 heures locales, et ont quitté les lieux vers 17 heures.
Entre-temps, les jihadistes de la Katiba Macina du Jnim ont décimé le détachement de l’armée positionné dans le village.
Les jihadistes ont principalement ciblé les soldats maliens et les villageois accusés de collaborer avec eux, notamment les chasseurs traditionnels dozos, qui servent dans la zone de supplétifs aux militaires. Plusieurs sources sécuritaires et civiles locales avancent un bilan de près de cinquante soldats et chasseurs tués (plus d’une vingtaine de soldats, plus d’une vingtaine de chasseurs) et une quinzaine de blessés, mais tous s’accordent à dire qu’il est encore trop tôt : plusieurs dizaines de soldats et de villageois sont toujours portés disparus. On ignore combien ont été tués ou pris en otage, et combien se cachent toujours en brousse.
Camp militaire saccagé et dépouillé
La plupart des habitants ont pu fuir et hier soir, les renforts de l’armée venus de Sokolo ont pénétré dans un village désert. Les jihadistes avaient saccagé le camp militaire, emporté quantité de matériel et détruit ce qu’ils ne pouvaient pas prendre avec eux.
Une source sécuritaire malienne parle de « carnage », pointe l’impossibilité dans ce secteur d’utiliser les vecteurs aériens -en raison vraisemblablement de la topographie de la zone ou encore de la proximité physique immédiate des différents acteurs- et dénonce la présence dans le village d’éléments infiltrés du Jnim.
L’armée n’a pas communiqué sur cette attaque et, sollicitée par RFI, n’a pas donné suite.
Assimi Goïta s’était rendu personnellement à Farabougou
Le coup est rude, humainement, mais aussi symboliquement.
En octobre 2020, Farabougou est l’un des premiers villages du Mali à avoir été soumis à un intense blocus par les jihadistes du Jnim : assassinats, enlèvements, interdiction de mouvements : le village était alors devenu le symbole des souffrances des populations maliennes. Le colonel Assimi Goïta, qui était à l’époque vice-président de transition, s’était personnellement rendu à Farabougou, en hélicoptère, pour témoigner du soutien des autorités de transition (le colonel Assimi Goïta n’est officiellement devenu président de transition qu’en juin 2021, après un second coup d’État).
Un an plus tard, en mars 2021, un accord de paix local inédit avait été conclu directement avec le Jnim, ce qui avait permis aux habitants de retourner cultiver leurs champs et d’approvisionner le village.
Présence permanente de l’armée
Mais l’accord n’avait tenu que quelques mois et en février 2022, l’armée s’était finalement déployée à Farabougou où elle maintenait depuis une présence permanente pour sécuriser les habitants. Dans un contexte difficile, « intenable » même selon une source sécuritaire malienne : les jihadistes du Jnim sont très présents et actifs dans le cercle de Niono où se trouve Farabougou, et mènent régulièrement des attaques meurtrières -avec la pose de mines artisanales notamment- contre l’armée et ses supplétifs de Wagner.
Lesquels répondent tout aussi régulièrement, avec des opérations au cours desquelles de nombreuses victimes civiles ont été rapportées et plusieurs charniers découverts. Le dernier exemple remonte à fin novembre, il y a trois semaines : au moins une quarantaine de villageois avaient été exécutés dans des campements et hameaux de la commune de Nampala. Face à la dégradation du contexte sécuritaire et aux risques pour les populations civiles, l’ONG Médecins sans frontières a récemment décidé de retirer ses équipes.
Le calvaire des habitants de Farabougou, et plus globalement de tous les habitants de la zone, vient donc de connaître un nouvel épisode. Les habitants savent que ce ne sera pas le dernier.
RFI