Dans un contexte marqué par une crise multidimensionnelle — démographique, climatique, et sécuritaire —, les pays du Sahel sont confrontés à des défis sans précédent. La montée en puissance des groupes armés terroristes, les rivalités géopolitiques et l’instabilité grandissante rendent cette région particulièrement vulnérable. Si des initiatives internationales, comme celles de l’ONU ou de la CEDEAO, ont tenté d’y remédier, certains pays de la région semblent désormais décidés à prendre leur destin en main. La création récente de l’Alliance des États du Sahel (AES) témoigne de cette volonté d’autonomie, marquant un tournant dans la gestion des crises sécuritaires en Afrique de l’Ouest.
L’AES, fondée en juillet 2024 par des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger, a pour objectif de renforcer la coopération régionale en matière de sécurité. Ces États, ayant rompu leurs liens avec la France et quitté la CEDEAO, expriment leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme un manque de soutien suffisant dans la lutte contre le terrorisme. Leurs actions sont motivées par la nécessité de protéger leurs populations et de restaurer leur souveraineté.
Ce choix stratégique de l’AES met en lumière une tendance plus large au Sahel : la volonté croissante des États de la région de s’affranchir des influences extérieures pour mieux gérer leurs propres crises. Le retrait de la MINUSMA au Mali, longtemps considéré comme un pilier de la stabilisation régionale, symbolise ce tournant. L’opération, bien que massive avec ses 15 000 soldats et personnels civils, n’a pas réussi à apporter une paix durable.
Face à ce basculement, le Sénégal, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, a su se positionner comme un allié clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le président Faye a réitéré son engagement à la tribune de la 79ème Assemblée générale des Nations Unies, dénonçant les rivalités géopolitiques exacerbant l’instabilité dans la région. Son discours a souligné la nécessité d’une réponse collective face à une menace commune, appelant à une plus grande coopération africaine.
Le Sénégal, bien qu’extérieur à l’AES, partage avec ces pays une vision commune : celle d’une sécurité assurée par des forces africaines pour des intérêts africains. Le 30 mai 2024, Bassirou Diomaye Faye s’était déjà rendu à Ouagadougou et Bamako pour renforcer les liens régionaux avec ces pays de l’AES, marquant ainsi son soutien à cette alliance.
L’engagement sénégalais en faveur de la sécurité au Sahel s’est récemment illustré par une démarche de solidarité envers le Burkina Faso. En octobre 2024, Abdoulaye Bathily, l’envoyé spécial du président sénégalais, a rencontré le capitaine Ibrahim Traoré, Président du Burkina Faso, pour exprimer son soutien dans la lutte contre les attaques terroristes qui frappent le pays. Cette rencontre souligne l’importance de la solidarité régionale dans cette période de crise. En partageant des préoccupations communes, le Sénégal et les membres de l’AES entendent intensifier leur coopération dans la lutte contre le terrorisme.
Comme l’a affirmé Bathily lors de cette rencontre, « l’unité et la solidarité sont cruciales pour surmonter les défis communs ». Cette déclaration traduit une volonté de construire un front uni, non seulement au sein de l’AES, mais aussi avec d’autres partenaires régionaux comme le Sénégal. Ces États reconnaissent que la stabilité au Sahel dépendra de leur capacité à conjuguer leurs efforts pour éradiquer les groupes armés et protéger leurs populations.
L’une des grandes questions qui se pose est de savoir quelle stratégie l’Afrique doit adopter pour garantir la stabilité de ses États. La coopération régionale, incarnée par l’AES et soutenue par des acteurs comme le Sénégal, semble être une réponse immédiate aux défis sécuritaires. Cependant, une telle stratégie est-elle suffisante face à l’ampleur des menaces ? L’insécurité au Sahel ne se limite pas à un enjeu régional, mais affecte l’ensemble du continent africain et, au-delà, la communauté internationale.
Certains analystes estiment qu’une approche plus élargie est nécessaire. Une coopération internationale, intégrant des partenaires comme l’Union africaine, les Nations Unies, ou même des puissances extérieures, pourrait permettre de renforcer les capacités locales tout en apportant un soutien logistique et financier crucial. Néanmoins, cette solution soulève la question de la souveraineté et du contrôle des opérations par les États africains eux-mêmes.
La lutte contre le terrorisme au Sahel est un enjeu central pour la sécurité et la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. Alors que des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger optent pour une solution régionale à travers l’AES, le Sénégal se positionne comme un acteur incontournable de cette dynamique. Le chemin vers la paix et la stabilité passera inévitablement par une intensification de la coopération régionale, renforcée par des partenariats stratégiques à l’échelle du continent.
Face aux défis multiples auxquels est confronté le Sahel, l’option africaine semble émerger comme la solution la plus pragmatique. En affirmant leur souveraineté et en unissant leurs forces, les nations africaines peuvent espérer un avenir plus sûr et plus stable. La question reste toutefois ouverte : cette stratégie sera-t-elle suffisante ou devra-t-elle s’ouvrir à une coopération internationale plus large pour protéger efficacement leurs intérêts communs ?
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