TRIBUNE DU WEEK-END Par Abdoul Aziz DIOP : Une histoire sénégalaise des violences politiques

Invité par l’antenne de Thiès du mouvement Y en a marre pour l’animation du panel sur la «préparation de 2012 à la lumière de l’Histoire», nous avons introduit, le dimanche, 18 décembre 2011, au Palais des Arts, le thème : «Tradition électorale et violences politiques… » Face à la montée des périls consécutive au contentieux constitutionnel sur la recevabilité ou non de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade pour un troisième mandat, l’hypothèse d’école de troubles postélectoraux se double de l’hypothèse préélectorale d’une crise politique majeure, faite de violences, bien avant même que les Sénégalais ne se rendent aux urnes pour élire leur président.

La subdivision du temps politique – qui n’est rien d’autre que le temps de la vie – en trois séquences (préélectorale, électorale et postélectorale) permet, à la lumière des faits politiques cumulés dans chacune des trois séquences, de déterminer laquelle d’entre elles doit faire l’objet d’un examen minutieux pour jeter les bases d’une régulation politique crédible, efficace et durable. Au Sénégal, l’hypothèse d’un fait politique postélectoral dominant, et que l’on pourrait qualifier de violent, si elle se vérifiait, donne une indication sur ce que devrait être une régulation politique en amont plutôt qu’en aval de la séquence politique dite électorale. Un jeune sénégalais, dont l’âge ne s’écarte pas trop de la moyenne d’âge des jeunes militants de Y en a marre, trouverait l’hypothèse intéressante dès lors qu’il scrute le passé, relativement récent, pour se faire une idée sur les formes de manifestation de la violence politique, son ampleur, ses conséquences et la manière de la juguler. Mais qu’est-ce que la violence politique ? Avant de nous quitter en février 2021, le journaliste Marcel Mendy, auteur d’un essai sur «La violence politique au Sénégal» (Editions Tabala, janvier 2006), suggère une définition : «La violence politique, écrit-il, est un acte ou un fait commis par un ou plusieurs individus contre un ou plusieurs individus, contre des biens meubles ou immeubles, à un moment donné et dans un espace donné, pour des raisons politiques.» Concernant les formes sous lesquelles la violence politique se manifeste, Marcel Mendy évoque «les assassinats, les agressions physiques et verbales, les incendies et/ou dégradations de biens publics ou appartenant à des hommes politiques». Partant de là, force est de reconnaître que la violence politique existe bel et bien au Sénégal, qu’elle a une histoire et que son histoire est aussi celle des assassinats politiques. C’est à Thiès même que le député et maire de Mbour, Demba Diop, président du groupe parlementaire de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) de l’Assemblée nationale, est tombé. Il était 10 heures du matin quand, le 3 février 1967, Demba Diop est sauvagement poignardé dans le parking de la préfecture de Thiès par un certain Abdou Ndafakhé Faye, à la suite d’une altercation avec un autre député UPS de Mbour, Jacques D’Erneville, appartenant à la tendance du député Ibou Kébé, mauvais perdant face à Demba Diop aux élections municipales de février 1966. Diop était la victime de ce que l’on appelle aujourd’hui encore une «guerre des tendances» internes aux partis politiques sénégalais et, singulièrement, au parti dominant qui exerce le pouvoir.

Invoquant les tendances, le président Wade explique : «Les tendances étaient une idée du génie Senghor pour tenir tout le monde. (…) Dans chaque localité, il y a le représentant officiel du parti élu par les militants et il y a son adversaire ; l’un représentant la tendance A et son adversaire la tendance B. (…) Cela veut dire que si vous allez dans une autre coordination, c’est un autre monsieur qui est en cause. Entre les tendances, il n’y avait aucun dénominateur commun. C’était une sorte de parcellisation du pouvoir par Senghor qui lui permettait de tenir tout le monde.» (Mendy, 2006). Poussant, plus tard, la «trouvaille senghorienne» à son paroxysme, Abdoulaye Wade transposa la tendance locale à sa relation avec les numéros 2 de son propre parti. Facteurs de violence interne aux partis politiques sénégalais, les tendances se métamorphosent sous la forme d’un face à face entre le parti dominant au pouvoir et son opposition. Un des exemples les plus révélateurs de ce phénomène est le face à face qui opposa Abdou Diouf à son challenger Abdoulaye Wade peu de temps avant les élections générales du 28 février 1988. S’adressant à Diouf, en ordre de bataille, par presse interposée, Wade avertit : «Je ne pose pas le problème en termes d’alternative pacifique ou non pacifique. Quand il faut faire une révolution, il faut la faire. (…). Si le pays veut l’alternance, il faut que l’alternance soit faite quels que soient les prix et les moyens.» (Mendy, 2006). On connaît la suite.

