Assemblée nationale : la loi interprétative de l’amnistie adoptée avec 126 voix pour

Après un débat marathon de plus de dix heures, l’Assemblée nationale a adopté ce mercredi 2 avril 2025 la proposition de loi n°05/2025, portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024. Le texte a été validé par 126 voix pour, 20 contre et aucune abstention.

Cette adoption marque une étape clé dans le processus législatif engagé par le député Amadou Ba (Pastef), auteur du projet. Soutenue par la majorité parlementaire, la loi vise à préciser le champ d’application de l’amnistie pour les faits à caractère politique survenus entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024.

Face aux députés, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, et son collègue du Travail et des Relations avec les Institutions, Abass Fall, ont défendu le texte avec vigueur. « Cette loi clarifie et renforce la portée de l’amnistie, tout en respectant l’esprit de réconciliation nationale », a déclaré le garde des Sceaux.

Mais l’opposition n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude. Plusieurs parlementaires ont dénoncé une interprétation biaisée, qui pourrait favoriser certains acteurs politiques au détriment d’autres. « Cette loi risque d’ouvrir la voie à une justice sélective », a martelé un député de la coalition Wallu Sénégal.

Cependant, la majorité parlementaire a balayé ces critiques, estimant qu’aucun argument solide n’a été avancé pour remettre en cause l’adoption du texte.

Malgré son adoption, la loi interprétative de l’amnistie continue de diviser. Des voix s’élèvent déjà dans la société civile et chez certains juristes pour dénoncer une lecture partiale de la loi initiale. L’ancien magistrat Ibrahima Hamidou Deme a, par exemple, dénoncé une politique des deux poids, deux mesures qui profiterait principalement aux proches du parti Pastef.

Avec ce vote, le gouvernement espère refermer un chapitre judiciaire et politique sensible. Mais au vu des contestations persistantes, l’application de cette loi pourrait bien raviver les tensions entre les différents camps politiques.

Loi interprétative de l’amnistie : le juge Deme dénonce une « politique des deux poids, deux mesures »

À quelques heures du débat à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi interprétative de l’amnistie, l’ancien magistrat et homme politique Ibrahima Hamidou Deme a pris la parole pour exprimer son inquiétude. Dans une publication sur Facebook, il critique vivement le texte proposé par le député Amadou Ba (Pastef), qu’il perçoit comme une tentative d’accorder une impunité sélective à certains acteurs politiques.

Dans son message, le juge Deme met en doute la sincérité des députés et leur engagement en faveur d’une justice équitable. « Quel député de bonne foi pourra nier demain, lors de l’examen de la loi Amadou Ba par l’Assemblée nationale, que l’on n’est pas sorti du cercle vicieux de la politique des deux poids, deux mesures ? », écrit-il.

L’ancien magistrat estime que cette loi favoriserait uniquement les partisans de Pastef, en leur évitant d’éventuelles poursuites judiciaires. Il y voit un prolongement des pratiques qu’il dénonçait sous l’ancien régime, où les décisions de justice étaient souvent perçues comme orientées par des considérations politiques.

Ibrahima Hamidou Deme va plus loin en soulignant une coïncidence troublante entre l’examen de cette loi et la date anniversaire de l’investiture du président Bassirou Diomaye Faye. Il y voit un décalage entre les promesses de rupture faites par le nouveau pouvoir et les réalités politiques actuelles.

Cette prise de position illustre la polarisation du débat autour de cette loi d’amnistie interprétative. D’un côté, ses promoteurs assurent qu’elle vise à clarifier l’application de l’amnistie et à tourner la page des violences politiques. De l’autre, des voix comme celle du juge Deme dénoncent une instrumentalisation de la justice à des fins partisanes.

Le débat à l’Assemblée nationale, prévu pour ce mercredi 2 avril 2025, s’annonce particulièrement tendu, avec des enjeux politiques et judiciaires majeurs en perspective.

Birahime Seck dénonce un ciblage dans la loi interprétative de l’amnistie : « Une initiative partiale qui promeut l’impunité »

Le coordonnateur du Forum Civil, Birahime Seck, a vivement réagi aux déclarations du ministre Abdourahmane Diouf, invité ce dimanche de l’émission Point de vue sur la RTS. Dans un message publié sur X, il a dénoncé ce qu’il considère comme un ciblage assumé dans la loi interprétative de l’amnistie, y voyant une nouvelle preuve de son caractère partial et controversé.

Réagissant à l’émission animée par Oumar Gning, Birahime Seck a exprimé un constat alarmant : « Ce ciblage affirmé et assumé par un membre du gouvernement est d’une gravité extrême. » Selon lui, cette approche prouve que l’initiative parlementaire sert avant tout à promouvoir l’impunité, en faveur de certaines personnalités.

Il a insisté sur le fait que c’est au juge d’apprécier la gravité d’un crime, et non à une loi interprétative dictée par des considérations politiques. « Une loi ne peut se substituer au pouvoir judiciaire pour décider de l’innocence ou de la culpabilité d’un individu », a-t-il martelé.

De son côté, Abdourahmane Diouf, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, a défendu la nécessité de cette loi. Selon lui, elle permet de « rendre justice », là où une simple abrogation ou annulation de l’amnistie laisserait « l’impunité entière ».

Mais pour le Forum Civil, cette approche soulève de sérieuses inquiétudes sur le respect de l’État de droit et des principes fondamentaux de la justice. En assumant un ciblage dans cette loi interprétative, le gouvernement s’expose à de nouvelles critiques sur sa gestion du dossier de l’amnistie et son impact sur le climat politique et judiciaire au Sénégal.

Mobilisation contre la loi interprétative de l’amnistie : Le Front / Force Alternative appelle à une marche ce vendredi

Le Front / Force Alternative, une nouvelle plateforme politique et citoyenne, a annoncé une grande mobilisation ce vendredi pour protester contre le projet de loi interprétative de l’amnistie. Cette initiative vise à exprimer leur opposition à une législation qu’ils considèrent comme une tentative de manipulation des lois en faveur de certains acteurs politiques.

Dans une déclaration officielle, les responsables du Front / Force Alternative ont dénoncé ce qu’ils appellent une « instrumentalisation du cadre législatif pour servir des intérêts particuliers au détriment de la justice et de l’équité ». Selon eux, cette loi interprétative ne ferait qu’aggraver les tensions politiques et remettre en cause l’État de droit.

La marche pacifique se tiendra ce vendredi 28 mars 2025, de 15h à 18h, sur l’itinéraire suivant : Rond-point Liberté 6 – Station Total Énergie – Sortie VDN. Les organisateurs ont précisé qu’une lettre d’information a été transmise au préfet de Dakar, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Les initiateurs du mouvement appellent tous les citoyens soucieux de la démocratie et de la transparence à se joindre à cette manifestation. Ils insistent sur le fait que leur objectif n’est pas d’affronter les autorités, mais de faire entendre une voix alternative dans le débat national.

Cette mobilisation intervient dans un contexte de fortes tensions politiques, où le débat sur l’amnistie et ses implications divise profondément l’opinion publique. Le gouvernement, de son côté, défend ce projet en affirmant qu’il vise à clarifier certaines dispositions de la loi initiale, tandis que ses détracteurs y voient une tentative de protection sélective de certains acteurs politiques.

La marche de vendredi pourrait être un test majeur pour la capacité de mobilisation des forces d’opposition et une indication du climat politique en cette période charnière. Reste à voir si les autorités autoriseront la manifestation et comment elles géreront cette nouvelle démonstration de contestation.

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