Politique
Alioune Tine : « On a l’impression qu’il se met en place petit à petit un État pastefien »
-
-
par
Le Dakarois
![](https://ledakarois.sn/wp-content/uploads/2024/06/aliounetine_9.jpg)
Après deux mois d’exercice du pouvoir, la rupture ‘’systémique’’ criée sur tous les toits reste un effet d’annonce. Dérogeant à la règle des 100 jours, au cours d’une table ronde sur le bilan de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 organisée ce jeudi par l’Association sénégalaise de droit constitutionnel (Asdc), Alioune Tine s’interroge sur les premiers actes posés par le nouveau régime. Selon lui, le système est en train de phagocyter l’antisystème, car, estime-t-il, « on a l’impression qu’il se met en place petit à petit un État pastéfien ».La figure de proue de la société civile sénégalaise a également mis en garde, au cours de cette rencontre, contre une dualité, source de tension au sommet de l’État, entre Bassirou Dionaye Faye, qui a une « dette politique » sur les épaules et son Premier ministre Ousmane Sonko, qui a « une surcharge de légitimité ». Le fondateur d’Afrikajom Center, dont le rôle a été décisif dans la résolution de la crise politico-électorale de février-mars 2024, a dressé le bilan de ce processus électoral qui a failli plonger le Sénégal dans l’abîme.
Seneweb publie in extenso la réflexion-bilan dressée par Alioune Tine sur cette séquence assez récente de l’histoire politico-électorale du Sénégal (les intertitres sont de la rédaction).
Stratégie foireuse de conservation du pouvoir
« Aujourd’hui, on va s’intéresser à la stratégie de Macky Sall de conserver le pouvoir puis de proroger le mandat. Il a plus ou moins rejeté Amadou Ba qui est le candidat de la mouvance présidentielle. Mais aussi, le candidat légitime de l’opposition (Ousmane Sonko) n’a pas été sur la ligne de départ. La question de la succession et de la conservation du pouvoir doit être analysée. On n’a pas l’habitude de travailler sur le pouvoir et sur les mutations de ce qu’on appelle la démocratie représentative qui est à bout de souffle et en fin de cycle un peu partout dans le monde ».
« En Europe par exemple, on assiste à la montée de l’extrême droite et des mouvements antidémocratiques. Ici, chez nous en Afrique, ce sont les coups d’État militaires. Nous au Sénégal, notre démocratie elle est de l’ordre de l’imprévisible, du miracle. Quand j’entends dire la décision historique du Conseil Constitutionnel du 15 février 2024. Alors qu’il ne s’agit que d’une décision normale qui a été surinterprétée, miraculeuse. Tout cela montre que nous sommes dans des mutations. Et en même temps, la contradiction qu’il y a avec ce besoin énorme de changement. C’est cela que nous allons essayer d’analyser rapidement ».
Les dangers de l’hyperprésidentialisme
« En réalité tous les dysfonctionnements que nous avons vus sont délibérés, provoqués et sont des atteintes à la démocratie comme régime politique et à la démocratie électorale. C’est là où il faut mettre le doigt sur la toute-puissance de l’hyperprésidentialisme. En réalité, l’état de droit est né du caractère impersonnel de la loi face au pouvoir personnel des monarques. Parce que l’État de droit est né au 16e siècle bien avant la démocratie. Sans parler effectivement du caractère tout à fait équivoque du mot démocratie : gouvernement représentatif, État représentatif…mais la démocratie c’est au tirage au sort ».
« Garder le pouvoir, prolonger le pouvoir. Par le 3e mandat, Macky Sall a voulu garder le pouvoir, en abolissant toute possibilité de dauphin dans son entourage. Mais avec l’échec de ce projet du 3e mandat du fait de la résistance organisée, il a essayé d’avoir la prolongation du mandat. Par rapport à l’ampleur des dysfonctionnements, il y a eu l’organisation de la résistance. C’est à ce moment qu’on peut dire qu’on assiste à l’émergence d’une société démocratique avec un peuple vigilant, un peuple véto ».
« Je ne suis pas d’accord avec l’invalidation de la candidature de Sonko et Karim Wade »
« À ce niveau l’expérience des luttes sociales et politiques antérieures (1968, 1988, 1993, le 23 juin 2011), la sédimentation de ces expériences a joué un rôle. Au Sénégal on n’a jamais eu une organisation des différents segments de la société. Les pétitions qui sont sorties, cette formation discursive a servi de levier aux différents mouvements sociaux : Jammi Rewmi, le F24, Aar Sunu élection qui est venue à un moment clé marqué par le report de l’élection présidentielle. La mobilisation des candidats retenus a été décisive aussi ».
