Scandale financier au Sénégal : Mor Guèye et Tabaski Ngom au cœur d’une affaire explosive

Le Sénégal est secoué par une affaire de détournement de fonds publics digne des plus grands thrillers judiciaires. Mor Guèye, patron des entreprises Sen Setal et Webcom Sen, et Tabaski Ngom, inspectrice du Trésor, se livrent une guerre judiciaire sur fond d’accusations croisées. Le quotidien L’Observateur a révélé les détails de ce scandale le 16 janvier 2025, mettant en lumière des sommes colossales, des faux documents bancaires, et des soupçons d’implications politiques.

Tout commence par une relation professionnelle initiée en 2021 entre Tabaski Ngom et Mor Guèye. Ce dernier, fournisseur privilégié pour des marchés publics, est accusé par l’inspectrice du Trésor d’avoir détourné 288 millions de FCFA destinés à des projets publics. Mais Mor Guèye retourne l’accusation : selon lui, Tabaski Ngom aurait orchestré le détournement pour des objectifs personnels et politiques.

Arrêté le 14 janvier 2025 à Saly Portudal, Mor Guèye est au centre des investigations. Il affirme que Tabaski Ngom lui aurait confié des chèques d’une valeur totale de 681 millions de FCFA pour les déposer sur les comptes de ses entreprises. Sur cette somme, 243 millions de FCFA auraient servi à financer la campagne électorale de Moustapha Diop, député-maire lors des législatives de 2024. Cependant, Tabaski Ngom réclame le remboursement de 438 millions de FCFA, qu’elle dit avoir confiés à Mor Guèye, mais accuse ce dernier de lui avoir fourni de faux documents bancaires émanant de Coris Bank.

Face aux enquêteurs, Mor Guèye dévoile une version qui complique encore l’affaire. Il reconnaît avoir remboursé 150 millions de FCFA sur le compte de la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (CRSE). Quant aux 288 millions restants, il affirme les avoir remis en main propre à Tabaski Ngom, sans témoin ni preuve écrite. Une déclaration qui sème davantage le doute.

Mor Guèye se défend également en affirmant que Tabaski Ngom était l’initiatrice des manœuvres financières frauduleuses, notamment pendant la période électorale de 2024. Selon lui, elle aurait agi pour des gains personnels, tout en cherchant à couvrir ses traces après sa mutation à un nouveau poste.

La dimension politique de cette affaire est préoccupante. Les révélations de Mor Guèye impliquent indirectement Moustapha Diop, qui aurait bénéficié de fonds publics détournés pour sa campagne électorale. Bien que le député-maire ne soit pas encore officiellement incriminé, son nom apparaît dans un contexte embarrassant.

Pour Tabaski Ngom, qui se présente comme une victime, les accusations de son ancien collaborateur ternissent son image. Si ses déclarations visaient initialement à faire éclater la vérité, elles révèlent aussi des zones d’ombre sur son rôle dans cette affaire.

Ce scandale illustre les failles d’un système où les fonds publics peuvent être utilisés à des fins électorales ou personnelles. En pleine enquête, les deux protagonistes, désormais en garde à vue, seront confrontés dans les jours à venir. Le parquet financier et la Division des Investigations Criminelles cherchent à démêler ce réseau complexe de corruption et de trahisons.

Le public, abasourdi par les sommes en jeu et les révélations successives, exige des réponses. Entre faux documents, complicités politiques, et détournements de fonds, l’affaire met à nu des pratiques répréhensibles.

Les Forces spéciales : retour sur une affaire controversée et les révélations de Mor Guèye

En juin 2022, une opération d’envergure menée par les autorités sénégalaises avait conduit à l’arrestation de douze personnes accusées de graves complots contre la sécurité nationale. Ces individus, qualifiés de proches du parti Pastef et de son leader Ousmane Sonko, avaient été inculpés sous divers chefs d’accusation, notamment complot contre l’autorité de l’État, association de malfaiteurs et possession illégale d’armes. L’affaire, surnommée « Forces spéciales », avait provoqué un tollé, alimentant des débats sur la répression politique et la liberté d’expression au Sénégal.

Deux ans plus tard, Mor Guèye, l’un des principaux accusés, sort du silence. Ancien pompier et militant actif de Pastef depuis 2019, il revient sur cet épisode qu’il qualifie de « montage de toutes pièces » orchestré pour fragiliser l’opposition politique.

Le 15 juin 2022, Mor Guèye était arrêté à Rufisque, dans l’atelier de couture de son frère, par des forces de sécurité lourdement armées. À l’époque, il était présenté comme un spécialiste des explosifs et surnommé « Commandant ». Ce surnom, selon lui, ne devait rien à une quelconque activité militaire, mais lui avait été attribué par un camarade de Pastef pour son sérieux et sa rigueur.

L’accusation affirmait que le groupe « Forces spéciales » avait pour objectif de déstabiliser le pays par des actes de guérilla urbaine, visant des installations publiques stratégiques et des intérêts français. Mais Mor Guèye réfute catégoriquement ces affirmations.

Selon Mor Guèye, le nom « Forces spéciales » était simplement celui d’un groupe WhatsApp qu’il avait créé sans arrière-pensée. « Je pouvais l’appeler ‘Les Amazones’ ou ‘Les Danseuses’. Ce groupe n’était même pas actif », assure-t-il. Il insiste également sur le fait qu’il ne connaissait pas les autres personnes arrêtées avant leur détention.

« Mon seul tort était d’appartenir au parti Pastef », déclare-t-il, dénonçant un dossier « monté de toutes pièces ».

Les conséquences de cette affaire ont été dévastatrices pour Mor Guèye. Son arrestation lui a coûté son emploi et son mariage, sa femme ayant choisi de le quitter. « Ce fut un terrible épisode de ma vie », confie-t-il.

Malgré tout, il refuse de s’étendre davantage sur le dossier, invoquant la loi d’amnistie qui l’interdit. Cette loi, adoptée récemment, a permis à plusieurs figures de l’opposition de recouvrer la liberté, mais elle continue de soulever des interrogations sur la gestion de la justice et des droits humains au Sénégal.

L’histoire des « Forces spéciales » demeure un sujet sensible, à la croisée des tensions politiques et des revendications démocratiques. Pour certains, elle symbolise une tentative d’intimidation des opposants au régime de l’époque. Pour d’autres, elle illustre la nécessité de préserver la stabilité dans un contexte de crise politique et sociale.

Mor Guèye, désormais libre mais marqué par cette épreuve, incarne à lui seul les zones d’ombre et les controverses d’un dossier qui continue de diviser l’opinion publique sénégalaise.

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