Le Conseil constitutionnel invalide la loi d’interprétation portée par Amadou Ba

Coup de théâtre à l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel sénégalais a rendu publique, ce mercredi, une décision lourde de conséquences : la loi d’interprétation de la loi d’amnistie, introduite par le député Amadou Ba et adoptée le 2 avril dernier, a été déclarée contraire à la Constitution.

Ce texte, soutenu par le groupe parlementaire majoritaire Pastef, avait pour objectif de « clarifier » certaines dispositions de la loi d’amnistie votée sous le régime de Macky Sall. Une loi promulguée en mars 2024, qui couvrait les infractions commises dans le cadre des événements politiques survenus entre février 2021 et février 2024. C’est grâce à elle que plusieurs figures majeures de l’opposition d’alors, dont l’actuel président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, avaient pu recouvrer la liberté.

Mais la loi d’interprétation, adoptée dans un contexte de tensions politiques persistantes, avait suscité une levée de boucliers au sein de l’opposition parlementaire et de plusieurs organisations de la société civile. Ces derniers y voyaient une tentative de restreindre la portée de la loi d’amnistie, voire de permettre un réexamen judiciaire de certains cas pourtant déjà couverts par le texte initial.

Saisie par un groupe de députés, l’institution juridictionnelle suprême a estimé que cette loi d’interprétation portait atteinte à la Constitution, notamment à la séparation des pouvoirs et à la sécurité juridique. En clair, une loi d’amnistie ne peut faire l’objet d’une réinterprétation législative a posteriori sans porter atteinte à sa portée et à son esprit initial.

Avec cette décision, le Conseil constitutionnel vient remettre les pendules à l’heure, tout en confortant la légitimité de la loi d’amnistie initiale. Pour le camp présidentiel, il s’agit d’une victoire sur le terrain juridique et d’un signal fort envoyé à ceux qui tenteraient, selon certains juristes, de manipuler les textes à des fins politiques.

Reste à savoir quelles seront les répercussions de cette décision sur le travail parlementaire et les équilibres politiques au sein de l’Assemblée nationale, où les débats restent très tendus entre majorité et opposition.

Sénégal : le Conseil constitutionnel invalide la loi d’interprétation portée par Amadou Ba (Décision du Conseil constitutionnel)
Sénégal : le Conseil constitutionnel invalide la loi d’interprétation portée par Amadou Ba (Décision du Conseil constitutionnel)
Sénégal : le Conseil constitutionnel invalide la loi d’interprétation portée par Amadou Ba (Décision du Conseil constitutionnel)
Sénégal : le Conseil constitutionnel invalide la loi d’interprétation portée par Amadou Ba (Décision du Conseil constitutionnel)

Proposition de loi d’interprétation : Amadou Ba réclame justice pour les victimes des manifestations

Le député de Pastef, Amadou Ba, a pris position ce jeudi 20 mars 2025, en faveur de la proposition de loi d’interprétation de la loi d’amnistie, affirmant qu’elle vise à garantir que les responsables des crimes commis lors des manifestations politiques entre mars 2021 et février 2024 soient jugés et punis.

« Ils vont payer pour tous ces crimes, et c’est l’interprétation de la loi que nous avons proposée qui va le permettre. C’est pourquoi nous n’avons pas opté pour l’abrogation », a déclaré le parlementaire lors d’une conférence de presse.

Selon Amadou Ba, la proposition de loi d’interprétation ne vise pas à protéger les militants de son parti, mais plutôt à garantir le respect de l’État de droit et des engagements internationaux du Sénégal. Il estime que la loi d’amnistie, telle qu’elle a été adoptée, va à l’encontre des conventions internationales signées par le Sénégal, notamment celles qui interdisent la torture et les atteintes graves aux droits de l’homme.

« Notre pays a signé des conventions internationales contre la torture, et ces faits ne peuvent donc pas être amnistiés, car cela irait à l’encontre de notre propre Constitution », a-t-il souligné.

Il insiste sur le fait que les crimes graves, y compris les actes de torture et les assassinats présumés commis par certaines forces de sécurité lors des manifestations, ne peuvent être balayés d’un revers de main par une loi d’amnistie générale.

La loi d’amnistie adoptée stipule que toutes les infractions criminelles commises entre mars 2021 et février 2024 dans un contexte politique ou de manifestations sont effacées. Cette mesure a été vivement critiquée par plusieurs organisations de défense des droits humains, qui dénoncent une tentative d’effacer des crimes graves sans justice pour les victimes.

Pour Amadou Ba, cette approche est une menace pour la crédibilité de la justice sénégalaise. Il dénonce une forme de discrimination dans l’application de la loi, qui permettrait à certains acteurs politiques ou sécuritaires d’échapper à la justice, alors que les victimes et leurs familles attendent toujours des réponses.

Face à cette situation, Amadou Ba et d’autres députés ont déposé une proposition de loi d’interprétation visant à préciser que l’amnistie ne peut pas couvrir les crimes graves, notamment la torture, les meurtres et les violations des droits humains.

« C’est pourquoi nous avons proposé l’interprétation de la loi afin que la justice puisse faire son travail », a-t-il précisé.

L’objectif de cette démarche est d’éviter l’impunité et de s’assurer que tous ceux qui ont commis des infractions graves soient jugés, quelles que soient leurs appartenances politiques ou institutionnelles.

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