La campagne de commercialisation des noix d’anacarde s’ouvre sous de sombres auspices dans la région de Ziguinchor. Marquée par une insécurité grandissante et un manque criant d’accompagnement institutionnel, cette filière pourtant vitale pour l’économie locale semble aujourd’hui laissée à elle-même. Les acteurs du secteur, inquiets et désabusés, tirent la sonnette d’alarme.
Les routes de la Casamance, jadis empruntées quotidiennement par les collecteurs et commerçants de cajou, sont désormais le théâtre d’actes de banditisme répétés. Le récent braquage dans la commune de Boutoupa Camaracounda, où des collecteurs ont perdu près de 30 millions de francs CFA, illustre la gravité de la situation. Les assaillants, dont l’identité reste floue, sèment la terreur sur les axes de transport. Cette insécurité pèse lourdement sur les opérateurs économiques, qui craignent pour leur vie autant que pour la pérennité de leurs activités.
Au-delà de l’insécurité, c’est le silence de l’État qui indigne. Le ministère du Commerce et de l’Industrie, censé encadrer la campagne, est vivement critiqué pour son absence sur le terrain. Boubacar Konta, président de l’Interprofession Cajou Sénégal, fustige ce manque d’implication : « Cette année, aucun Conseil régional de développement n’a été organisé autour de la filière », déplore-t-il. Un tel cadre aurait pourtant permis une meilleure coordination avec les forces de sécurité et une meilleure planification globale.
Pire encore, le système d’agrément pour identifier et encadrer les collecteurs et exportateurs, pourtant proposé par les professionnels du secteur, est resté lettre morte. L’État, selon eux, ne semble pas tenir compte des alertes répétées et des recommandations formulées par les acteurs de terrain.
Une chute brutale des prix, synonyme de faillite pour les collecteurs
À ces difficultés sécuritaires et institutionnelles s’ajoute une crise économique. Le prix d’achat du kilogramme de noix brute est passé de 800 à 600 francs CFA en seulement une semaine. Une baisse vertigineuse qui menace directement la survie des petits collecteurs, déjà fragilisés par les dettes et les pertes antérieures. Le spectre de la campagne de 2022, marquée par une vague de faillites, ressurgit.
Avec une production estimée à 100.000 tonnes et des retombées économiques de plus de 80 milliards de francs CFA, la filière cajou représente un pilier incontournable pour l’économie de la région sud. Et pourtant, elle semble aujourd’hui orpheline de tout soutien concret. Seul le ministère de l’Agriculture tente tant bien que mal de maintenir la production, mais cela reste insuffisant face à l’ampleur des défis.
« C’est une filière en détresse », martèle Boubacar Konta. Les professionnels du secteur réclament une mobilisation urgente de l’État, des mesures de sécurisation renforcées, une relance de la concertation régionale et l’adoption rapide d’un système d’agrément fiable pour sauver ce pan stratégique de l’économie casamançaise.
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