« S’il y a un paramètre qui a échappé à Macky Sall et qui a tout chamboulé, c’est : Bassirou Diomaye Faye. La validation de la candidature de Diomaye a été un moment de déstabilisation du régime. C’est à ce moment que beaucoup de choses se sont passées avec le report, les accusations du Pds contre les juges du Conseil Constitutionnel. Je voudrais également dire au passage que je ne suis pas d’accord avec le Conseil Constitutionnel sur l’invalidation de la candidature de Ousmane Sonko et la candidature de Karim Wade. Parce qu’au moment où ils délibéraient, Karim avait déjà renoncé à sa nationalité française ».
Surcharge de légitimité vs dette politique/Sonko vs Diomaye
« Maintenant par rapport à tout cela, qu’est-ce qui nous arrive ? C’est cela qu’il faut revoir. L’inversion qu’il y a au niveau de la hiérarchie du parti au pouvoir (le Pastef) fait que nous avons quelqu’un qui a une surcharge de légitimité (Ousmane Sonko, Ndlr) qui devient le Premier ministre. Cela va décentrer le pouvoir totalement et on y assiste. Cela va créer de nouvelles tensions qu’il faut prévenir dès maintenant. De l’autre côté, on a la dette politique de Diomaye (le président de la République). Une dette extrêmement forte qui est un poids sur ses épaules à l’heure actuelle. C’est cela qui crée de la tension au sommet du pouvoir ».
« Pour en venir à l’idéal d’un gouvernement démocratique qui est notre plus grand défi, il nous faut un État neutre, impartial pour que le critère de la transparence et de l’égalité des citoyens puisse être respecté. De mon point de vue, après avoir assisté à ce qu’on peut appeler un État agressif, nous n’avons pas l’impression d’avoir tourné la page de l’État-partisan. On a l’impression qu’il se met en place petit à petit un État pastefien. Le défi c’est de voir comment on peut traverser cette nouvelle mutation de la démocratie, et ne pas réduire notre démocratie à une démocratie électorale. Et ne pas réduire la légitimité à une seule légitimité de ceux qui sont élus. Il y a de nouvelles légitimités qui émergent, qui sont fortes ».
avec Seneweb
En savoir plus sur LE DAKAROIS
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
![](https://ledakarois.sn/wp-content/uploads/2023/12/250x50-Ledakarois-sn-3.png)
BUZZ
-
Faits-divers
/ il y a 1 semaineAppel à la vigilance morale : Bachir Fofana demande une action contre la promotion de contenus dérangeants
Dans un contexte où la préservation des valeurs morales et des bonnes mœurs est...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 1 semaineDiamniadio : Un mystérieux incendie dans une auberge provoque la mort d’un client
Un mystérieux incendie a secoué le bar-auberge « Le Colombia » à Diamniadio, suscitant...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 2 semainesDiourbel : Célébration de la Fête de la Musique – Jah Man fait profil bas
À l’occasion de la Fête de la Musique célébrée ce 21 juin partout dans...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 2 semainesHorreur à Kaffrine : Une fillette de 2 ans égorgée par son oncle
La petite ville de Kaffrine est sous le choc après un acte d’une violence...
Par Diack -
Faits-divers
/ il y a 2 semainesSédhiou : Un adolescent de 16 ans mortellement fauché par un véhicule
Un tragique accident s’est produit ce dimanche sur la RN4, sur l’axe Sénoba-Carrefour Diaroumé,...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 2 semainesUn mort dans un accident sur la Corniche Ouest
Ce dimanche, un tragique accident s’est produit sur la Corniche Ouest de Dakar, entraînant...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 3 semainesKolda : Une élève de CM1 meurt tragiquement dans un puits scolaire
Une onde de choc traverse la communauté de Kolda après le décès tragique d’une...
Par Le Dakarois -
Faits-divers
/ il y a 3 semainesVélingara : Suspicion de torture mortelle dans le Camp Militaire de Dialadiang
Un drame suscite une vive émotion dans la commune de Paroumba, située dans le...
Par Le Dakarois
À voir
- Avis de Recherche
- CAN 2024
- COMMUNIQUE
- COMMUNIQUÉ
- Conseil des ministres
- CONTRIBUTION
- Culture
- Diplomatie
- direct
- Economie
- édito
- Education
- Entretien
- ENVIRONNEMENT
- Faits-divers
- Justice
- Le Dakarois Quotidien
- Le monde / Afrique
- Média
- Météo
- Necrologie
- Other Sports
- People
- Politique
- Présidentielle 2024
- Religion
- Revue de presse
- Santé
- Société
- Sport
- Télécommunications
- Uncategorized
- Vidéo
- Votre Quotidien du jour