Côte d’Ivoire : à cinq mois de la présidentielle, l’exclusion de Thiam et Gbagbo ravive les tensions politiques

À cinq mois de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025, le climat politique ivoirien s’enlise dans une zone de turbulences. Tandis que le président sortant Alassane Ouattara entretient encore le suspense autour d’une éventuelle candidature pour un quatrième mandat, plusieurs figures majeures de l’opposition sont déjà écartées du processus électoral, soulevant de vives inquiétudes sur la crédibilité et l’inclusivité du scrutin à venir.

Parmi les exclus, deux poids lourds : l’ancien président Laurent Gbagbo et Cheick Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA). Tous deux ont été rayés de la liste électorale. Une décision contestée qui menace de fragiliser davantage le paysage politique national.

Face à ce qu’il qualifie de « déni de justice », Cheick Tidjane Thiam a décidé de porter l’affaire sur la scène internationale. Le président du PDCI-RDA, ancien directeur général du Crédit Suisse et personnalité respectée au-delà des frontières ivoiriennes, a officiellement saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies.

« En l’absence de recours dans le droit interne ivoirien lui permettant de défendre utilement et efficacement ses droits civils et politiques, Monsieur Cheick Tidjane Thiam n’avait pas d’autre choix », a expliqué le PDCI-RDA dans un communiqué officiel, dénonçant une manœuvre politique visant à écarter un candidat perçu comme l’« espoir d’une transformation profonde de la Côte d’Ivoire ».

Thiam, qui incarne une rupture avec la vieille garde politique et séduit une frange importante de la jeunesse et des classes moyennes, estime que sa radiation de la liste électorale constitue une violation flagrante de ses droits fondamentaux.

L’affaire Thiam intervient dans un contexte politique déjà marqué par de fortes tensions. Le retour sur la scène politique de Laurent Gbagbo après son acquittement par la CPI avait redessiné les équilibres, mais sa radiation électorale laisse planer une incertitude pesante sur la dynamique démocratique du pays.

En évinçant deux des principales figures de l’opposition, le processus électoral ivoirien s’expose aux critiques de partialité et d’exclusion. Le PDCI-RDA en appelle à une mobilisation nationale et internationale : « Une élection présidentielle juste, inclusive et sans discrimination est indispensable pour éviter à la Côte d’Ivoire un effondrement définitif de ses fondements », affirme le parti.

Jusqu’ici, la Commission Électorale Indépendante (CEI) n’a pas officiellement commenté l’affaire. Son silence, à ce stade critique du processus, ne fait qu’alimenter la méfiance au sein de l’opinion publique. De nombreux observateurs redoutent une montée des tensions à l’approche de l’échéance, dans un pays encore marqué par les violences post-électorales de 2010 et les fractures politiques persistantes.

Alors que le calendrier électoral avance à grands pas, la Côte d’Ivoire risque de s’engager vers une présidentielle sous haute tension. La communauté internationale, notamment les partenaires bilatéraux et les institutions régionales comme la CEDEAO et l’Union africaine, est appelée à jouer un rôle actif pour garantir un processus crédible, transparent et pacifique.

En attendant, le PDCI-RDA mobilise ses bases et multiplie les appels à la résistance démocratique. « L’espoir que représente le président Thiam ne peut être effacé par une décision administrative injuste », martèle le parti.

La décision du Conseil Constitutionnel ravive les tensions politiques à l’approche du dialogue national

La décision du Conseil constitutionnel sénégalais, déclarant non conforme à la Constitution la loi interprétative de l’amnistie, continue de secouer la scène politique nationale. À moins d’un mois du dialogue national prévu le 18 mai par le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, les clivages s’accentuent entre la majorité présidentielle et une opposition fragmentée.

Lors d’une conférence de presse tenue dimanche, la coalition « Diomaye Président » est montée au créneau pour saluer cette décision qu’elle qualifie de « victoire politique et morale ». Dans une atmosphère tendue, le Premier ministre Ousmane Sonko a désigné une partie de l’opposition comme de simples « résidus », une expression qui a provoqué de vives réactions sur l’échiquier politique.

La figure politique Aïda Mbodji, entourée du ministre Moustapha Guirassy, de Me Abdoulaye Tine et de la députée Mame Diarra Fam, a exprimé son soutien sans réserve à la décision du Conseil constitutionnel. Selon elle, le considérant 31 du texte juridique représente un tournant majeur dans la consolidation de l’État de droit au Sénégal. « Le Sénégal privilégie désormais la justice à l’impunité », a-t-elle affirmé, balayant d’un revers de main les critiques venant de l’opposition.

Me Abdoulaye Tine, pour sa part, a salué une « démarche victorieuse », qui permet d’éclairer les Sénégalais sur les responsabilités liées aux violences ayant secoué le pays entre mars 2021 et juin 2023. Il a cependant appelé à la prudence, en soulignant que les poursuites pour meurtres ne devaient pas être teintées de considérations politiques.

Le Directeur général du Port autonome de Dakar, Waly Diouf Bodian, figure montante de l’aile dure du Pastef, a utilisé cette tribune pour renouveler son appel à la dissolution de l’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption). Il accuse l’institution d’être devenue un « siège de l’enrichissement illicite », et propose de transférer ses compétences au Parquet financier ou, à défaut, de la supprimer purement et simplement.

« On ne développe pas un pays sans justice », a-t-il martelé, soulignant l’importance d’un appareil judiciaire fort et crédible pour instaurer une gouvernance transparente et responsable.

Face à ces attaques, l’opposition tente de se repositionner. Bien que qualifiée de « moribonde » par certains membres du pouvoir, elle conserve une base militante active et continue de dénoncer ce qu’elle perçoit comme une instrumentalisation de la justice.

La décision du Conseil constitutionnel pourrait ouvrir la voie à de potentielles poursuites contre des figures politiques liées aux événements violents de ces dernières années, exacerbant davantage une tension politique déjà palpable.

Le 18 mai prochain, le président Diomaye Faye entend réunir l’ensemble des forces vives de la nation pour un dialogue national. Toutefois, dans ce climat chargé, la tenue de ce dialogue risque d’être compromise si les rancœurs actuelles ne sont pas apaisées. La réconciliation nationale, tant prônée, reste un objectif difficilement atteignable sans un minimum de consensus sur les règles du jeu démocratique.

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