«Portal Kombat», un nouveau réseau relayant la propagande russe

La France a révélé ce lundi 12 février une nouvelle ingérence numérique venant de la Russie à l’approche du deuxième anniversaire de la guerre en Ukraine.

À l’issue de quatre mois de travail, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, Viginum, a mis au jour un réseau « structuré et coordonné » de 193 sites diffusant de la propagande russe en Europe et aux États-Unis. Son nom : Portal Kombat.

Ce réseau est notamment constitué de plusieurs portails numériques qui ciblent directement les « pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine », indique le rapport de Viginum. Tous appartiennent à « l’écosystème « pravda » » (« vérité » en russe, le nom de l’ancien organe du Parti communiste soviétique). Le site destiné à l’Espagne a ainsi pour nom pravda-es.com, celui voué à être lu aux États-Unis ou au Royaume-Uni est pravda-en.com. Allemagne, Autriche et Suisse ont pravda-de.com, la Pologne pravda-pl.com et la version française s’appelle pravda-fr.com. Entre le 23 juin et le 19 septembre dernier, ces cinq portails ont publié plus de 150 000 articles, principalement issus de posts de personnalités russes ou pro-russes, de contenus d’agences de presse russes, ou de sites d’institutions ou d’acteurs locaux. Plus de 180 autres sites, aux chartes graphiques similaires et qui diffusent du contenu pro-russe, mais pour des audiences russophones ou ukrainiennes, sont numériquement reliés aux portails pravda.

« Des contenus inexacts ou trompeurs »

L’objectif principal de Portal Kombat semble être de légitimer la guerre menée par la Russie en Ukraine, a expliqué une source diplomatique à des journalistes. « Très orientés idéologiquement, ces contenus exposent des narratifs manifestement inexacts ou trompeurs », a-t-elle observé. Le 22 janvier, pravda-fr.com a ainsi publié une liste de 13 mercenaires français qui, selon ce site, « étaient à Kharkiv », dans le nord-est de l’Ukraine, lors d’une frappe russe quelques jours plus tôt, frappe ayant « éliminé » une soixantaine de combattants « dont la plupart étaient des citoyens français » et blessé 20 autres, selon Moscou. Alors que Paris avait dénoncé une « nouvelle manipulation grossière russe », l’AFP avait pu parler à trois de ces « mercenaires » présumés, en fait trois engagés volontaires au sein de l’armée ukrainienne, tous bien vivants. 

Autre exemple de désinformation, lundi, pravda-fr.com titrait : « « Ça suffit ! » : la France appelle à des mesures radicales contre Zelensky ». Or ces propos ont en fait été tenus par Florian Philippot, le président d’un petit parti d’extrême droite français, et n’engagent absolument pas Paris.

Malgré un dispositif jugé « élaboré », les répercussions dans le débat public numérique francophone restent modérées. « Néanmoins, au regard de la nature des narratifs, des moyens mis en œuvre pour les diffuser ainsi que des objectifs qui sont poursuivis à une échelle européenne, Viginum estime que les critères d’une ingérence numérique étrangère sont réunis, certains contenus pouvant porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », a commenté la source diplomatique. « On s’attend à une accélération des différentes actions russes, voire à une massification », a également commenté une source militaire, quand des élections sont attendues dans plus de 70 pays en 2024, notamment aux États-Unis. Les sites de Portal Kombat, dont Viginum fournit les noms, peuvent ainsi agir comme des cellules « dormantes », capables d’être activées à tout moment et de couvrir « une palette très large d’auditoires en fonction de l’actualité ».

Des groupes pro-russes avaient déjà été pointés du doigt par Meta (maison-mère de Facebook, WhatsApp et Instagram) et les autorités françaises pour leur campagne « Doppelgänger », qui depuis 2022, consiste à usurper l’identité visuelle de médias pour distiller des infox. Depuis septembre, une autre campagne surnommée « Matriochka », ou « poupées russes » consiste à interpeller directement des médias pour les inciter à vérifier des infox. Selon des experts, il s’agit toutefois pour la Russie d’organiser une « entreprise de diversion » pour épuiser les fact-checkers occidentaux.

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