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Les Houthis, le groupe yéménite qui défie les États-Unis en mer Rouge

Les Houthis, le groupe yéménite qui défie les États-Unis en mer Rouge

Les Houthis ont menacé vendredi de s’en prendre aux intérêts américains et britanniques, qu’ils considèrent désormais comme “cibles légitimes”. La veille, des sites utilisés par ce groupe rebelle yéménite ont été bombardés par Londres et Washington. Depuis plusieurs semaines, les Houthis attaquent des navires qu’ils disent liés à Israël en mer Rouge, en solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Qui sont les Houthis ? Que recherchent-ils ? Décryptage.

“Les Américains et les Britanniques ne doivent pas croire qu’ils échapperont au châtiment de nos forces armées héroïques (…)  Tous les intérêts américano-britanniques sont devenus des cibles légitimes”. 

Assez claires, ces menaces ont été proférées, vendredi 12 janvier, par le Conseil politique suprême des Houthis, haute instance des rebelles yéménites, et relayées par leurs médias officiels.

C’est la réponse du groupe armé aux 73 frappes menées dans la nuit par les armées américaine et britannique contre des sites au Yémen, faisant cinq morts et six blessés, selon un bilan avancé par le porte-parole militaire des Houthis. 

L’opération a été menée en riposte à plusieurs semaines d’attaques contre des navires marchands en mer Rouge par les Houthis soutenus par l’Iran. Les rebelles yéménites affirment viser les bateaux liés à Israël en “solidarité” avec les Palestiniens de Gaza.

De leur côté, les États-Unis, le Royaume-Uni et huit de leurs alliés ont assuré, dans une déclaration commune vendredi, que leur but est de “restaurer la stabilité en mer Rouge”. 

Puissance militaire

Mais l’opération américano-britannique vient matérialiser les craintes d’une propagation régionale de la guerre entre Israël et le Hamas, qui fait rage dans la bande de Gaza. 

D’autant plus que “les Houthis possèdent des moyens militaires importants”, rappelle le correspondant de France 24 en Iran, Siavosh Ghazi.

La puissance militaire du groupe, qualifié vendredi de “terroriste” par le président américain Joe Biden, a été estimée il y a plusieurs années à environ 200 000 combattants, rappelle l’AFP. Des hommes bien entraînés et habitués à combattre sur le terrain aride et montagneux du Yémen.

Après avoir pris le contrôle de la capitale Sanaa en 2014 et forcé le gouvernement internationalement reconnu à se réfugier dans le sud, les Houthis se sont emparés de vastes étendues du pays, en particulier dans le nord. 

Né dans les années 1990, ce mouvement d’obédience chiite a déjà mené des attaques contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, tous deux membres d’une coalition qui soutient le gouvernement yéménite contre les Houthis depuis 2015.

Considérés depuis comme une menace sérieuse par les pays voisins du Golfe, leurs missiles de longue distance et leurs drones sont développés, selon leurs opposants, à partir de la technologie iranienne.

Mais, avec ou sans l’appui de l’Iran, en matière de petits projectiles et drones, “un rien est efficace”, relève Gauthier Rybinski, chroniqueur international de France 24. “Tout ce qui est de l’ordre de la propulsion peut-être bricolé sur place, y compris avec ce que l’on trouve via Internet, et l’efficacité de ce genre d’engin est tout à fait prouvée”.

Avec des missiles d’une portée dépassant parfois les 1000 km, les Houthis visent non seulement des navires marchands, mais tentent aussi de cibler le port israélien d’Eliat, rappelle Siavosh Ghazi. 

Toutefois, jusqu’à présent, les défenses anti-aériennes israéliennes interceptent sans trop de difficultés ce type d’attaque, nuançait toutefois, fin novembre, Danilo delle Fave, spécialiste des questions de sécurité internationale. 

“Iranisation” et parrainage des Mollah

Outre leur force de frappe locale, les Houthis peuvent compter sur le soutien de leur allié iranien. Téhéran a condamné vendredi les frappes aériennes visant contre des cibles rebelles au Yémen, dénonçant une “violation flagrante de la souveraineté” de ce pays.

L’appartenance des Houthis à l’islam chiite est fréquemment invoquée pour expliquer leur proximité avec l’Iran. Mais s’il s’agit d’une milice sectaire d’obédience chiite, leur chiisme “n’est pas exactement celui des Iraniens. Ces derniers sont duodécimains et les Houthis, zaydites”, rectifie David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (éd. L’Harmattan). 

Cette mouture locale du chiisme “n’est d’ailleurs pas nécessairement bien perçue” par le régime des Mollah, abonde Gauthier Rybinski sur le plateau de France 24.

Pourtant, ces dernières années, “la confessionnalisation de la région, ainsi que des rivalités géopolitiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ont favorisé un rapprochement de plus en plus marqué des Houthis avec Téhéran, une ‘iranisation’ du chiisme yéménite. Ceci fait que l’agenda yéménite est de plus en plus indexé sur l’agenda régional iranien”, analyse David Rigoulet-Roze.

Cette “iranisation” est aussi une affaire d’armes, rappelle, de l’autre côté de l’Atlantique, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain : “Les Houthis appuient sur la gâchette mais ce sont les Iraniens qui fournissent le pistolet”, résumait John Kirby sur CNN vendredi.

Pour autant, la proximité avec le régime des Mollah n’est pas nécessairement un facteur supplémentaire d’escalade, selon Danilo delle Fave, de l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona : “Téhéran n’a pas forcément intérêt à ce que le commerce maritime dans le canal de Suez soit trop perturbé, car une partie du pétrole et du gaz qui y passe est à destination de la Chine, qui est l’alliée de l’Iran”.

Popularité et “axe de résistance”

Endeuillés par la mort de milliers de combattants en une décennie, les Houthis continuent d’attirer de jeunes recrues dans un pays d’environ 30 millions d’habitants, aux prises avec l’une des pires catastrophes humanitaires au monde.

“Les Houthis se mobilisent, au même titre que d’autres supplétifs pro-iraniens de la région comme le Hezbollah libanais (…) pour participer de manière élargie à ce qui est qualifié de ‘Mouqawama’ (‘résistance’ en arabe, NDLR) contre Israël, en soutien au Hamas dans sa confrontation avec l’armée israélienne” explique David Rigoulet-Roze.

En attaquant en mer Rouge, au nom de la cause palestinienne, des navires liés à Israël et aux États-Unis, les Houthis se sont offert une visibilité mondiale et ont rallié leur base populaire tant au Yémen que dans les pays voisins, constatent les observateurs de cette région du monde.

Au Yémen, des centaines de milliers de personnes ont répondu vendredi à l’appel des Houthis à manifester à Sanaa contre les frappes des États-Unis et du Royaume-Uni.

La foule a rempli la place Sabyine, au cœur de Sanaa. Dans une forêt de drapeaux yéménites et palestiniens, on distingue le portrait du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, mais surtout, de celui des Houthis : Abdelmalek al-Houthi, 44 ans, fils d’un éminent religieux, parvenu à la tête du mouvement après la mort de son frère, en 2004. 

En deux décennies, cet homme discret a transformé un groupe de rebelles en une puissante milice qui, désormais, défie le gendarme américain en mer Rouge.

France24


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