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Cédéao: un départ du Mali, du Niger et du Burkina, après des mois de tension
-
par
Le Dakarois
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso claquent la porte de la Cédéao. Les juntes militaires des trois pays ont annoncé, au soir de dimanche 28 janvier, quitter l’instance sous-régionale « avec effet immédiat ». « La Cédéao est devenue une menace pour ses États-membres et ses populations », ont justifié les militaires dans un communiqué conjoint. Cette annonce intervient après des mois de tensions entre les pays de l’Alliance des États du Sahel et la Cédéao. « Le retrait des trois juntes de la Cédéao menace notre sécurité collective », a déclaré à RFI Timothy Kabba, ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone, membre de la mission de médiation de la Cédéao au Niger
La rumeur d’un tel départ avait déjà agité le microcosme politique ouest-africain, en décembre, avant le dernier sommet de l’organisation sous-régionale. Déjà très fortes à l’époque, les tensions se sont accentuées, ces dernières semaines, entre la Cédéao et le Niger, le dernier chapitre étant l’échec, jeudi 25 janvier, d’une mission à Niamey de l’organisation sous-régionale, une mission de négociations dont un premier voyage, début janvier, avait été repoussé par les autorités nigériennes.
Après le coup d’État de juillet dernier, la Cédéao a durement sanctionné le pays, comme elle l’avait fait pour le Mali, en 2020, suite, là aussi, au renversement du pouvoir par les militaires. Cet été, elle avait même menacé les putschistes nigériens d’un recours à la force. Tour à tour, les trois pays ont été suspendus des instances de la Cédéao.
Depuis de longs mois, c’est un véritable dialogue de sourds qui s’est installé entre Bamako, Ouagadougou, Niamey et l’organisation sous-régionale, à la fois au sujet des sanctions économiques, de la lutte contre le terrorisme et du retour au pouvoir des civils.
Pour les trois juntes, la Cédéao, « est devenue une menace pour ses États membres et ses populations » et ce « sous l’influence de puissances étrangères ». C’est ce qu’elles écrivent dans un communiqué conjoint diffusé dimanche soir. La rupture est donc consommée. On notera que cette annonce intervient non seulement au retour d’une tournée diplomatique de Lamine Zeine, Premier ministre nigérien – tournée dont l’étape principale était Moscou – mais aussi après la livraison gratuite, par la Russie, de 25 000 tonnes de blé au Mali et au Burkina Faso.
Vers un renforcement de l’AES
Les trois pays semblent se diriger maintenant vers un renforcement de leur coopération au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette structure a été créée, le 16 septembre dernier, d’abord pour lutter contre les groupes jihadistes, mais la charte du Liptako-Gourma, signée entre les trois États, dépasse le simple cadre militaire, en témoigne cette clause de défense collective inscrite dans le texte.
La coopération se veut donc également politique, diplomatique et économique. Des réunions entre ministres de l’Économie et des Affaires étrangères des trois pays ont eu lieu ces derniers mois pour structurer l’architecture de l’Alliance. Fin décembre, les Premiers ministres des trois pays étaient à Niamey pour annoncer leur volonté d’avancer sur des projets communs, notamment en matière d’infrastructures routières et ferroviaires.
Il se murmure qu’à court terme, l’accent pourrait d’abord être mis sur l’aérien avec le développement de l’aéroport de Ouagadougou. Celui-ci deviendrait ainsi une sorte de hub pour les pays de l’Alliance.
« Le retrait des trois juntes de la Cédéao menace notre sécurité collective »
La Cédéao se dit prête à une « solution négociée » après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a exprimé, dimanche, sa volonté de sortir de l’impasse politique créée par l’annonce du retrait de ces trois pays, une solution oui, mais sur quelles bases ?
Joint par RFI, Timothy Kabba, ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone, l’un des quinze pays membres du bloc régional, fait partie également de la mission de médiation de la Cédéao au Niger. Pour lui, ce retrait risque de déstabiliser la région.
RFI : Quelle est votre réaction à cette annonce ?
