Plus de 8,2 millions d’électeurs sont appelés à se prononcer ce dimanche lors d’un référendum sur le projet de nouvelle Constitution basé sur un état unitaire décentralisé, en vue de départager une classe politique et une société profondément divisée entre unitaristes et fédéralistes. 22 726 bureaux sont ouverts toute la journée pour ce scrutin durant lequel le oui est quasiment assuré de l’emporter.
D’un côté, il y a la coalition du oui, dirigée par le Premier ministre de transition, Saleh Kebzabo en personne. Elle a ratissé large. La quasi-totalité du gouvernement de transition, 216 partis politiques, une multitude d’associations et de chefs traditionnels en font partie et elle a mené sa campagne référendaire avec de très gros moyens.
En face de ce rouleau compresseur, les partisans d’un État fédéral se sont émiettés au fil du temps entre ceux qui appellent à voter non et ceux qui prônent le boycott d’un scrutin qu’ils jugent totalement biaisé. Enfin, le ralliement au camp du oui de Succès Masra, l’un des principaux opposants tchadiens, a fini par les rendre pratiquement inaudibles.
Dans ces conditions, la victoire du oui à un « État unitaire et décentralisé » lors du vote qui a lieu ce dimanche ne fait quasiment aucun doute dans les deux camps
« Du déjà-vu »
Tout le monde va donc scruter attentivement le taux de participation à ce scrutin, d’autant plus que la coalition du oui a placé la barre très haut. Elle a dit viser une victoire à plus de 80% des voix.
De son côté, l’opposition a multiplié ces derniers jours les appels à la mobilisation pour le non ou le boycott du scrutin. Elle espère un taux participation bas et une victoire étriquée du oui pour « délégitimer la dynastie des Idriss Deby qu’on veut nous imposer ».
Même si le texte présenté lors de ce référendum constitutionnel est basé sur un État unitaire, il sera « fortement » décentralisé, assure le pouvoir de transition. « C’est du déjà-vu », assurent plusieurs spécialistes qui pointent les ressemblances avec la Constitution de 1996. Le nouveau texte reprend, selon le constitutionnaliste tchadien Ousmane Houzibé, l’essentiel des dispositions de la Constitution de 1996, considérée sur le papier comme l’une des meilleures que le Tchad a eues, même si en réalité, elle n’a jamais été mise en application.
C’est « une réactualisation de l’ancienne constitution », insiste le professeur, en pointant notamment la réhabilitation du Sénat ou de la Haute Cour de justice, entre autres.
Autre innovation: l’âge minimum pour être candidat à la présidentielle a été ramené de 45 ans, un article introduit en 2018 pour barrer la route à la candidature de l’opposant Succès Masra, à 35 ans.
Dialogue national
La nouvelle Constitution perpétue donc l’état unitaire décentralisé, le seul capable d’empêcher le « chaos » et le « séparatisme » de s’installer dans le pays, selon les unionistes. Alors que les fédéralistes dénoncent un texte qui vient acter « une dévolution dynastique du pouvoir ».
Un enseignant rencontré dans les rues de Ndjamena semblait plutôt désabusé. « Le problème, c’est que cette constitution ou une autre ne sera jamais respectée quel que soit l’issue du vote, comme cela a toujours été le cas depuis l’indépendance du Tchad », regrette-t-il. Une inquiétude qui avait été reprise par l’ensemble de la classe politique tchadienne et qui a été inscrite noire sur blanc dans les conclusions du dialogue national inclusif et souverain, censée mettre le Tchad sur les rails de la démocratie