Entretien
ANNULATION DE LOTISSEMENTS ET SUPPRESSION DE CERTAINES PARTIES DES PUD DE MALIKA ET DE GUÉDIAWAYE : « Bon nombre d’impactés risquent de devenir bientôt des sans-abri », dixit Babacar Mbaye Ngaraf
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par
Le Dakarois
Dans un entretien exclusif accordé au « Dakarois Quotidien », Babacar Mbaye Ngaraf, président de l’Alliance Sauver le Sénégal et coordonnateur de la plateforme « Nay Leer », aborde des sujets d’actualités :
les failles du Plan Directeur d’Urbanisme (PUD) et les défis de l’école sénégalaise. Entre appels à la transparence et plaidoyer pour l’éducation, il en appelle à des solutions justes et urgentes.
Selon vous, quelles sont les failles du Plan Directeur d’Urbanisme (PUD) ?
Permettez-moi d’abord de rappeler que le PUD n’est pas né ex nihilo. C’est une réponse à une forte demande des populations, exprimée en toutes occasions. Dans ses efforts de développement, Guédiawaye se heurtait de plus en plus à un problème d’espace pour disposer de certains équipements et infrastructures indispensables à son rang de ville moderne. Ne pouvant s’étendre que sur la zone nord occupée par la bande des filaos qui, morte depuis plusieurs années, avait fini par céder la place à des niches de dépôts sauvages d’ordures et de lieux de retrait de malfrats. C’est dans ces conditions que des consultations et échanges ouverts à tous ont permis d’élaborer un plan d’aménagement du littoral en prenant en compte toutes les préoccupations et observations.
Par rapport à votre question, je pense que si on doit parler de failles, cela doit être à deux niveaux :
• L’aménagement d’équipements et d’habitations sur le domaine public maritime.
• La non-prise en compte de l’existant, c’est-à-dire les détenteurs de titres trouvés sur place.
Le Premier ministre avait pris des dispositions relatives à l’annulation de certains lotissements, attributions de parcelles et la suppression de certaines parties des PUD de Guédiawaye et de Malika. Quelles appréciations en faites-vous ?
Du comité ad hoc, on attendait une réponse à la lancinante problématique du foncier, mais on a l’impression d’avoir plutôt des recommandations aggravantes de la situation, avec des risques de multiplication des problèmes. On ne propose pas comme solution d’éteindre le feu en y versant de l’huile.
Les notaires, les inspecteurs des impôts et les avocats membres du comité ad hoc peuvent-ils se taire face à des idées d’annuler des lotissements où des gens disposent de droits réels ayant donné lieu à des transactions (cessions, hypothèques, garanties ou apports à des projets) ? Un État ne viole pas la loi sous prétexte d’apporter des corrections. S’il y a des abus et des errements, il faut sanctionner les fautifs sans faire du tort au citoyen lambda qui, peut-être, a été victime d’un fonctionnaire véreux à qui il avait fait confiance en considérant son rang et sa conscience.
Quelles sont vos arguments pour étayer votre constat ?
Pour les PUD de Guédiawaye et Malika, les populations n’ont qu’inquiétude, même si on a satisfaction pour les mesures sur la partie océanique :
• Les impactés par le PUD (c’est-à-dire les possédants de parcelles existantes avant PUD) ne savent pas où donner de la tête, tandis que les particuliers attributaires de lots peinent à obtenir un quitus de mainlevée après neuf longs et pénibles mois d’attente. Aujourd’hui, ils ont beaucoup plus besoin, avant tout, de la levée des mesures de suspension prises par le Directeur Général des Impôts et Domaines sur le PUD afin de pouvoir disposer de leurs baux, implanter et identifier leurs lots. Il en est de même pour la Mairie de la ville, « maître d’ouvrage dudit PUD », qui ne sait même pas où se trouvent ses propres équipements.
• Les lotissements dits Yeumbeul Nord, près de Gadaye et Malika, sites de recasement des impactés du BRT, VDN 2 et VDN 3, sont victimes d’extrapolations des mesures concernant le PUD. Ce sont des lotissements sur le domaine national qui datent de 2016, donc antérieurs au PUD de 2023. Du fait des mesures, ceux qui étaient en construction voient leurs matériaux se dégrader et se faire voler. Pire, leurs ressources financières, tirées des indemnisations, se volatilisent gravement sous l’effet du loyer (référence faite aux expropriés par l’État dans le cadre de la réalisation du BRT et du prolongement de la VDN).
Quelles sont les conséquences alors ?
Au rythme où vont ces mesures, la seule chose sûre et certaine est que bon nombre d’impactés risquent de devenir bientôt des « sans-abris ». On ne peut pas prendre des mesures sans penser au sort des victimes qu’elles feront, lesquelles victimes n’ont pourtant commis aucune faute pour être sanctionnées.
J’en profite pour inviter le Premier ministre à penser à ses administrés, ces populations qui, sans avoir commis aucune faute, sont aujourd’hui victimes des calomniateurs, maîtres dans la médisance sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on a l’impression que dans notre pays, avoir des biens acquis à la sueur de son front, après un dur labeur, est un délit. Les « Gorgorlous » qui sacrifient leur sommeil, leur repos, quelquefois même leur santé pour sortir la tête de l’eau, sont la proie facile d’autres Sénégalais autoproclamés lanceurs d’alerte. On est en train de tuer le défi de réussir, la rage de vaincre dans le respect des lois et règles.
Parlons de l’éducation, il est enregistré de jour en jour des dépôts de préavis de grève. En tant que syndicaliste, ne craignez-vous pas de nouvelles perturbations scolaires ?
L’école sénégalaise a perdu trop de temps ces dernières années, faute de gestion par anticipation des luttes syndicales. Les gouvernants attendaient toujours que la situation soit pourrie pour ouvrir des négociations.
Avec les nouvelles autorités, on espère ne pas connaître ces situations. Le chef du gouvernement maîtrise très bien les problèmes des enseignants. Il a toujours exprimé et manifesté sa solidarité avec nos revendications. C’est ce qu’il pouvait faire à l’époque, car il n’avait aucun pouvoir d’agir. Aujourd’hui qu’il a les commandes, on est sûr que beaucoup de revendications trouveront satisfaction. Les syndicats ne demandent jamais l’impossible. Si le gouvernement ne refuse pas le possible, ensemble, on relèvera les défis d’une école publique de qualité.
L’agression physique sur les enseignants commence à devenir monnaie courante. On ne peut plus se contenter de simples communiqués de condamnation sans aucune mesure pour parer à des éventualités. Il faut se pencher en urgence sur les problèmes de déficit d’enseignants, le manque de moyens conformes au curriculum, l’iniquité par rapport aux élèves des classes spéciales (classe à double flux, classe multigrade), les abris provisoires, et la situation des autres décisionnaires non pris en compte dans la signature du récent protocole. Il faut aussi régler les surimpositions et les indemnités de correction au CFEE, ainsi que les sujétions des directeurs d’école.
Le Dakarois
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