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Au Tchad, le siège de la DDS rasé, la «piscine» d’Hissène Habré encore présente

Le siège de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), police politique du régime d’Hissène Habré, a été démoli. La plus célèbre prison politique est en revanche toujours là.

Plusieurs témoins ont observé la semaine dernière la présence d’un bulldozer sur le site de la « piscine » et du siège de la Direction de la documentation et de la sécurité. Selon nos informations, si le bâtiment de la DDS a bien été détruit, celui de la piscine ne l’est finalement pas, contrairement à ce qui avait été rapporté à RFI dans un premier temps.

Pour le vérifier, Me Jacqueline Moudeïna, avocate principale des victimes du régime Habré, a été invitée à se rendre sur place ce samedi matin, dans l’enceinte de la présidence tchadienne, par le secrétaire général de la présidence, Mahamat Ahmat Alhabo. Elle a retrouvé ce bâtiment semi-enterré complètement délabré, mais a pu constater qu’il avait été épargné par les bulldozers. Autour, l’ancien siège à l’abandon de la Direction de la documentation et de la sécurité et ses annexes ont, eux, bien été rasés. 

Si l’association des victimes du régime d’Hissène Habré a cru à la destruction totale du complexe, et a alerté les ONG de défense des droits de l’homme et RFI, c’est parce que de la rue, de loin, la silhouette de la piscine est difficilement visible. Ce qui a induit en erreur ses représentants, reconnaissent-ils aujourd’hui. « Quand on vient de la ville, évidemment, vous ne voyez pas la piscine du tout. Vous voyez un terrain complètement plat. On peut penser que la piscine a été rasée, parce que le bâtiment de la DDS est plus haut », justifie Jacqueline Moudeïna.

Les victimes, à l’instar du député de la transition Clément Abaïfouta, ancien président de l’association des victimes du régime d’Hissène Habré, craignaient qu’elle ne soit détruite comme la DDS. Clément Abaïfouta avait écrit au président Mahamat Idriss Déby pour demander l’arrêt des travaux et rappeler les promesses faites aux victimes, des résolutions de la conférence nationale de 1993 à celles du dialogue de 2022, de transformer le lieu en musée. Ce qu’avait également décidé la justice tchadienne lors de la condamnation de vingt anciens tortionnaires du régime en 2015. « Des travaux avaient été ordonnés par Idriss Déby et des fonds décaissés, mais rien n’a été fait et l’argent est parti ailleurs », déplore Clément Abaïfouta. Jacqueline Moudeïna rappelle ce samedi que c’est l’ensemble des bâtiments qui devait être transformé en musée ou en site mémoriel. Elle demande donc aux autorités de sauver ce qui peut l’être, et dit ne pas avoir obtenu de réponse quant à l’utilisation prochaine du terrain. « Le bureau de la DDS a servi à enregistrer tous ceux qui étaient arrêtés, et dans ce bureau, il y a plusieurs salles, dont des salles de tortures. Une fois que les gens avaient été torturés, ils étaient envoyés à la piscine, érigée en prison. »

Dans les années 1980, la DDS avait transformé cette piscine datant de l’époque coloniale en lieu de détention et de torture. Des milliers de personnes y ont laissé la vie, et les exactions qui y ont été commises ont permis en 2016 la condamnation d’Hissène Habré pour crimes contre l’humanité lors d’un procès historique à Dakar.

Les autorités n’ont jusqu’à présent pas communiqué sur le sujet. La présidence souhaiterait utiliser cet espace pour construire un parking ou un nouveau bâtiment. Les survivants, eux, voient cette destruction comme un nouvel affront aux victimes, et rappellent que les indemnisations promises lors du procès d’Hissène Habré – quelque 82 millions de francs CFA – n’ont toujours pas été versées. Ils ont donc saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le combat n’est pas terminé.

rfi


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