Après l’assassinat en mai 1993 du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye, et l’amnistie (huée) des crimes politiques depuis 1983, le temps politique entre 1998 et 2010 est plutôt fait de séquences relativement apaisées. Se refusant à accepter d’être exclu de l’élection présidentielle de 2012 pour cause d’inconstitutionnalité établie de sa candidature pour un troisième mandat, le président sortant Abdoulaye Wade exhume la hache de guerre de février 1988. A cette date, il voulait une «révolution». En 2011, il annonce un passage en force, validant du coup l’hypothèse préélectorale d’une violence politique inouïe jamais observée au Sénégal.

Les pics ultra-violents et inattendus depuis 2021, année où l’essayiste Marcel Mendy tira sa révérence, montrent qu’une histoire sénégalaise des violences politiques est toujours en cours d’écriture sans que personne ne songe à la stopper.

A.A.DIOP

TRIBUNE DU WEEK-END par Abdoul Aziz DIOP : Une histoire sénégalaise des violences politiques

Invité par l’antenne de Thiès du mouvement Y en a marre pour l’animation du panel sur la «préparation de 2012 à la lumière de l’Histoire», nous avons introduit, le dimanche, 18 décembre 2011, au Palais des Arts, le thème : «Tradition électorale et violences politiques… » Face à la montée des périls consécutive au contentieux constitutionnel sur la recevabilité ou non de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade pour un troisième mandat, l’hypothèse d’école de troubles postélectoraux se double de l’hypothèse préélectorale d’une crise politique majeure, faite de violences, bien avant même que les Sénégalais ne se rendent aux urnes pour élire leur président.

La subdivision du temps politique – qui n’est rien d’autre que le temps de la vie – en trois séquences (préélectorale, électorale et postélectorale) permet, à la lumière des faits politiques cumulés dans chacune des trois séquences, de déterminer laquelle d’entre elles doit faire l’objet d’un examen minutieux pour jeter les bases d’une régulation politique crédible, efficace et durable. Au Sénégal, l’hypothèse d’un fait politique postélectoral dominant, et que l’on pourrait qualifier de violent, si elle se vérifiait, donne une indication sur ce que devrait être une régulation politique en amont plutôt qu’en aval de la séquence politique dite électorale. Un jeune sénégalais, dont l’âge ne s’écarte pas trop de la moyenne d’âge des jeunes militants de Y en a marre, trouverait l’hypothèse intéressante dès lors qu’il scrute le passé, relativement récent, pour se faire une idée sur les formes de manifestation de la violence politique, son ampleur, ses conséquences et la manière de la juguler. Mais qu’est-ce que la violence politique ? Le journaliste Marcel Mendy, auteur d’un essai sur «La violence politique au Sénégal» (Editions Tabala, janvier 2006), suggère une définition : «La violence politique, écrit-il, est un acte ou un fait commis par un ou plusieurs individus contre un ou plusieurs individus, contre des biens meubles ou immeubles, à un moment donné et dans un espace donné, pour des raisons politiques.» Concernant les formes sous lesquelles la violence politique se manifeste, Marcel Mendy évoque «les assassinats, les agressions physiques et verbales, les incendies et/ou dégradations de biens publics ou appartenant à des hommes politiques». Partant de là, force est de reconnaître que la violence politique existe bel et bien au Sénégal, qu’elle a une histoire et que son histoire est aussi celle des assassinats politiques. C’est à Thiès même que le député et maire de Mbour, Demba Diop, président du groupe parlementaire de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) de l’Assemblée nationale, est tombé. Il était 10 heures du matin quand, le 3 février 1967, Demba Diop est sauvagement poignardé dans le parking de la préfecture de Thiès par un certain Abdou Ndafakhé Faye, à la suite d’une altercation avec un autre député UPS de Mbour, Jacques D’Erneville, appartenant à la tendance du député Ibou Kébé, mauvais perdant face à Demba Diop aux élections municipales de février 1966. Diop était la victime de ce que l’on appelle aujourd’hui encore une «guerre des tendances» internes aux partis politiques sénégalais et, singulièrement, au parti dominant qui exerce le pouvoir.