Timothy Kabba: C’est une nouvelle assez inquiétante, bien qu’elle soit attendue parce que ces trois pays avaient laissé entendre, l’année dernière, qu’ils allaient former l’Alliance des États du Sahel, ce qui signifie qu’ils allaient se retirer du bloc. Mais la Cédéao saisira l’occasion pour s’assurer que ces membres importants de notre communauté ne se retirent pas et ne sortent pas de la communauté. Cette décision est une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de toute la communauté parce que ces trois pays sont confrontés non seulement à leur instabilité politique, mais aussi aux groupes terroristes comme le mouvement al-Qaïda et Daech et, donc, c’est un peu inquiétant si ces pays font cavalier seul.
Mais le processus lui-même exige que tout pays désireux de se retirer doit exprimer formellement sa demande auprès de la Cédéao et qui sera ensuite examiné dans un délai d’un an. Mais pendant cette période, cet État doit continuer à se conformer à ses obligations. J’espère donc que la demande de retrait sera retirée, étant donné que notre sécurité collective est cruciale.
Quelles mesures peut prendre la Cédéao pour faire changer d’avis ces trois pays ?
Je pense que les chefs d’État vont se réunir et qu’il y aura un sommet imminent au cours duquel les dirigeants évalueront la situation et trouveront la meilleure solution. Je crois que la meilleure solution est une solution diplomatique. Et je pense que nous continuerons à être patients avec nos frères du Niger, du Mali et du Burkina Faso pour trouver une solution à l’impasse politique dans laquelle se trouvent ces pays.
En annonçant leur retrait, ces pays ont accusé l’organisation de ne pas les avoir assez soutenus. Est-ce que c’est un argument valable ?
Non, pas à mon avis. Je pense que la Cédéao a ouvert la porte à la négociation lors du 64ᵉ sommet des chefs d’État et de gouvernement. Il était clair, lors de cette rencontre, que l’organisation régionale avait déjà assoupli ses restrictions de voyage imposées aux chefs de ces différents gouvernements et elle avait également ouvert la voie à la médiation.
J’étais l’un des ministres des Affaires étrangères chargés par la Cédéao d’entamer des négociations avec les autorités nigériennes et malheureusement, le jeudi 25 janvier, nous n’avons pas pu nous rendre au Niger où nous étions attendus par les autorités nigériennes pour entamer des discussions sur la transition, car l’avion loué par la Cédéao a eu un problème technique à Abuja et nous n’avons donc pas pu participer à cette mission de médiation. Mais la Cédéao va s’assurer que ces membres importants de notre communauté ne se retirent pas du bloc.
Que représentent ces trois pays pour la Cédéao ?
Il faut rappeler que le Niger, le Mali et le Burkina Faso représentent géographiquement plus de la moitié de la superficie de la Cédéao et 15 % de sa population. Ils sont donc très importants. Il y a des répercussions plus graves encore parce que ces pays sont liés culturellement et géographiquement et nous avons une longue histoire de coopération et d’interdépendance. Je pense donc qu’il serait une bonne chose que nous trouvions un moyen de sortir de cette impasse.
Craignez-vous que d’autres pays puissent emboiter le pas du Mali, Niger et du Burkina Faso ?
e ne suis pas convaincu que d’autres pays vont se ranger du côté de ces trois pays et choisir de quitter la Cédéao. Le monde est confronté à une myriade de défis allant du changement climatique aux insurrections terroristes et violentes et n’importe quelle nation voudrait faire partie d’une organisation qui fera face à ces défis interminables.
Faire partie de la Cédéao, cela a-t-il encore un sens aujourd’hui ?
Je pense que la Cédéao est toujours pertinente. Je parle en tant que ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone. Je suis conscient de la contribution de la Cédéao à la restauration de la démocratie et de la paix en Sierra Leone, au Liberia, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau et en Gambie, et je pense donc que la Cédéao a les outils pour rassembler ces pays et lutter pour le bien commun de notre région.
Je pense que ces trois pays méritent d’être entendus et je pense que leurs populations méritent de vivre en paix et sous un régime constitutionnel. C’est donc le rôle que nous allons jouer en tant que collectivité au sein de la communauté pour veiller à ce que ces pays respectent l’ordre constitutionnel et nous allons joindre nos efforts à ceux de nos frères du Sahel dans la lutte contre le terrorisme.
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