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Réforme des cautions locatives au Sénégal : entre avancée sociale et rejet des bailleurs

Une nouvelle réforme en matière de logement fait débat au Sénégal. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Falilou Keïta, a récemment annoncé que l’État travaille à un mécanisme permettant aux locataires de verser directement leur caution à la CDC, au lieu de la remettre aux bailleurs comme cela se fait actuellement. Une annonce qui suscite déjà une vive controverse entre les différents acteurs du secteur locatif.

Pour certains observateurs, cette réforme représente une avancée notable. Momar Ndao, président de la Commission de régulation des loyers, estime qu’il s’agit d’un pas vers plus de justice et de transparence dans les relations locatives. En plaçant la CDC comme tiers de confiance, le système garantirait la restitution de la caution au locataire en fin de bail, tout en épargnant au bailleur l’obligation de rembourser de grosses sommes d’un seul coup.

Par ailleurs, la réforme pourrait être bénéfique sur le plan fiscal. « Beaucoup de bailleurs échappent encore à l’impôt. Ce système permettra de les identifier et de rendre visible leur activité économique », a affirmé M. Ndao dans les colonnes de L’Observateur.

Du côté des locataires, les réactions sont mitigées. Si certains saluent une initiative qui pourrait renforcer leurs droits, d’autres s’inquiètent des modalités concrètes d’application, notamment dans un contexte où les baux oraux restent très fréquents au Sénégal.

Me Bassirou Sakho, vice-président de l’Association de défense des locataires du Sénégal, souligne la nécessité de rendre le dispositif simple et accessible à tous. Il évoque des problèmes potentiels liés à la restitution des cautions, à la gestion des litiges et à la complexité juridique du système pour une population dont une partie reste analphabète ou peu familiarisée avec les démarches administratives.

« Si un bailleur refuse le système CDC, il peut tout simplement ne pas louer. En matière contractuelle, les parties sont libres », ajoute-t-il, appelant néanmoins à une concertation inclusive pour éviter les erreurs du passé, comme la loi sur la baisse des loyers de 2014, restée largement inappliquée.

Mais c’est du côté des propriétaires que la réforme provoque la réaction la plus virulente. Ibrahima Ndiaye, président de l’Association des bailleurs du Sénégal, rejette en bloc cette mesure qu’il juge intrusive et injustifiée.

« C’est hors de question. Si la CDC a besoin d’argent, qu’elle cherche ailleurs, pas dans les cautions des bailleurs », a-t-il lancé, dénonçant une charge supplémentaire pour une profession déjà confrontée à de nombreuses difficultés : impayés, litiges avec les locataires, procédures judiciaires coûteuses et absence de soutien étatique.

Pour lui, cette réforme accentuerait la pression sur des bailleurs déjà fortement imposés. Il affirme que depuis l’arrivée des nouvelles autorités, la situation fiscale des propriétaires s’est dégradée : « Rien qu’en 2024, nous avons recensé 111 redressements fiscaux, représentant plusieurs milliards de francs CFA ».

Entre les objectifs de justice sociale portés par l’État et les inquiétudes — voire la colère — des bailleurs, cette réforme s’annonce comme un chantier sensible. Pour réussir, elle devra non seulement clarifier ses modalités d’application, mais aussi convaincre les propriétaires et les locataires de son utilité et de son équilibre.


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