Fonds Covid : « Ces deniers publics ont été injustement, illégalement et indignement spoliés », dénonce le procureur Ibrahima Ndoye

Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Ibrahima Ndoye, est monté au créneau ce jeudi 17 avril lors de la conférence de presse organisée par le parquet. Face à la presse nationale, le magistrat est revenu avec fermeté sur les détournements présumés de deniers publics liés à la gestion du Fonds de riposte contre le Covid-19.

Dans une déclaration marquée par un ton grave, il a pointé du doigt des pratiques frauduleuses orchestrées par certains responsables publics durant la pandémie. « Ces deniers publics ont été injustement, illégalement et indignement spoliés », a dénoncé le procureur, visiblement outré par l’ampleur des faits.

Selon Ibrahima Ndoye, plusieurs personnes ont déjà été identifiées et poursuivies dans le cadre de cette affaire. Mais les investigations sont loin d’être closes. « Les recherches se poursuivent et tous ceux qui seront impliqués devront répondre de leurs actes », a-t-il prévenu.

L’enquête est menée par le Pôle Judiciaire Financier (PFJ), qui multiplie les auditions et recoupe les informations contenues dans les différents rapports d’audit, notamment ceux de la Cour des comptes, de l’Inspection générale d’État (IGE), de la CENTIF et de l’OFNAC.

Le procureur a insisté sur la nécessité de faire respecter la loi et de rendre des comptes aux Sénégalais : « Il n’est pas acceptable qu’en pleine crise sanitaire, certains se soient enrichis de manière indue au détriment du peuple. »

Cette prise de parole intervient alors que le parquet a déjà communiqué sur les premiers résultats du PFJ, qui fait état de 262 personnes impliquées dans 293 dossiers, avec plus de 15 milliards de francs CFA saisis, ainsi que 92 véhicules, 11 titres fonciers et plusieurs biens matériels.

La déclaration d’Ibrahima Ndoye vient confirmer la volonté des nouvelles autorités judiciaires de marquer une rupture nette avec l’impunité. Pour lui, la gestion des ressources publiques, en particulier celles destinées à faire face à une urgence sanitaire, ne saurait souffrir d’aucune tolérance.

À l’heure où les Sénégalais exigent davantage de transparence et d’exemplarité, la justice entend jouer pleinement son rôle, jusqu’à ce que toutes les responsabilités soient établies.

Cautionnement dans les procédures financières : « L’objectif principal, c’est de sauver les intérêts de l’État, pas de mettre les gens en prison » (Procureur Ibrahima Ndoye)

Alors que les affaires de délinquance financière se multiplient devant le Pôle Financier Judiciaire (PFJ), la question du cautionnement judiciaire revient régulièrement dans le débat public. Face à certaines critiques estimant que certains inculpés « achètent » leur liberté, le procureur de la République, Ibrahima Ndoye, a tenu à clarifier les choses. Selon lui, le cautionnement n’est pas une faveur, encore moins un passe-droit, mais un instrument légal destiné à protéger les intérêts de l’État.

S’exprimant en marge de la conférence de presse du PFJ, le magistrat a rappelé que le cautionnement est encadré par l’article 140 du Code de procédure pénale, qui prévoit cette possibilité dans certaines conditions bien précises, notamment lorsque l’inculpé présente des garanties suffisantes de représentation, ou lorsque sa détention provisoire ne se justifie plus.

« Si je dis que nous avons accepté ces propositions et que les juges d’instruction ont également accepté cela, c’est que la loi prévoit, dans l’article 140, la possibilité de solliciter son habilitation, son éligibilité ou s’il y a des contestations sérieuses », a expliqué Ibrahima Ndoye.

Le but du cautionnement, a-t-il poursuivi, est double : il permet d’éviter la détention systématique dans certaines affaires tout en garantissant que l’État puisse recouvrer ses avoirs en cas de condamnation. Dans les dossiers de crimes économiques, où les préjudices financiers sont souvent massifs, le versement d’un cautionnement peut permettre à l’État d’avoir une sécurité financière immédiate, avant même l’issue du procès.

« Le cautionnement est une garantie qui permet au juge de s’assurer de préserver les intérêts de l’État. L’objectif principal, c’est de faire en sorte que les intérêts de l’État soient préservés, pas de mettre les gens en prison », a insisté le chef des poursuites.

Pour le procureur Ndoye, la prison ne doit pas être une fin en soi. Ce qui importe le plus dans ce type de procédure, c’est la traçabilité des fonds publics, la réparation du préjudice et la restauration de la confiance des citoyens dans leurs institutions. Il ne s’agit pas uniquement de punir, mais aussi de récupérer l’argent du contribuable.

Cette position du parquet financier s’inscrit dans une dynamique de justice plus efficace, mais aussi plus stratégique. Face aux critiques sur certains cas de libération provisoire, le magistrat a tenu à rappeler que chaque décision est fondée sur l’évaluation précise de la situation de l’inculpé, de la gravité des faits, et surtout, de la capacité du cautionnement à couvrir le montant supposé détourné ou volé.

Ainsi, la notion de « liberté contre caution » n’est pas une libération gratuite. Elle impose à l’inculpé un engagement financier réel, et en cas de manquement, la caution est confisquée et les poursuites se poursuivent.

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