Invoquant les tendances, le président Wade du PDS explique : «Les tendances étaient une idée du génie Senghor pour tenir tout le monde. (…) Dans chaque localité, il y a le représentant officiel du parti élu par les militants et il y a son adversaire ; l’un représentant la tendance A et son adversaire la tendance B. (…) Cela veut dire que si vous allez dans une autre coordination, c’est un autre monsieur qui est en cause. Entre les tendances, il n’y avait aucun dénominateur commun. C’était une sorte de parcellisation du pouvoir par Senghor qui lui permettait de tenir tout le monde.» (Mendy, 2006). Poussant, plus tard, la «trouvaille senghorienne» à son paroxysme, Abdoulaye Wade transposa la tendance locale à sa relation avec les numéros 2 de son propre parti. Facteurs de violence interne aux partis politiques sénégalais, les tendances se métamorphosent sous la forme d’un face à face entre le parti dominant au pouvoir et son opposition. Un des exemples les plus révélateurs de ce phénomène est le face à face qui opposa Abdou Diouf à son challenger Abdoulaye Wade peu de temps avant les élections générales du 28 février 1988. S’adressant à Diouf, en ordre de bataille, par presse interposée, Wade avertit : «Je ne pose pas le problème en termes d’alternative pacifique ou non pacifique. Quand il faut faire une révolution, il faut la faire. (…). Si le pays veut l’alternance, il faut que l’alternance soit faite quels que soient les prix et les moyens.» (Mendy, 2006). On connaît la suite.

Après l’assassinat en mai 1993 du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye, et l’amnistie (huée) des crimes politiques depuis 1983, le temps politique entre 1998 et 2010 est plutôt fait de séquences relativement apaisées. Se refusant à accepter d’être exclu de l’élection présidentielle de l’année prochaine pour cause d’inconstitutionnalité établie de sa candidature pour un troisième mandat, le président sortant Abdoulaye Wade exhume la hache de guerre de février 1988. A cette date, il voulait une «révolution». En 2011, il annonce un passage en force, validant du coup l’hypothèse préélectorale d’une violence politique inouïe jamais observée au Sénégal.

Les pics ultra-violents et inattendus depuis 2021 montrent qu’une histoire sénégalaise des violences politiques est toujours en cours d’écriture sans que personne ne songe à la stopper.

A.A.DIOP

Violences Politiques : Création d’une Commission d’Indemnisation pour les victimes

Dans un geste marquant son engagement envers la réconciliation nationale, le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a demandé la création d’une commission destinée à indemniser les victimes des violences politiques qui ont secoué le pays de janvier 2021 à février 2024. Cette décision a été annoncée lors du Conseil des ministres tenu à Dakar ce mercredi.

Les années mentionnées ont été témoins de tensions politiques significatives, entraînant des pertes en vies humaines et de nombreux blessés. Les troubles ont culminé avec des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, souvent exacerbés par des arrestations massives de militants, principalement ceux affiliés au parti Pastef, désormais au pouvoir.

La commission d’indemnisation, une initiative directe du Président Faye, a pour mandat de soutenir les familles endeuillées et les personnes blessées lors de ces événements. Son rôle consistera à identifier les victimes, évaluer les préjudices subis et assurer une prise en charge effective des blessés toujours en cours de traitement.

