
Alors que le terrorisme djihadiste s’enracine dans le Sahel et s’étend bien au-delà, la CEDEAO, conçue à l’origine pour favoriser l’intégration économique, se voit propulsée au premier plan des enjeux sécuritaires. Désormais confrontée à des défis multidimensionnels — effondrement étatique, pressions populaires, désaccords politiques -, l’organisation ouest-africaine est à la croisée des chemins. Pour rester pertinente, elle doit repenser son rôle, renforcer son action et restaurer la solidarité entre ses membres.
Face à la montée fulgurante des violences djihadistes dans le Sahel et au-delà, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), d’abord communauté économique est devenue malgré elle un bouclier politique et sécuritaire. L’organisation en proie à des défis majeurs se retrouve à un tournant historique. Entre désunion régionale, pression populaire et attente internationale, la lutte contre le terrorisme s’impose comme l’enjeu existentiel du projet ouest-africain. Mais encore faut-il une stratégie à la hauteur des défis.
Ouagadougou, Bamako, Niamey, les capitales tombent les unes après les autres dans le piège du chaos sécuritaire. Depuis plus de dix ans, le Sahel central vit au rythme des attentats, enlèvements, exactions communautaires et replis étatiques. Le djihadisme, autrefois cantonné aux confins nord-maliens, s’est métastasé dans une douzaine de pays, traversant frontières et régimes avec une facilité déconcertante. En 2024, plus de 10 000 civils ont été tués dans des attaques liées à des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique. Une hécatombe silencieuse.
Créée en 1975 pour promouvoir l’intégration économique, la CEDEAO n’a jamais été conçue pour la guerre. Pourtant, face à l’effondrement sécuritaire du Sahel et à l’impuissance des États individuellement, elle n’a eu d’autre choix que d’endosser une responsabilité militaire. Mais la mue d’une organisation commerciale en acteur sécuritaire n’a rien d’évident.
En 2019, elle adopte une « stratégie régionale de lutte contre le terrorisme » articulée autour d’un plan d’action prioritaire 2020-2024. Sur le papier, tout y est : partage de renseignement, renforcement des capacités nationales, lutte contre les financements illicites via le GIABA, et même un embryon de force d’intervention rapide. Mais à l’épreuve du terrain, les effets restent dérisoires.
Crise de leadership et fractures internes
Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO — au profit d’une improbable et risible Alliance des États du Sahel (AES) — a profondément fissuré la solidarité ouest-africaine. Ces trois pays, dirigés par des juntes militaires, prétextent l’inaction de l’organisation face à leur insécurité chronique pour s’éloigner et maintenir ainsi des putschistes au pouvoir. Pendant que les militaires jouissent du pouvoir dans les palais, les villages brûlent au Burkina et les routes sont désertées au centre et à l’ouest du Mali.
La CEDEAO a pris des sanctions économiques contre les régimes putschistes et a même un temps agité la menace d’une intervention armée mais elle n’est pas allée au bout du fait de réticences in ko ternes et de pression des peuples.
« Nous ne pouvons pas lutter efficacement contre une menace transnationale si nous restons enfermés dans des querelles d’ego et des postures politiques », tranche un diplomate nigérian de haut rang. « Le terrorisme se moque des frontières. Il se nourrit de nos divisions. »
Les experts s’accordent : la CEDEAO a posé les bases d’une architecture régionale de sécurité. Mais celle-ci souffre d’un défaut majeur de mise en œuvre. Manque de financement — le prélèvement communautaire de 0,5 % reste lettre morte dans plusieurs pays. Absence de coordination militaire — chaque armée suit sa propre doctrine, parfois dans l’opacité. Faiblesse du renseignement partagé — les services se méfient les uns des autres.
L’heure des choix audacieux
Pour sortir de l’impasse, la CEDEAO doit impérativement changer de braquet. Il s’agit entre autres de professionnaliser une véritable force régionale interopérable, capable de traquer les groupes armés dans les zones transfrontalières. Une sorte de GIGN ouest-africain, doté d’un mandat robuste et d’un soutien logistique extérieur.
Par ailleurs, la guerre ne se gagnera pas uniquement par les armes. Le terrain du développement reste le plus durable. Investir dans l’éducation, les infrastructures rurales, l’emploi des jeunes, voilà les vraies barrières contre la radicalisation. Car un jeune qui a un avenir ne prend pas les armes.
Le financement des groupes jihadistes reste l’un des angles morts de la lutte. Or, ces organisations prospèrent grâce à une économie criminelle parallèle : orpaillage illégal, trafic de carburant, extorsion, et transferts via les réseaux informels. La CEDEAO, avec le soutien du GIABA, doit imposer une traçabilité renforcée des flux financiers, harmoniser les législations nationales et créer un registre régional des entités suspectes.
Enfin, la CEDEAO doit sortir de son isolement stratégique. Le renforcement des partenariats internationaux — notamment via l’initiative d’Accra, l’Union africaine ou encore l’ONU (résolution 2719) — est crucial pour mutualiser les efforts, éviter les duplications et bénéficier de technologies de pointe. Le monde regarde l’Afrique de l’Ouest ; à elle de montrer qu’elle peut être actrice, et non simple victime.
L’Afrique de l’Ouest n’a plus le luxe de l’attentisme. La menace jihadiste est une hydre à têtes multiples, qui se régénère chaque jour dans les failles de l’État, la misère sociale et les rivalités politiciennes. L’AES soutenue par la Russie aux visées impérialistes et aux actes de pillage à peu de frais des ressources naturelles de la zone constitue un danger pour la démocratie et la stabilité de la sous-région. Si la CEDEAO veut éviter de devenir une coquille vide, elle doit opérer sa propre révolution : passer du verbe à l’acte, du sommet à la base, de la réaction à l’anticipation.
Son avenir et celui de près de 400 millions d’Ouest-Africains, en dépend.
Mamadou Cissé
Journaliste-Specialiste des idées populistes
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