Le président Faye a souligné l’importance de cette démarche dans le cadre plus large de la réconciliation nationale. « La réconciliation passe par la justice dans le traitement adéquat des cas des victimes », a-t-il précisé, affirmant sa volonté de voir la nation sénégalaise se reconstruire sur des bases de respect mutuel et de justice.

Cette annonce a été généralement bien accueillie par la communauté, voyant en cette commission une opportunité de cicatriser les plaies laissées par les années de troubles. Toutefois, certains observateurs restent prudents, attendant de voir la mise en œuvre effective de ces mesures et leur impact réel sur les victimes et leurs familles.

La création de la commission d’indemnisation par le Président Bassirou Diomaye Faye représente une étape cruciale dans les efforts de guérison d’une nation marquée par des périodes de forte instabilité politique. Cela reflète une tentative de répondre aux besoins des citoyens affectés par les violences, tout en posant les jalons pour un avenir où la justice et la paix prévalent. Les résultats de cette commission seront déterminants pour la stabilité future du Sénégal.

Violences politiques entre 2021 et 2024 : L’Assemblée adopte la loi d’amnistie

Le projet de loi, qui amnistie « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques », s’inscrit dans le contexte des épisodes de violences politiques qui ont émaillé la période mentionnée.

Les troubles ont été marqués par des émeutes, des affrontements, des saccages et des pillages, principalement liés aux tensions entre l’opposant Ousmane Sonko et le pouvoir. Les événements de février 2024, consécutifs au report des élections, ont également exacerbé les tensions, entraînant des pertes humaines, des blessures et des arrestations massives.

La présidence justifie cette amnistie en évoquant « l’apaisement du climat politique et social ». Cependant, la mesure est loin de faire l’unanimité. Des opposants, tant politiques que sociaux, s’indignent du fait que les forces de sécurité et les responsables gouvernementaux ne seraient pas tenus de rendre des comptes, tandis que des dizaines d’opposants pourraient recouvrer la liberté dès la publication de la loi au Journal officiel.

Cette amnistie, censée favoriser la réconciliation nationale, soulève des interrogations sur l’équilibre entre justice et stabilité politique. Alors que certains estiment qu’elle contribuera à apaiser les tensions, d’autres craignent qu’elle n’entraîne une impunité préjudiciable à l’éthique démocratique du pays.

L’adoption de cette loi d’amnistie marque un tournant significatif dans le paysage politique sénégalais et suscite l’attention sur les enjeux de la mémoire collective et de la responsabilité politique dans le contexte des conflits politiques.

Adoption du projet de loi d’amnistie des violences politiques par le Conseil des ministres sénégalais

Le gouvernement sénégalais a franchi une étape décisive dans le processus de réconciliation nationale en adoptant un projet de loi d’amnistie des faits liés aux violences politiques survenues entre 2021 et 2024. Cette décision fait suite à l’engagement pris par le président Macky Sall lors de l’ouverture du dialogue national, où il avait promis de proposer une loi d’amnistie générale pour ces événements.

Ce projet de loi, examiné et adopté lors de la réunion du Conseil des ministres de mercredi, sera prochainement présenté à l’Assemblée nationale pour être débattu et voté. Le gouvernement s’engage à agir dans les meilleurs délais pour que cette initiative puisse être concrétisée.

Cette démarche s’inscrit dans un contexte de recherche de réconciliation nationale, comme l’a souligné le président Macky Sall lors de son discours d’ouverture du dialogue national. Les violences politiques survenues entre 2021 et 2024 ont entraîné des pertes humaines, des blessures et des détentions, nécessitant une réponse politique et juridique pour apaiser les tensions et favoriser le pardon.

À travers cette loi d’amnistie, le gouvernement entend effacer les faits liés aux manifestations politiques de ces années, tant du côté des forces de l’ordre que des manifestants. Cet acte vise à tourner la page sur ces épisodes douloureux de l’histoire récente du pays et à ouvrir la voie à un avenir pacifique et inclusif pour tous les citoyens.

Il convient de noter que cette décision intervient dans un climat où la question de la justice et de la réconciliation occupe une place centrale dans le débat public. La société sénégalaise attend désormais avec intérêt le débat parlementaire autour de ce projet de loi et ses implications pour l’avenir du pays.

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